C'est afin de parer les risques de destructions éventuelles que la Direction du développement et de la coopération veut promouvoir des techniques de construction permettant d'assurer autant de sécurité que possible en cas de catastrophe. Techniquement, il s'agit essentiellement d'amortir les forces qui s'exercent dans les fondations et le premier étage des immeubles lorsque survient une secousse, et de renforcer l'armature des bâtiments. Ces normes sont déjà inscrites dans les textes, mais les responsables peinent à les faire respecter, et aujourd'hui, de nombreux bâtiments sont encore construits sans prise en compte des aléas sismiques. Pour Fadi Hage Schédadé, professeur en génie civil à l'Université libanaise et spécialiste des constructions parasismiques, c'est avant tout une méconnaissance des techniques qui est en cause : « Les constructeurs craignent une augmentation des coûts, mais en réalité, cela ne coûte que 5 à 10 % plus cher. » Un investissement relativement faible qu'il juge indispensable étant donné l'importance des aléas sismiques au Liban, présentés au cours de cette réunion d'information.
C'est Mohammad Harajli, professeur en génie civil à l'Université américaine de Beyrouth et spécialiste des aléas sismiques, qui dresse le bilan de ses travaux sur l'activité tectonique au Liban, réalisés à l'aide d'un groupe d'étudiants. Il fait le constat d'une activité sismique permanente sur le territoire ; des secousses de très faible importance sont constatées très régulièrement. Mais depuis 4 000 ans, le Liban a connu plus de 20 séismes d'une magnitude supérieure à 6 sur l'échelle de Richter, le dernier datant de 1837. Le pays se situe en effet sur une zone d'activité tectonique, au contact de plusieurs plaques. La faille de Yammouneh, ou faille du Levant, qui sépare les plaques tectoniques d'Afrique et d'Arabie, traverse le territoire du nord au sud. Elle est parcourue de nombreux lacs et vallées et produit régulièrement, de petits tremblements de terre. Un grand nombre de ces secousses se concentrent autour de la région du village de Srifa. Mais d'autres éléments viennent accroître encore le facteur de risque : depuis quelques années, des équipes de sismologues du CNRS ont découvert que cette faille avait une jumelle, qui plonge sous la mer au niveau de Tripoli et forme un arc de cercle pour rejoindre son axe principal au sud du territoire. C'est peut-être un chevauchement soudain à ce niveau entre les deux plaques tectoniques, qui serait la cause de la destruction de Beyrouth, en 551. La ville avait mis plusieurs siècles à s'en relever. Une nouvelle secousse sous-marine au niveau de cette dérivée de la faille de Yammouneh pourrait causer un important tsunami, mais les chercheurs ne peuvent, à ce jour, prédire la date et la force de l'événement. Les conséquences dépendraient alors étroitement de l'épicentre du tremblement.
Un séisme qui atteindrait le niveau 6 sur l'échelle de Richter aurait des conséquences graves, d'autant que le Liban n'y est pas suffisamment préparé. Pour le général Darwiche Hobeika, directeur général de la Défense civile, le pays n'a pas parcouru la moitié du chemin dans ce domaine. Ses équipes de secours ne sont pas formées à ce genre d'événement. « On compte sur les volontaires », ajoute-t-il, car seulement deux petites équipes de professionnels sont opérationnelles à l'heure actuelle. Le général dénonce également le manque de moyens accordés à cette mission, et le déficit de matériel qui en découle. On craint enfin une situation similaire à celle observée en Haïti en janvier dernier, où un manque criant de leadership avait retardé considérablement l'intervention des secours et le déploiement de l'aide humanitaire. C'est pour cette raison que les représentants des différents ministères semblaient accorder une grande importance à ces travaux préventifs.
Le tissu urbain de Beyrouth est largement constitué de bâtiments anciens, construits avant les années 1950, qui ne répondent donc pas aux normes antisismiques en vigueur. C'est le cas également de nombre de villes et villages libanais, où le bâti ancien n'a jamais été mis aux normes. Et pour cause, si construire du neuf aux normes ne représente pas un coût trop élevé, réhabiliter des bâtiments anciens constitue en revanche un investissement très lourd car les techniques coûtent cher. C'est un travail de précision, qui demande du temps.
Un état de fait qui vient compliquer encore les efforts de préservation du patrimoine architectural libanais, un élément auquel l'ambassadeur Barras se dit très sensible. Le DDC, par l'intermédiaire d'Ivan Vuarambon, souhaite participer à la protection parasismique du bâti ancien, sur le modèle d'expériences réalisées en Syrie sur des édifices publics.