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Liban - Reportage

Panachage, listes piégées et passivité à Beyrouth

Il est fort à parier que plus que les résultats des élections, ce sont les causes de la démobilisation des électeurs à Beyrouth qui vont alimenter, au cours des prochains jours, les analyses et les discours politiques.

Saad Hariri effectuant son devoir électoral.Mohammad Azakir/Reuters

Jusqu'en milieu d'après-midi, l'affluence aux bureaux de vote est restée timide, voire alarmante, en dépit des appels incessants lancés par les députés de la capitale aux Beyrouthins. Elle n'avait pas dépassé en moyenne les 15 %. À Rmeil, où le Courant patriotique libre (CPL) souhaite remporter la bataille des moukhtars, elle est même inférieure à cette proportion. Les SMS « urgents », envoyés de façon répétitive par le CPL aux abonnés du réseau de téléphonie mobile, invitant les électeurs à se rendre aux urnes à Achrafieh-Rmeil-Saïfi « pour pouvoir en faire à l'avenir une même circonscription » et ses volontaires à se rendre « sans tarder » au siège central de Mirna Chalouhi, sont un indicateur d'une position difficile.
Pourtant, les témoignages recueillis dans la rue sont très fifty/fifty à Beyrouth I et ne permettent pas de former une opinion précise au sujet de la tendance de vote, sans compter que nombreux parmi eux révèlent avoir pratiqué le panachage. En tête des noms rayés de la liste semi-consensuelle, ceux du candidat Amal et des deux candidats Tachnag. Le vote pour les municipales a été très politique, celui des moukhtars, très personnel, partout dans la capitale. Partout dans la capitale aussi, le panachage était pratiqué, mais à des degrés différents.
À Achrafieh, les rues sont vides, comme tous les dimanches. Seuls les attroupements de délégués devant les bureaux de vote révèlent une activité électorale. Mais ces derniers resteront plus nombreux que les électeurs, tout au long de la journée. « J'ai voté seulement pour les moukhtars de la liste aouniste. Je n'ai pas participé aux municipales. À quoi
bon ? Notre voix n'est pas entendue. C'est Hariri qui contrôle tout et les chrétiens ne sont pas représentés. » Le commentaire du jeune Eddy est repris par de nombreux partisans du CPL, que ce soit à Rmeil, Achrafieh ou Saïfi. Ils suivent scrupuleusement les consignes de boycottage du chef du CPL, le général Michel Aoun. Le ressentiment exprimé est énorme. « On ne me donne rien. Je ne veux rien donner. » Mylène aussi n'a pas voté. « Il est dommage qu'Achrafieh ne soit pas représentée correctement. Regardez dans quel état triste se trouve Rmeil. On va être perdus dans la masse et on l'est déjà », déplore-t-elle. Ce sont les partisans du CPL ou encore ceux qui disent n'appartenir à aucun courant qui tiennent ce genre de discours.
En face, les partisans du 14 Mars sont tout aussi engagés. Mais dans le sens contraire. Les plus radicaux votent pour la liste entière. Les autres biffent sans la moindre hésitation les noms du candidat amaliste et des deux candidats Tachnag, et ne s'en cachent pas. « La liste peut ne pas répondre à nos aspirations personnelles, mais elle répond aux exigences de l'unité nationale. Personne ne peut décider à notre place si nous devons ou non voter. Nous avons un point de vue à exprimer et nous l'exprimons à travers les urnes », affirme Mireille. « C'est un acte politique que j'accomplis. Je vote pour toute la liste du 14 Mars », martèle Raymond. Joseph, lui, est plus pragmatique et votera au plus offrant : « Je ne sais pas si je vais voter. Tous sont en définitive de la même trempe. La municipalité n'a jamais rien fait et ne fera rien, alors je vais essayer d'en profiter au moins financièrement. » Malheureusement, on ne connaîtra pas la fin de l'histoire.
Des listes piégées circulent à Beyrouth. Sur l'une d'elles, les noms des quatre candidats Ahbache, Yehia Tabch, Mohammad Machaka, Ghassan Rakha et Ahmad Kaddoura, remplacent ceux de Nadim Abou Rizk, Rachid Achkar, Georges Khoury et Issam Barghout sur la liste semi-consensuelle. Des listes piégées de moukhtars sont également distribuées, mais vite interceptées par les délégués.
À l'école Khadija al-Koubra à Aïcha Bakkar, la tête de liste, Bilal Hamad, met en garde contre les bulletins panachés et appelle les Beyrouthins à voter massivement.
À Beyrouth II et Beyrouth III, l'affluence est également timide. La coalition Amal-Hezbollah-Courant du futur-Kurdes aux élections de moukhtars semble aussi avoir démobilisé les électeurs. On pratique le panachage à outrance. « Nous respectons la coalition bien sûr, mais nous avons chacun ses considérations », relève Moustapha, qui dit avoir formé sa propre liste à Bachoura.
« Le plus important est de préserver la parité. Malheureusement, certaines personnes sont en train de la saper en votant avec des listes panachées sur lesquelles le nombre de sunnites est plus élevé », déplore Rami qui fulmine contre « ceux qui veulent participer aux élections, rien que pour court-circuiter les objectifs des autres ».
« Je viens voter pour la parité, rien de plus », affirme Mohammad. Nombreux sont ceux qui accusent l'Association des projets islamiques (Ahbache) ainsi que les Kurdes de pratiquer le panachage à outrance parce qu'ils ont été « exclus de la liste consensuelle ». Tous de jaune vêtus, on confond aisément les délégués des Ahbache avec les partisans du Hezbollah. Une remarque qui les offusque. « Le jaune a été de tout temps notre couleur. Nous l'avons adoptée 20 ans avant le Hezbollah dont la couleur était le noir. C'est lui qui nous l'a piquée. » Les Ahbache espèrent percer la liste consensuelle, mais démentent être les auteurs des listes piégées. « S'ils s'étaient ralliés avec les Kurdes, les Ahbache auraient pu atteindre leur objectif, et j'aurais personnellement voulu qu'ils le fassent. Mais je ne pense pas qu'ils parviendront à percer », note un ancien moukhtar qui en veut au 14 Mars de l'avoir « lâché ».
Dans une épicerie de Bachoura, Mohammad et Yehya précisent que les électeurs sont en train de former leurs propres listes et de choisir parfois des indépendants. « Chacun vote suivant sa conscience », dit Yehya en constatant que les Beyrouthins étaient davantage mobilisés aux législatives.
Dans l'après-midi, l'affluence aux bureaux de vote s'est légèrement accrue. Mais même les rumeurs sur des achats de voix, de panachage à outrance et de vote avec des listes uniconfessionnelles n'ont pas pu briser la passivité des électeurs beyrouthins.

Jusqu'en milieu d'après-midi, l'affluence aux bureaux de vote est restée timide, voire alarmante, en dépit des appels incessants lancés par les députés de la capitale aux Beyrouthins. Elle n'avait pas dépassé en moyenne les 15 %. À Rmeil, où le Courant patriotique libre (CPL) souhaite remporter la bataille des moukhtars,...
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