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Culture

L’art conceptuel en tout minimalisme

Walid Sadek présente des installations murales. Des réflexions intemporelles, à déguster sans précipitation.

«Love Is Blind», une œuvre inspirée d’une toile de Moustapha Farroukh.

Walid Sadek est certainement un écrivain extrêmement doué. Il est également un artiste qui sait bien mettre en valeur ses écrits. Il les expose, comme des œuvres d'art, accrochés sur les murs aveuglants de blancheur du Beirut Art Center. Dépouillement extrême pour la mise en scène d'un travail qui, à l'évidence, a nécessité une recherche assidue. Avec son esprit analytique et persévérant, Sadek a accumulé une profusion de notes et d'observations.
Ses mots sont intimes et immenses à la fois. Son écriture, que ce soit en arabe ou en anglais, est brillante, généreuse, au ton parfois précieux, presque baroque. Humble par nature, la personnalité de l'artiste est bien présente. Son esprit méticuleux distille une suite de regards, d'éclairages sur la vie, la sienne, la nôtre.
La plaie toujours vive de la guerre, la précarité, l'éducation, le terrorisme, la politique, l'amour filial, Beyrouth...
Une œuvre axée surtout sur le violent héritage laissé par la guerre civile. Son installation murale est accompagnée de texte portant sur les traces et objets laissés ou légués par les souvenirs d'un passé présent.
Des travaux sur lesquels il planche depuis 2004 se trouvent aujourd'hui réunis en trois parties: Learning To See Less, Love Is Blind et Mourning In the Presence of the Corpse. Elles constituent la somme de ses recherches en art et en écriture dans la condition de vivre une guerre civile qui s'éternise.
Dans Learning To See Less, il trace l'itinéraire de yeux empreints de violence. «Lorsque nous vivons dans une situation de violence structurelle persistante, notre manière de percevoir les choses devient altérée. La vue régresse à l'intérieur des yeux. Ces derniers portent les traces indélébiles des horreurs vues. Et deviennent alors à moitié aveugles.»
L'idée de la cécité est également développée dans Love Is Blind. Mais là, ce sont les ruines engendrées par la guerre et non pas la violence qui sont décortiquées. Les pièces constituent un appel à la sauvegarde des ruines et articulent une esthétique autour de l'amour inconditionnel. Cet amour est illustré par la légende antique de Cimon et Péra. Selon l'histoire, un vieil homme, Cimon, avait été condamné à mourir de faim dans sa prison. Le geôlier, par compassion, laissa pénétrer la fille de celui-ci, Péra. S'étonnant qu'après quelques jours le vieillard soit encore en vie, il s'est alors aperçu que sa fille le nourrissait de son lait. La nouvelle de cet acte surprenant est parvenue aux juges qui, devant cet acte de dévouement et d'amour filial, ont accordé la grâce au vieil homme. La légende a inspiré de nombreux peintres du XVIIe siècle européen. Les tableaux étaient désignés du nom de Charité romaine ou Piété filiale. Walid Sadek en a répertorié une douzaine, signalant le titre du tableau, le nom du peintre (Rubens, Le Brun, Vouet, Caravage et tant d'autres) et le lieu de son actuel emplacement. Il accompagne chaque légende par une réflexion de son propre cru. Ces œuvres offrent également une réinterprétation de la notion du pardon et insistent sur le fait de rejoindre les ruines «comme une addition de faits matériels», dixit l'artiste. La troisième partie de l'exposition, Mourning in the Presence of the Corpse, pose une question essentielle: le deuil peut-il se faire en présence du corps du défunt? C'est toute une réflexion sur le deuil, la mort, ce que devient le corps et quelle relation nous avons avec le corps qui disparaît. Partant de titres de toiles du peintre libanais Moustapha Farroukh, il établit des correspondances avec le Liban d'aujourd'hui, la ville de Beyrouth surtout, avec, pour corollaires, la démolition, le deuil, la perte, l'injustice, la vérité, la peur, le silence, l'étrangeté.

 

M.G.H.

* L'exposition dure jusqu'au 9 avril au Beirut Art Center, Jisr el-Wati, de 12h00 à 20h00. Tél. : 01/397018 - 70/262112.

Walid Sadek est certainement un écrivain extrêmement doué. Il est également un artiste qui sait bien mettre en valeur ses écrits. Il les expose, comme des œuvres d'art, accrochés sur les murs aveuglants de blancheur du Beirut Art Center. Dépouillement extrême pour la mise en scène d'un travail qui, à l'évidence, a...

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