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Nos Lecteurs ont la Parole

Beyrouth n’est pas Kaboul

Par Georges TYAN
Ce qui s'est passé le samedi 18 septembre à l'aéroport international Rafic Hariri est une ignominie, non que le parti de Dieu se soit mis dans une affaire qui ne le concerne nullement - il y a des tribunaux pour la défense des opprimés, veuves et orphelins -, mais la léthargie des instances étatiques est à tout point de vue choquante.
Je laisserais aux hommes politiques le soin de débattre entre eux, encore que ce terme poli en lui-même soit totalement déplacé dans le contexte actuel, ils ont leur lexique qui fleure les égouts, j'ai le mien.
Ce qui interpelle c'est cette débauche de muscles, de paroles sans retenue aucune, étalées sur les écrans de télévision, rictus à l'appui, index menaçant pointé vers les téléspectateurs ébahis, comme si le but ultime était non faire peur mais de terroriser.
Pari tenu, mais suicidaire. Cela valait-il la peine, pour un parti qui a fait de la résistance une abnégation et du combat contre l'ennemi une sublimation, de se fourvoyer dans les méandres de la politique des petites ruelles ?
Je ne vois pas comment ce parti fera pour se débarrasser de l'étiquette de terrorisme qu'il a tant fait pour s'en défaire, mais qui désormais lui colle à la peau, indélébile, marquée au fer rouge.
Les petites guerres, les escarmouches, les incidents, programmés ou non, passe encore, mais endosser la panoplie du parfait combattant sous couvert de redresseur de torts, c'est une première mondiale qui s'inscrira en lettre d'or dans le livre des tristes records.
J'en suis toujours à me demander comment ce parti, qui a participé à toutes les échéances démocratiques nationales, allant des élections législatives, passant par celles des maires et des conseils municipaux, pour en arriver au gouvernement où il a ses représentants, a glissé sur cette peau de banane, comme sur un toboggan sans fin.
Mais il est vrai aussi qu'il ne s'est trouvé personne pour faire barrage à quelques exaltés dont l'action irréfléchie a failli tout emporter sur son chemin, nous ramenant à la case de départ.
Je ne sais pas si la démission - dommage qu'elle ait été momentanée - des caciques de l'État a sauvé les meubles. Il aurait suffi d'une petite étincelle pour mettre le feu aux poudres. Toujours est-il qu'il est étonnant que les responsables sécuritaires, à tous les niveaux, se soient ce jour-là inscrits aux abonnés absents.
Providence, hasard ou simple tactique ? Reste qu'on ne bâtit pas un État en faisant l'autruche, ni en laissant passer la tourmente, qu'on force le respect de la loi, une loi qui doit être applicable à tous, non par choix mais par obligation civique.
Sinon, c'est purement et simplement la loi de la jungle qui s'installe. La raison du plus fort serait par conséquent la meilleure, sans nul besoin, comme dans la fable, de le démontrer.
Le parti de Dieu sait pertinemment que Beyrouth n'est pas Kaboul et que le Liban, vu sa position géographique, n'est pas l'Afghanistan. Il ne peut donc prétendre, même s'il pense en avoir les moyens, envahir le pays, comme il l'a fait à l'aéroport ce fameux samedi, et le façonner à sa guise.
Les soutiens régionaux, dont il bénéficie largement à l'heure actuelle, ne lui permettront pas de tenter cette gageure. Ils seront les premiers à en pâtir, à souffrir des répliques de ce cataclysme et à payer au prix fort les pots cassés.
Le Liban n'est pas un terrain de rugby. D'ailleurs, aucun des essais n'a jamais été transformé. Il faut donc que ce petit jeu cesse parce qu'il ne mènera à rien d'autre qu'à un saut dans l'inconnu et aux catastrophes.
Je l'ai écrit à plusieurs reprises, au point de lasser : sur nos 10 452 kilomètres carrés, vivent 17 communautés. L'harmonie, l'entente, le consensus sont les maîtres mots de la relation entre elles et aucune ne peut prétendre s'imposer aux autres par la force, encore moins par le nombre, mais bien à travers le respect de la démocratie.
L'histoire récente, avec son cortège de morts, de dégâts, de larmes, de souffrances, est là pour le rappeler à tous, surtout à ceux qui seraient tentés de la réécrire à leur manière.
Je ne suis pas moralisateur, loin s'en faut, mais il est temps que tous les responsables libanais mettent de l'eau dans leur vin, même ceux du parti de Dieu. L'avenir de notre pays doit être considéré uniquement en fonction de notre intérêt national, loin de toute considération ou affinité régionale ou internationale.
Ce qui s'est passé le samedi 18 septembre à l'aéroport international Rafic Hariri est une ignominie, non que le parti de Dieu se soit mis dans une affaire qui ne le concerne nullement - il y a des tribunaux pour la défense des opprimés, veuves et orphelins -, mais la léthargie des instances étatiques est à tout point de vue...

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