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Culture - Cimaises

Tagreed Darghouth, un propos aussi clair que puissant

Une exposition de Tagreed Darghouth (chez Agial*) porte pour titre le nom d'une crème de visage éclaircissante, « Fair and Lovely ». Il est clair que l'artiste n'enduit pas son art de conformisme bon teint.

Les portraits à l'huile ou à l'acrylique de Tagreed Darghouth n'ont jamais eu pour intention d'embellir le mur sur lequel ils sont accrochés. Que ce soit sa série Falling Parts, exposée en 2006 au Goethe Institut, ou encore la collection Mirror Mirror, exhibée chez Agial en 2008 (dont quelques toiles sont accrochées aujourd'hui en vis-à-vis de « Fair and Lovely »). Des poupées morbides, déchiquetées, amputées ou encore des femmes aux visages triturés par la chirurgie esthétique, avouons que cela ne constitue pas un paysage de toute gaieté. Mais qu'importe. Le propos de l'artiste trentenaire est tout autre. Car Darghouth serait plutôt et viscéralement adepte de l'art satire. De l'art qui pose des questions et propose des sujets délicats à la réflexion. Qui induit une société à
l'introspection.
Sa dernière exposition en date, qui se déroule actuellement à la galerie Agial, lance ainsi le débat sur un thème encore rarement défriché par les artistes locaux (à part quelques vidéos et des histoires pour enfants). La situation des employées de maison migrantes, variable à vrai dire, selon la résidence d'accueil. Mais quelles que soient leurs conditions de travail, qu'elles soient traitées équitablement ou d'une manière abusive, qu'elles possèdent deux appareils cellulaires et un compte Facebook (avec l'ordinateur qui va avec) ou qu'elles soient reniées leurs droits les plus élémentaires, ces femmes représentent un phénomène social indéniable.
Prenant pour support le tissu dont leurs costumes sont confectionnés, ou encore sur des tables à repasser, l'artiste a ainsi croqué une multitude de portraits de domestiques. Une toile, intitulée The Runaways (les évadées), donne à voir une grille de visages aux expressions plutôt paisibles. Le sourire, affiché sur la photo passeport de l'employée de maison, accentue d'une manière dramatique le contraste avec la condition de celle qui s'est évadée. La plupart des femmes peintes par ailleurs sont des figures solitaires, serrant dans leurs bras le bébé ou l'enfant de leurs employeurs. Car les travailleuses venant des Philippines, du Sri Lanka, d'Éthiopie ou du Madagascar ne s'acquittent pas seulement des tâches ménagères. Elles font souvent office de nounous et, dans des cas extrêmes, de mamans à la place des mères biologiques.
Mais il faudrait sans doute encore du temps pour que ces migrantes à la peau mate ou carrément chocolat accèdent à une reconnaissance sociale juste, à l'instar de celles réservées aux « fair and lovely ». Tel semble être le message - clair, joli et puissant - de Tagreed Darghouth.

* Jusqu'au 17 avril. Rue Abdel Aziz, Beyrouth. Tél. : 01/345213. 
Les portraits à l'huile ou à l'acrylique de Tagreed Darghouth n'ont jamais eu pour intention d'embellir le mur sur lequel ils sont accrochés. Que ce soit sa série Falling Parts, exposée en 2006 au Goethe Institut, ou encore la collection Mirror Mirror, exhibée chez Agial en 2008 (dont quelques toiles sont accrochées aujourd'hui en...

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