Le printemps musical des juges
Ces résonances d'arias, de lieds et autres mélodies à la Cour suprême remontent à plus de 20 ans. La tradition veut, qu'avant de boucler leur tâche juridique de l'année (qui se termine fin juin), ses membres aient leur printemps musical. Elle avait été initiée en 1988 par le juge Harry Blackmun qui en avait assuré l'organisation. Lui avait succédé à ce poste d'imprésario à la juge Sandra Day O' Connor qui, à son tour, a passé le bâton à Ruth Bader Ginsburg. Ont répondu à leur appel de grandes vedettes: la soprano Renée Fleming, le ténor Marcello Giordani, le chef d'orchestre Leonard Slatkin, le chanteur-pianiste Bobby Short, Marian McPartland, la pianiste de jazz. Au cours du concert de cette année, animé donc par la soprano Denyce Graves et le ténor Lawrence Brownlee, messieurs et mesdames les juges sont tombés sous le charme du talent de conteur (qu'ils ignoraient) de l'un de leurs collègues, John Roberts. À la fin de la performance, il leur a rappelé qu'il y a 122 ans, jour pour jour, la Cour suprême avait émis une décision, qui était la première du genre: elle avait trait à une affaire «opératique». Il s'agissait d'une fraude dont avait été victime une diva de l'époque, Adeline Patti, surnommée «Wonderful songstress» (La merveilleuse chanteuse). Un escroc avait falsifié des billets pour un pseudoconcert de Patti, censé avoir lieu à Mexico City, et était arrivé à en vendre pour la somme de 30000 dollars, à l'époque. Si l'affaire était arrivée en si haut lieu, c'est parce qu'il fallait déterminer si la définition de la loi générale sur la falsification incluait les faux imprimés ou se limitait aux apocryphes faits à la main. Pour finir, la cour s'était prononcée pour une plus large définition.
Affaire classée. Entre-temps, les arts ont eu largement droit de cité au pays de l'Oncle Sam. Ses citoyens, aussi sérieux et décideurs qu'ils soient, ont ainsi la marge de s'y adonner en toute liberté entre une tâche et une autre. Récemment, on a évoqué dans cette même page des membres du Congrès maniant le pinceau. Sur le fronton de la Cour suprême n'est-il pas gravé: «La justice, gardienne de la liberté.»
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