Adieu mon père

Je tiens à te témoigner mon estime la plus profonde et te dire combien je suis fière d'être ta fille et de porter ton nom. Je me rappellerai tous les jours quel grand homme tu as été, et resteras dans ma mémoire et celle de tous.
Il est difficile de dresser un bilan exhaustif de tes réalisations à travers toute une vie d'accomplissements aussi riches et brillants, mue constamment par ta volonté de construire.
Déjà élève à l'école des jésuites, l'administration avait proposé à tes parents un cursus gratuit, tellement tes performances étaient impressionnantes.
Avocat à un très jeune âge, grand ténor du barreau de Beyrouth, ta carrière fut au-delà du prévisible, pointée dans le firmament des réussites.
Nommé par les autorités françaises du temps du mandat comme cadre à la Direction générale de la Sûreté générale, tu fus le seul Libanais à l'époque à être sollicité pour ce poste privilégié.
Emprisonné à Rachaya avec les piliers de l'indépendance nationale, tu as su concilier ton patriotisme pur et ton ouverture à la culture universelle.
Homme de lettres, de poésie et penseur sociopolitique, tes écrits de l'époque témoignent de ta vision futuriste. Déjà au seuil de l'indépendance, tu avais critiqué les théories politiques préconisant la faiblesse et la neutralité négatives de notre pays.
Homme institutionnel, rebelle à la configuration féodale et confessionnelle du pays, tu as toujours été un farouche défenseur d'une République institutionnelle, démocratique, libérale et représentative.
Dans cette optique, tu as donné au Casino du Liban un statut d'institution publique et une stature de site international, visité par les grands de ce monde comme une adresse incontournable.
Visionnaire, tu as œuvré pour la concession téléphonique Ericsson, qui a installé le réseau téléphonique fixe au Liban.
Grand patriote acharné, tu n'as cessé de déployer maintes activités culturelles en Europe et aux États-Unis pendant la guerre civile libanaise, permettant de promouvoir cette image du Liban humaniste et sa vocation universelle.
Homme de bien, tu as soutenu et aidé pendant des décennies des familles entières. À tel point que lors de la cérémonie qui a eu lieu au siège de la nonciature apostolique à Harissa pour te remettre la croix de commandeur décernée par Sa Sainteté le pape Paul VI, Son Excellence le nonce apostolique au Liban en ce temps-là, Mgr Alibrandi, n'a point hésité à souligner dans son allocution : « L'on peut dire sans crainte d'exagération aucune que tant que le Liban aura des fils comme Victor Moussa, il n'est nul danger de le voir périr un jour. »
Quant à moi, ta fille, je veux que tu saches que ce sont ces souvenirs-là et tant d'autres personnels que je garderai de toi, et que je t'aimerai toujours et chérirai ta mémoire jusqu'à mon dernier souffle.