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Nos Lecteurs ont la Parole

Surtout ne pas oublier...

Par Wassim HENOUD
Devant la tente que Solide a plantée depuis cinq longues années dans le square Gibran Khalil Gibran du centre-ville de Beyrouth pour rappeler la cause des Libanais victimes de disparitions forcées, devant cette tente, Madame Frances Mary Guy, ambassadeur de Grande-Bretagne au Liban, a versé des larmes silencieuses à l'occasion de la fête des Mères.
Elle s'est assise sans prétention parmi des mères brandissant les photos de leurs chers disparus. Elle a écouté, avec une profonde et triste attention émue et une sincère compassion, des cris du cœur, des chants religieux, et des mots parfois maladroits qui ont émaillé cette réunion bon enfant à l'occasion de la fête des Mères qui coïncide au Liban avec le premier jour du printemps.
Elle a décidé de se joindre sans fanfare et au-delà des protocoles à une foule de mères et de familles éplorées. Une foule qui s'est réunie sous le regard empreint d'une douce tristesse d'une photo d'Odette Salem qui nous a quittés avant de pouvoir connaître le sort de ses deux enfants enlevés durant la sale guerre et qu'elle n'a plus revus depuis. Une foule qui entendait célébrer la tristesse d'une fête de plus passée sans des êtres bien-aimés, victimes d'un crime aggravé contre l'humanité : celui de la disparition forcée ; crime avant tout par le vain espoir qui brûle les cœurs et par l'impossible deuil jamais complété.
Durant une réunion en janvier dernier, Madame l'Ambassadeur nous a avoué que sans la persistance et la ténacité de la veuve de feu Alec Collett, le gouvernement britannique aurait certainement renoncé à retrouver et à récupérer les restes de ce journaliste, vingt-cinq ans après son enlèvement et son assassinat. Forts de ce constat-conseil, les familles des victimes et ceux qui les soutiennent dans leur lutte pour retrouver la trace des disparus n'abandonneront jamais la juste cause dont ils ont la lourde charge.
Car c'est après des années de recherches que Sevgul Uludag, une journaliste chypriote turque, a réussi à prouver que la plupart des atrocités commises à Chypre depuis 1963 sont le fait de ce qu'elle a appelé « juste une poignée de lascars ». Elle a tenu tête aux nationalistes de tout poil des deux côtés de la ligne de démarcation qui sépare depuis plus de 34 ans les deux communautés. L'Église chypriote grecque lui voue un profond respect. Les familles des disparus ressentent pour elle une reconnaissance qui touche à l'amour. Elle a réussi à faire comprendre aux Chypriotes-grecs que les Chypriotes-turcs avaient aussi leurs disparus, ce qui était jusqu'il y a peu impensable (cf. La Libre Belgique 13/08/2008). Hebe de Bonafini, présidente des Folles de mai en Argentine, assure que « si nous avons pu obtenir quelque chose, c'est que nous n'avons jamais abandonné la lutte, pas même une minute ».
Et les exemples de courage que le succès couronne sont assez nombreux pour que nous ne laissions pas tomber une cause qui devrait être celle de tout Libanais honnête et civilisé. Car rien au monde ne nous garantira la paix civile et le respect de nos droits autant que la reconnaissance des crimes qui en ébranlèrent les fondements. Et d'abord celui du déni de reconnaissance. Si les crimes restent impunis et tombent dans l'oubli, les assassins frapperont de nouveau avec plus d'assurance. De cela, il n'y a malheureusement pas de doute.
Ces larmes nous ont démontré que nous ne sommes pas seuls. Que malgré tout, le monde ne restera pas indéfiniment indifférent à nos blessures béantes. Que tant qu'il y aura des âmes bonnes et nobles, le calvaire des opprimés pour obtenir reconnaissance, sinon justice, ne sera jamais vain. Car si, pour nos instances gouvernantes, 17 000 personnes restées disparues vingt ans après la fin des hostilités ne sont qu'une fade statistique, il va falloir qu'il y ait un enjeu financier pour qu'elles réagissent ; et nous osons espérer que les aides que ces instances mendient à l'étranger, et surtout en Europe, soient désormais assujetties au moins à l'établissement d'une sérieuse commission nationale des victimes des disparitions forcées. L'ambassadeur de sa Gracieuse Majesté, en affichant son soutien pour la souffrance des Libanais ordinaires, deviendrait-elle notre messager pour gagner le soutien de l'Europe ? Personnellement, je ne peux pas en douter, et fort de cette foi, je me permets de l'en remercier d'avance.
Devant la tente que Solide a plantée depuis cinq longues années dans le square Gibran Khalil Gibran du centre-ville de Beyrouth pour rappeler la cause des Libanais victimes de disparitions forcées, devant cette tente, Madame Frances Mary Guy, ambassadeur de Grande-Bretagne au Liban, a versé des larmes silencieuses à l'occasion de la fête des...

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