Quelle carrière !

« Caillou prend X ou S au pluriel », demande Honoré de Balzac à sa servante Mlle Rosita. « Ça prend X ignare, tu vieillis mon salaud », lui répond-elle ! Très éloquente...
Les cailloux sont les objets de notre histoire aujourd'hui! Mais avant de m'en lancer, lisez !
Les cailloux du Petit Poucet lui permirent de retrouver le chemin de la maison et de divertir des générations d'enfants, ceux de Thierry la fronde permirent de résister devant l'envahisseur et de susciter l'engouement des Français dans les années 60 pour les 52 épisodes de cette série créée par Jean-Claude Deret. Mais si les aventures de Thierry la fronde, elles, ne sont que le fruit de l'imagination, la guerre menée par les enfants palestiniens contre le monstre israélien était bien réelle : la guerre des cailloux. Cette intifada durant laquelle des dizaines de milliers d'enfants auront les mains droites brisées par des matraques dans les camps d'Ansar 2 ou 3 où les Israéliens les retenaient...
Mais cet épisode triste qui perdure malheureusement n'est pas non plus le sujet de notre histoire...Les cailloux dont nous parlerons sont ceux de Démosthène. Cet homme est né en 384 av. J-C à Athènes. Fils d'un riche armurier, la disparition de son père le plaça à sept ans sous l'autorité d'un tuteur nommé Aphobos qui dilapide une bonne partie de l'héritage paternel, empêchant ainsi Démosthène de s'inscrire au nombre des élèves d'Isocrate, le grand maître de rhétorique de l'époque et qui a façonné toute une génération d'orateurs. Et orateur, Démosthène ne l'était point à ses débuts qui étaient désastreux : bégaiement, zézaiement et bafouillage lui sont coutumiers. Peu à peu, il apprend à corriger les défauts de style et surtout de prononciation qui l'avaient couvert de ridicule lors de ces premières interventions. Ainsi, pour s'habituer à articuler, il déclame des tirades avec des cailloux dans la bouche, il se contraint à parler en courant, en gravissant des pentes ou encore sans reprendre haleine. Il se place devant un grand miroir afin de mesurer l'effet de ses déclamations et il aménage une salle d'étude souterraine dans laquelle il descend chaque jour. Il pouvait y rester des mois de suite pour répéter ses discours, la tête rasée d'un seul côté afin d'éviter la tentation de sortir...Les cailloux aidant, la détermination, mais aussi la lecture et la réflexion finirent par faire de Démosthène, jusqu'à sa mort en 332 av. J-C, le plus brillant orateur de son temps : on se bouscule pour entendre ses plaidoiries et ses discours haranguant les citoyens d'Athènes afin qu'il se donne les moyens de combattre Philippe de Macédoine, l'ennemi de la démocratie. Il incarne le patriotisme athénien, mais aussi l'âge d'or de l'éloquence classique, et ses petits cailloux sont entrés dans la légende...L'éloquence est certes appréciable et nombre de nos politiciens en font preuve, mais malheureusement le contenu de leur discours n'est pas toujours éloquent. Pour finir, citons le poète Louis Scutenaire : « Il faudrait que les mots soient les cailloux blancs du Petit Poucet. Ils sont trop souvent ses miettes de pain. »