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Municipales 2010 : les résultats

À Tripoli, la liste de l’Unité donnée gagnante malgré la contestation

Bien que conscients du poids que représente la liste d'entente mise en place à Tripoli, plusieurs électeurs ont voulu relever le défi et se déplacer pour tenter de changer le cours des choses. Donnée gagnante dès le départ, la liste de l'Unité de Tripoli, concoctée et parrainée par d'éminentes personnalités de la ville - Hariri, Safadi, Mikati et Karamé -, n'a pas soulevé un enthousiasme exubérant, notamment dans certains quartiers tels que Bab el-Tebbaneh, Kobbé et Jabal Mohsen, où le panachage devait être synonyme de choix démocratique.
La prééminence de la liste de coalition, qui regroupe en son sein les forces du 8 et du 14 Mars, a eu un effet contraire sur plusieurs autres électeurs qui ne se sont pas sentis obligés de participer à une échéance dont les résultats étaient pratiquement connus d'avance, ce qui explique le fort taux d'abstention dans la capitale du Nord. En effet, selon les prévisions, la liste de l'Unité devrait l'emporter haut la main, dans la mesure où elle regroupe, du moins théoriquement, les principaux courants de la ville, ainsi et comme il se doit, la palette de communautés constitutives de l'équation en place : des sunnites en majorité (près de 160 000), des alaouites et des chrétiens, sur un total de 190 000 électeurs. Outre le Courant du futur, ce sont également les partisans des leaders traditionnels (Safadi, Mikati, Karamé) qui sont représentés au sein de cette liste, ainsi qu'un membre de la Jamaa islamiya, un autre des Ahbache, deux alaouites et deux chrétiens. Bref, un éventail des courants relativement représentatifs du patchwork politico-communautaire, d'où sa qualification de liste d'entente. Les panneaux d'affichage géants à l'entrée de la ville devaient consacrer cette alliance, « un peu forcée », diront certains, et dont l'esprit devait se résumer en ces termes : « Votre union sert vos intérêts. C'est la ville de Tripoli qui nous réunit. »
Mais, ce ne sont ni les moyens financiers - assez substantiels en faveur de l'Unité - ni les appels répétés à voter pour cette liste qui ont intimidé notamment l'ancien député, Abdel Magid Rafeï, qui a tenu à faire face à la liste des « grands » en formant sa propre liste, celle de la « décision de Tripoli ». Tout en étant conscient, ainsi que ses partisans, qu'il a peu de chances de percer, comme le prévoient les observateurs. D'autres indépendants, tels que Ahmad el-Marj à la popularité confirmée dans certains quartiers, se sont également risqués au jeu démocratique, et pourraient, avec un peu de chance, effectuer une percée dans la liste de l'alliance quadripartite.
Que ce soit dans le Tell, à Bab el-Tebbaneh, à Kobbé ou à Jabal Mohsen, chef-lieu des alaouites, la contestation est patente.
« Ils ont privé les habitants de leur droit de dire non et de changer le fait accompli qui leur a été imposé », s'offusque un électeur qui a voulu garder l'anonymat et affirmé avoir choisi les « noms qui lui conviennent ». Cela revient à dire qu'il a désobéi au mot d'ordre donné par les dinosaures de la ville, consistant à placer la liste entière « telle quelle ».
« Les gens à Tripoli ne sont pas tous d'accord sur le fait qu'une liste d'entente a été imposée », affirme un autre votant, signifiant qu'il fait partie également des rangs des mécontentements. Plusieurs Tripolitains affirment d'ailleurs s'être déplacés pour l'élection du moukhtar du quartier, précisant ne pas s'intéresser cette fois-ci aux municipalités.
Mohammad, qui travaille au sein de la machine de Nagib Mikati, affirme « comprendre parfaitement la contestation des gens », mais refuse de « désobéir au mot d'ordre » qui lui a été donné par l'ancien Premier ministre. Reconnaissables à leur tee-shirt jaune traditionnel, les Ahbache ne devaient pas créer la surprise, puisqu'ils affirment ne pas transgresser la discipline partisane. « Je ne connais aucun des candidats de la liste. Mais je fais comme on me l'a demandé au parti », affirme une jeune fille voilée.
Tous les islamistes ne sont pas cependant du même avis. C'est le cas de ce salafiste qui coupe court à la conversation en soulignant que les membres de son mouvement ne voteront pas. « À Tripoli, nous n'avons pas de municipalité. Nous n'avons que des brigands », tranche l'homme sans appel.
Omar accuse pour sa part les députés et les ministres qui ont concocté la liste de l'Unité de « s'ingérer dans les questions municipales à des fins de récupération politiques ». Il insiste pour dire que le conseil municipal doit être en définitive « représentatif de la classe populaire dont est formée la majorité des Tripolitains. Nous voulons des gens qui soient sensibles à nos problèmes, à notre pauvreté, à l'absence d'électricité, au chômage qui frappe les jeunes de la ville, dit-il. Cela fait douze ans que nous observons les conseils municipaux qui se sont succédé. Résultat pratique : ils n'ont absolument rien fait ».
Ahmad acquiesce et va dans le même sens : « Nous en avons marre de tendre la main aux associations qataries et saoudiennes pour mendier une aide scolaire pour nos enfants. Nous voulons un conseil municipal qui puisse réclamer des comptes à nos députés », dit-il, avant d'ajouter : « Les gens ne sont plus ignorants. Ils sont désormais conscients de la manipulation politique dont ils sont victimes, durant les élections surtout. »
À Bab el-Tebbaneh, la principale critique est le fait d'avoir écarté Ahmad Marj, ancien membre de la municipalité et proche du Courant du futur de la liste de l'Unité, un homme envers lequel les habitants de la localité ne tarissent pas d'éloges. Ahmad Marj est « notre héros, le roi des pauvres », comme ils disent.
Issu de leur milieu, « il n'a jamais renoncé à aider les gens qui sont dans le besoin ». C'est celui qui a su également parler leur langage et « comprendre leurs souffrances et leurs privations ». Un autre favori dans ce quartier misérable de la ville, Arabi Akkaoui, qui a hérité de la popularité de son père, tué par les Syriens. C'est en faveur de ces deux noms, et de quelques autres indépendants notamment pris au sein de la liste de Rafeï, que le panachage se faisait dans ce quartier. Mais c'est probablement Imad qui résume le mieux l'état d'esprit de ces contestataires : « Nous ne voulons pas de ces boîtes de conserve périmées et nuisibles que l'on nous offre (comprendre la liste de l'Unité). Dorénavant, plus personne ne pourra plus nous imposer des listes. L'époque où les Syriens faisaient la règle lors des élections est révolue », dit-il.
La prééminence de la liste de coalition, qui regroupe en son sein les forces du 8 et du 14 Mars, a eu un effet contraire sur plusieurs autres électeurs qui ne se sont pas sentis obligés de participer à une échéance dont les résultats étaient pratiquement connus d'avance, ce qui explique le fort taux d'abstention dans la capitale...