Nadia Santini, la cuisine qui vient du cœur

Trois étoiles au prestigieux Guide Michelin et une reconnaissance internationale auraient pu lui monter à la tête. Et pourtant, Nadia Santini ne semble en rien affectée par ce monde extérieur qui va dans tous les sens. Ces cuisines du monde ou autres recettes expérimentales. Elle garde les pieds sur terre, ancrés dans sa terre de Canneto sull'Oglio, petit village de 36 habitants entre Cremona et Montova... Et surtout, elle prend son temps pour vivre, travailler, expliquer, choisir, semer des graines et récolter des plats magiques dans son restaurant dal Pescatore.
Lors de son passage au Liban où elle est venue, à titre amical, accompagnée de son mari Antonio, de son fils Giovanni et son épouse Valentina, concocter un magnifique menu pour le gala annuel du Centre sportif, culturel et social du Collège Notre-Dame de Jamhour, elle en est repartie les larmes aux yeux. « Nous servons des vins libanais dans notre restaurant depuis plus de vingt ans ! » souligne-t-elle en gage d'amitié.
Nadia Santini est une femme authentique. Tout en elle l'est. Son regard, son sourire, ses mots, son naturel. « Je pense avec mon cœur », dit-elle souvent. Petit bout de femme aux cheveux blancs qui illuminent son visage, elle a atterri dans cette famille de cuisiniers comme en terre sainte poursuivant, avec la même émotion, une histoire démarrée en 1925.

La « familia »
L'histoire des Santini se raconte avec l'accent de l'Italie du Nord, les mains qui gesticulent, les gens qui s'animent et parlent en même temps, vieux et moins vieux réunis autour d'une grande table, dans une cuisine qui dégage des arômes exquis. Elle commence avec Antonio, le grand-père, pêcheur de son état, qui épouse Teresa en 1926. Dans leur petite cabane, il ramène les poissons, elle fait la cuisine. Les gens s'arrêtent, dégustent, discutent, en redemandent. Ils vécurent ainsi heureux et eurent Giovanni l'année suivante.
En 1952, Giovanni épouse Bruna. Il pêche, elle cuisine, suit les conseils de Mama Teresa, apprend. En 1960, le restaurant Vino e pesce devient dal Pescatore. Ils vécurent heureux et eurent Antonio. L'histoire
recommence...
Antonio épouse Nadia en 1974. Ils se sont connus à Sciences Po, elle s'intéresse surtout à la sociologie et aux sciences nutritives. « La cuisine, murmure-t-elle lentement, est le meilleur endroit pour retrouver la force des régions, la noblesse et l'histoire d'un peuple. C'est une géographie mondiale pleine de couleurs, de saveurs et de possibilités. La meilleure façon de découvrir le monde. »
Munie d'un instinct naturel, d'un flair et d'un palais, elle entre en cuisine comme on entre dans les ordres. Totalement convaincue. À son tour, Mama Bruna lui apprend la tradition, lui transmet les recettes, le savoir-faire Santini. Avec Antonio, ils élaborent une philosophie inspirée des grands restaurateurs français découverts lors de leur lune de miel. Ils ont envie d'offrir des choses simples, généreuses, bonnes, équilibrées. Des tortellinis de courges, du homard, des risottos, du plaisir.
« Je suis entrée à la pointe des pieds dans une famille où il y avait un équilibre, précise Nadia. Je devais trouver ma place tout en respectant le passé et, en même temps, installer mes repères. J'ai eu la liberté de donner ce coup de neuf. » Le secret de son succès : « Se mettre à la place de ceux qui sont à table, car l'assiette doit être parfaite pour cet instant. Présenter une cuisine à la fois belle, riche en saveurs et parfums, harmonieuse et légère. » Avec une première étoile en 1982, une seconde en 1988 et la troisième en 1996, deux livres parus, La Cucina di Nadia e Antonio Santini et La grande cuisine italienne de Antonio et Nadia Santini, la Donna qui ne quitte jamais son tablier blanc continue de vivre proche des gens, près des gens qu'elle aime et de sa famille sacrée, dans ce village qui lui ressemble.
Nadia et Antonio vivent heureux et eurent Giovanni et Alberto. Giovanni cuisine. Sa femme s'occupe du restaurant avec les plus anciens. Une petite variante et c'est reparti...