Kevork Mourad jongle entre le dessin manuel et « électronique ».(Wassim Daou)
Un travail qui va se monter au fil des jours et qui continuera de se construire sur scène. Des Émirats arabes unis jusqu'à New York, en passant par Beyrouth, Tartous et Damas, les sons musicaux voyagent sur la pointe du crayon de Kevork Mourad. À partir des deux premières tablettes («sur lesquelles nous nous sommes arrêtés durant une année», diront ensemble les deux artistes), les autres morceaux se sont imbriqués l'un dans l'autre, strate après strate. «Nous ne sommes pas des conteurs, préciseront-ils, et l'histoire de Gilgamesh illustre notre vision et notre ressenti.»
Dialogue entre la musique et les images
Ce soir, sur les planches du Monnot, le dialogue s'est établi entre la main du dessinateur et ses croquis, le souffle du musicien et ses harmonies, mais également un dialogue subtil entre les deux artistes qui jouent les improvisations et les «sous-entendus». Des conversations de l'âme tantôt douces et mélancoliques, tantôt troublées et frénétiques. À l'instar de ce troisième tableau où les corps s'entrelacent dans une danse tragique et où les plus farouches combattants, le roi Gilgamesh et son alter ego Enkidu, deviennent amis, le réel se mélange au virtuel, le passé au présent et le solaire aux ténèbres.
Après avoir traversé la forêt des cèdres, Gilgamesh perd son ami; la fleur de l'immortalité qu'il a longtemps cherchée est avalée par un serpent. Les notes ne sont plus que lamentations, comme ces lavis de peinture. La musique s'efface à la fin pour ne plus devenir que bruits de tambours et borborygmes; les dessins s'estompent et disparaissent. Seules les figures de personnages passent en boucle dans une incommunicabilité chaotique. Kinan Azmeh et Krikor Mourad ont créé leur Gilgamesh et l'ont offert à l'audience encore habitée et étourdie par ces belles images sonores. La figure mythologique de Gilgamesh apparaît comme surgie du néant ou peut-être du tréfonds de l'Hadès et s'adresse à l'audience. Un face-à-face qui prend des allures d'interrogatoire: qu'a-t-on fait de son royaume? Silence. Un ange passe, les ailes chargées d'histoire et maculées de sang.
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