Les variations de Carole Samaha

Hdoudi al-Sama, clame-t-elle dans son album éponyme, paru en décembre dernier. On l'aura compris, pas de limites, sinon le ciel, pour Carole Samaha qui n'aime guère être enfermée dans un genre musical, au risque de surprendre son public et, peut-être, de provoquer des ruptures. Franche, décidée, passionnée, « impatiente », ajoute-t-elle, la chanteuse qui change de look et de visage au gré de ses envies est visiblement heureuse. Dans des rôles souvent tragiques qu'elle a toujours assumé avec talent, elle a été folle, vieille, prostituée, reine, femme abandonnée, sous la baguette magique des Rahbani. Théodora dans Les derniers jours de Socrate, Marie-Madeleine dans Et il ressuscita au 3e jour, Khawla dans al-Moutannabi, ou encore Zénobie dans Zénobie la reine de Palmyre. Actrice d'abord, elle a maintenant cette envie, pour elle une urgence, d'être tout simplement une chanteuse, une artiste de son temps. « J'ai commencé par la fin », précise-t-elle. Quand Bisabah al-alf al-talet, mélodie et succès de Mansour et Oussama Rahbani, voit le jour en 2000, interprété par une sublime Carole Samaha tout de rouge vêtue, l'énorme succès qui s'ensuit la saisit puis l'étouffe. « J'ai décidé de prendre mon indépendance. » Indépendance par rapport à un style et une réputation « rahbannienne » qui lui collent à la peau. Un défi qui n'était pas facile à relever. « Les gens avaient du mal à me voir dans un autre registre. Je me suis sentie à l'étroit avec une envie d'être polyvalente et de faire de la variété. Je n'ai plus à me justifier, j'ai fait mes preuves en chantant avec un orchestre philharmonique, maintenant j'ai envie d'autre chose. Le classique, dit-elle aux nostalgiques, j'y reviendrai... plus tard. »

Virage
Courageuse décision d'abandonner ses acquis pour se forger une carrière en solo, et une carrière dans un univers où les Haïfa et autres Nancy Ajram ont occupé une grande place, même si c'est dans un registre différent. Décision qui correspond au caractère décidé de cette femme et de l'artiste en elle qui ne craint pas les challenges. Un premier CD en 2003, Hilm, plusieurs hits dont la chanson Habib Albi et Ettala Fyé Heik, mis en scène dans de beaux clips de Nadine Labaki. « J'ai longtemps continué à être dans mes chansons une femme soumise ! » Carole se libère un peu plus dans son second CD Ana Horra, et beaucoup plus en 2006 avec Adwa' el-Chouhra. Sa collaboration réussie avec Marwan Khoury, sa performance au Caesar Palace à Windsor au Canada, en 2008, la création de son propre label de production Lacarma, les nombreuses récompenses glanées au cours de ces années lui donnent des ailes. « Je me sens comme un volcan. Ce qui a changé ? J'ai beaucoup d'énergie et de rythmes différents en moi. Et puis j'ai acquis une maturité personnelle et professionnelle. Je pense qu'un bon artiste peut chanter sur le toit d'un immeuble et offrir un spectacle inoubliable. Il suffit qu'il ait une présence  et de la personnalité. »
Dans son dernier CD Hdoudi el-Sama, Carole Samaha valse entre tangos et rythmes pop, entre romantisme et légèreté, entre le Liban et les îles Maldives, dans des vidéo-clips réalisés par le français Thierry Vergnes. Elle chante, elle entraîne, elle séduit, sans manquer de dire et de redire dans un de ses titres Ma Bkhaf, comme un pied de nez, une réponse aux frileux détracteurs qui craignent ses goûts de liberté, « ils peuvent dire ce qu'ils veulent, je fais ce que je veux... ».

*Carole Samaha au Casino du Liban, salle des Ambassadeurs, le samedi 13 février. Billets en vente au Virgin et au Casino du Liban.