Le Congrès US devant le chevalet

La scène washingtonienne est un site haut de gamme rempli d'images en direct des réceptions et autres événements animés par l'élite de la ville et les célébrités politiques. Ici, l'agenda mondain est fait de «parties» prestigieuses: galas de collectes de fonds, bals à but caritatif, invitations privées, dîners et «premières avec tapis rouge». La scène washingtonienne est le site que consulte tout un chacun désireux de tout savoir sur la faune et les réseaux de la capitale fédérale.
Tout le monde sait, par exemple, qu'il y a des sénateurs doublés de chanteurs et d'autres politiciens musiciens, car ils finissent toujours par monter sur scène lors d'un ralliement pour une bonne cause. Mais on connaît peu ceux qui sont dotés de talents moins visibles. Ceux-là, on a pu les découvrir lors d'une exposition intitulée «L'Art au Congrès», organisée par le Woman's National Democratic Club et donnant à voir les œuvres picturales de plusieurs membres du Congrès. Une spécialiste en la matière les juge ainsi: «Ce ne sont pas des artistes professionnels, mais ils ont une grande habileté technique.»
Des peintres et des sculpteurs du dimanche qui, pour se reposer des législations, des chartes et des décrets, se sont plongés dans les pinceaux et les palettes. La plupart sont des grands noms de leur parti et pratiquent leur hobby le plus sérieusement du monde. Voici la fiche de cette face cachée: Dianne Feinstein (née à San Francisco) siège au Sénat américain depuis 1992 et elle est la démocrate libérale la plus à gauche. Plutôt dame de fer quand il s'agit de défendre sa politique, elle devient main de velours quand elle s'installe devant son chevalet pour exécuter des compositions florales. Ses bouquets sont opulents et gorgés de lumière, à l'exemple du Goden State (la Californie), dont elle est originaire et qu'elle représente au Sénat.

Leur jardin secret
À la Chambre des représentants, on a aussi de l'inspiration. L'un de ses membres, Mazie Hirono, trempe ses mains dans l'argile dont elle sort de très belles sculptures mêlant pureté des lignes et tonalités vibrantes. Née au Japon, elle a grandi et vécu à Hawaï où ses parents avaient émigré. Elle est la première femme d'origine asiatique à avoir siégé au Congrès. Son collègue, Raul Grijalva, de descendance hispanique, a réalisé une paire de dessins à l'encre de Chine dans l'esprit de Picasso, qu'il a intitulée Un long jour de legs (Islatio). Ceci pour dire son actuelle activité politique comme représentant de l'État de l'Arizona et aussi l'empreinte de son patrimoine ancestral.
Dans cette exposition, étalant les talents artistiques des décideurs du pays, la palme revient à Jim McDermott, l'un des représentants de l'État de Washington et le plus engagé dans son hobby. Fasciné par le bouddhisme zen, il s'était initié, il y a trente ans, à la peinture «sumie» qu'il pratique toujours. Ce genre, exécuté à l'encre et au pinceau, est considéré comme la simplification la plus élevée de la couleur, en comparaison avec la peinture occidentale qui utilise tout le faisceau de couleurs pour former lumières et ombres. Cette technique est née en Chine et elle a été reprise au 14e siècle par les artistes japonais, grâce aux moines bouddhistes zens. Jim McDermott, qui donne à voir deux élégantes compositions révélant l'élégance des bambous, précise: «Dans la philosophie chinoise, le bambou est qualifié de "gentleman parfait", car il se plie, mais ne rompt jamais. Et le pinceau requiert de se calmer et de se relaxer. Alors, j'écoute du jazz pendant que je peins.» Si aux dires de Talleyrand, le Congrès réunissant les souverains européens en Autriche, en 1815, « s'amusait au lieu de siéger » aux USA, les congressmen siègent tout en cultivant leur jardin secret.