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Culture - Portrait d’artiste

Bryn Terfel, un mauvais garçon gallois bien fréquentable

Un rouquin qui a du caractère. Et de la voix. Les traits durs, alliant austérité, dureté, force, vigueur et un certain romantisme bourru, Bryn Terfel n'a pas volé sa réputation de « bad boy » avec son CD chez « Deutsche Grammophon », en interprétant les « vilains » de la scène lyrique.

Bryn Terfel.

Portrait d'un baryton gallois qui, à quarante-cinq ans, n'a pas fini de faire des remous, tout en étant d'une fréquentation à intérêt vocal majeur.
Il n'est pas seulement ce barde au physique de camionneur de poids lourd qui chante des airs gallois... Né justement en 1965 à Pantglas, au pays de Galles, de son vrai nom Bryn Terfel Jones (il ne gardera pour les feux de la rampe et le public que Bryn Terfel), le baryton-basse, aujourd'hui applaudi de Covent Garden à la Scala de Milan en passant par le Carnegie Hall et le Metropolitan Opera de New York, a vite compris, c'est-à-dire dès sa plus tendre enfance, que la musique, et plus particulièrement le chant, sont sa vie. Et ses atouts majeurs.
Ses notes jaillies entre sourcils froncés et regards menaçants, en tonalités graves et sombres, sont faites pour un soleil noir qui va illuminer les scènes du monde.
Études à la Guildhall School of Music de Londres et très vite le premier prix de la BBC «Singer of the world», remporté haut la main en 1989, le révèle au grand public.
Premiers rôles prestement décrochés et interprétés avec éclat dans Cosi Fan tutte et Les Noces de Figaro de Mozart. D'ailleurs, son Leporello laisse plus d'un la bouche bée...
On parle déjà de «sa verve inépuisable, de sa vivacité dramatique, de son articulation souveraine, de son énergie juvénile foudroyante, de sa voix sombre, aux couleurs chatoyantes, d'une onctuosité féline...». Et le chapelet de louanges est encore bien long.
Que ce soit sous la direction de Claudio Abbado, de Gardiner, Levine, Muti ou en donnant la réplique à Roberto Alagna ou à Cecilia Bartoli, ou en interprétant les Contes d'Hoffmann ou Falstaff pour le bicentenaire de Verdi en 2001, Bryn Terfel, par le magnétisme et la puissance de sa voix, régénère les partitions et apporte un éclairage vocal neuf aux personnages qu'il fait vivre.
On a longtemps parlé de ces méchants garçons à qui il prête la noirceur enchanteresse de sa voix. Un CD paru chez Deutsche Grammophon sous le titre éloquent et explicite de Bad Boys a littéralement secoué le monde du bel canto. Cette intrusion vocale virile et machiste avait quelque chose d'inédit et de presque provocateur. Dans les sillons de ce CD campent des personnages masculins plus portés à l'agressivité et la violence (morale ou physique) qu'à la douceur ou la tendresse.
Une brochette de personnages combatifs, qui vont du haineux et frustré Scarpia, à la noirceur animale au satanique et pernicieux Méphistolès, en passant par Iago, Don Juan, le Commandeur ou Dulcamara (le charlatan de L'Elixir d'amour de Donizetti) habitent les modulations et les inflexions de ce chant «infernal». Un chant belliqueux, querelleur, tout en crêtes rubicondes où les nuances du baryton l'emportent sur la basse et où la basse a des victoires soudaines qui relèguent le baryton au pied de l'échelle... On l'a compris, plus basse que baryton ou plus baryton que basse, le dilemme n'est pas tout à fait tranché pour évoquer la véritable couleur de la voix de Terfel. Mais de toute évidence, la voix de Bryn Terfel prête à ces personnages manipulateurs et «machiavéliques» toutes les amplitudes et les facettes du mal, la voracité de ce qui est insatiable, la cruauté de ce qui broie et tourmente, la profondeur de ce qui est caverneux.
Mais depuis, c'est-à-dire de Mozart à Wagner, Bryn Terfel (sacré commandeur de l'ordre de l'Empire britannique par le prince de Galles) a interprété, outre des «lieders» (comment en serait-il autrement?) des pages de Wolf, Brahms, Schumann, Schubert et la Huitième symphonie de Mahler.
Opéré du dos en 2003 et père de trois enfants («priorité à la famille», déclare-t-il sans sourciller), sa présence et sa voix restent un moment (fort comme du café concentré!) de grâce et de tonicité contagieuse sur scène aussi bien que sur CD.
Pour mieux retrouver ce baryton hors pair, fan des Pink Floyd et épris des paysages gallois tout comme Obélix l'est de son village gaulois, encore et toujours, rien ne vaut les accents démoniaques de ces mauvais garçons et leurs ahurissantes machinations.
De Rossini à Donizetti en passant par Beethoven (dans Fidelio!), Gilbert et Sullivan, Sondheim et Gershwin, voilà un savoureux bouquet d'airs sentant le diable et ses
diableries...
Portrait d'un baryton gallois qui, à quarante-cinq ans, n'a pas fini de faire des remous, tout en étant d'une fréquentation à intérêt vocal majeur.Il n'est pas seulement ce barde au physique de camionneur de poids lourd qui chante des airs gallois... Né justement en 1965 à Pantglas, au pays de Galles, de son vrai nom Bryn Terfel...

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