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Culture - Performance

Cinq mille ans après, Gilgamesh pleure…

Il y a deux mille sept cents ans avant J-C, l'épopée sumérienne de « Gilgamesh », écrite en lettres cunéiformes sur des tablettes de pierre, contait le récit de ce fabuleux royaume d'Uruk. Aujourd'hui « Gilgamesh » est une performance musicale et visuelle, créée par Kinan Azmeh et Kevork Mourad, qui ressuscite ce royaume devenu tristement Bagdad.

Kevork Mourad jongle entre le dessin manuel et « électronique ».(Wassim Daou)

Kinan Azmeh, clarinettiste et compositeur, se dit voguant entre deux mondes: la Syrie qu'il n'a jamais quittée et New York où il a poursuivi ses études de musique à la Juilliard School. Quant à Kevork Mourad, arménien d'origine syrienne, il est établi depuis longtemps dans la Grande Pomme où son travail de peintre... électronique le fait côtoyer les plus grands noms de l'univers musical, entre autres Yo-Yo-Ma, Djivan Gasparyan ou Ken Ueno. Suite à leur rencontre, un travail naît, inspiré essentiellement de la guerre d'Irak. «Je travaillais sur le projet de fin d'études que je devais présenter et, soudain, il m'a semblé plus nécessaire de découvrir mon héritage levantin plutôt que de revisiter les compositeurs occidentaux», avait avoué Kinan Azmeh, lors d'une conférence de presse accordée la veille. Par la suite, il était judicieux de montrer aux Américains (sans logorrhée ni verbiage creux) la richesse de cette civilisation qu'ils entendaient détruire en peu de temps. «Gilgamesh, une des plus anciennes histoires de l'humanité, sorte de legs de la Mésopotomie, s'est imposée à moi au début de la guerre d'Irak, en 2003, a poursuivi Azmeh, et je partageais ce projet avec Kevork Mourad qui n'a pas hésité à se joindre à moi.» «Un rêve chargé d'émotions, renchérit Mourad, puisqu'on emporte cette création musicale et visuelle de New York au Moyen-Orient et on y retourne en ramenant toutes les impressions recueillies.»
Un travail qui va se monter au fil des jours et qui continuera de se construire sur scène. Des Émirats arabes unis jusqu'à New York, en passant par Beyrouth, Tartous et Damas, les sons musicaux voyagent sur la pointe du crayon de Kevork Mourad. À partir des deux premières tablettes («sur lesquelles nous nous sommes arrêtés durant une année», diront ensemble les deux artistes), les autres morceaux se sont imbriqués l'un dans l'autre, strate après strate. «Nous ne sommes pas des conteurs, préciseront-ils, et l'histoire de Gilgamesh illustre notre vision et notre ressenti.»

Dialogue entre la musique et les images
Ce soir, sur les planches du Monnot, le dialogue s'est établi entre la main du dessinateur et ses croquis, le souffle du musicien et ses harmonies, mais également un dialogue subtil entre les deux artistes qui jouent les improvisations et les «sous-entendus». Des conversations de l'âme tantôt douces et mélancoliques, tantôt troublées et frénétiques. À l'instar de ce troisième tableau où les corps s'entrelacent dans une danse tragique et où les plus farouches combattants, le roi Gilgamesh et son alter ego Enkidu, deviennent amis, le réel se mélange au virtuel, le passé au présent et le solaire aux ténèbres.
Après avoir traversé la forêt des cèdres, Gilgamesh perd son ami; la fleur de l'immortalité qu'il a longtemps cherchée est avalée par un serpent. Les notes ne sont plus que lamentations, comme ces lavis de peinture. La musique s'efface à la fin pour ne plus devenir que bruits de tambours et borborygmes; les dessins s'estompent et disparaissent. Seules les figures de personnages passent en boucle dans une incommunicabilité chaotique. Kinan Azmeh et Krikor Mourad ont créé leur Gilgamesh et l'ont offert à l'audience encore habitée et étourdie par ces belles images sonores. La figure mythologique de Gilgamesh apparaît comme surgie du néant ou peut-être du tréfonds de l'Hadès et s'adresse à l'audience. Un face-à-face qui prend des allures d'interrogatoire: qu'a-t-on fait de son royaume? Silence. Un ange passe, les ailes chargées d'histoire et maculées de sang.
Kinan Azmeh, clarinettiste et compositeur, se dit voguant entre deux mondes: la Syrie qu'il n'a jamais quittée et New York où il a poursuivi ses études de musique à la Juilliard School. Quant à Kevork Mourad, arménien d'origine syrienne, il est établi depuis longtemps dans la Grande Pomme où son travail de peintre... électronique le...

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