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Moyen Orient et Monde - Le point

Miniature persane

Les iranologues autoproclamés en perdent leur farsi. Eux qui prétendaient hier encore nous expliquer le plus sentencieusement du monde que c'en est fini de la révolution islamique de 1979, que les mollahs feraient bien - à l'instar d'un de leurs chefs de file, Ali Akbar Hachémi-Rafsandjani - de se recycler dans la culture des pistaches, voici qu'ils avouent ne plus s'y retrouver. On les comprend, les pauvres. L'homme qui passait pour être l'un des plus farouches ennemis du régime en place, Mehdi Karroubi, vient de réussir un exploit que lui envierait le plus chevronné des slalomeurs politiques. Pensez donc, le mois dernier, il était le héros d'un mouvement qui osait enfin dire son nom, scandé par des milliers de manifestants dans les rues de la capitale. Lundi matin, il annonçait son ralliement à Mahmoud Ahmadinejad, dans un communiqué tonitruant commenté par son fils, pour se rétracter partiellement quarante-huit heures après. En attendant...
Plus que jamais il paraît indispensable de se poser la question traditionnelle : que se passe-t-il en Iran ? Ce n'est pas tous les jours qu'un ancien président du Majlis (1989-1992 puis 2000-2004), « mojtahed » avéré et réformateur ayant depuis longtemps fait son coming out, change son kalachnikov d'épaule. Pour cela, il avait fallu le formidable tour de passe-passe du 12 juin et surtout l'entêtement de l'ayatollah Ali Khamenei à entériner une présidentielle concoctée, se confirme-t-il maintenant, par sa garde prétorienne. Les jeunes prenaient alors le pari fou de descendre dans la rue pour hurler leur ras-le-bol et leur désir de changement. Il y avait eu des morts, 80 au moins, des arrestations, d'insupportables scènes de matraquage filmées par des caméras de téléphone portable, des pratiques qu'on croyait disparues depuis le démantèlement de la Savak de sinistre mémoire, et la volonté maintes fois affirmée d'aller jusqu'au bout. Tout cela pour aboutir à un geste dans lequel d'aucuns, et ils sont nombreux, ont voulu voir une trahison.
Au départ, il y a, du mouvement, une vision manichéenne, compréhensible dès lors qu'il s'agit d'un pays depuis trente ans replié sur lui-même et qui se complaît, jusqu'à la caricature, dans son antioccidentalisme. À ne voir dans le tableau, d'un côté qu'une équipe dirigeante qui a pris de l'âge sans pour autant acquérir l'aura du fondateur de la République et, d'un autre côté, des moins de 25 ans qui forment l'immense majorité de la population mais n'ont ni leader véritablement charismatique ni appui extérieur efficace, on a fini par se convaincre de l'imminence d'un raz-de-marée à l'image de celui qui avait emporté le chah. Rien n'est moins évident. L'Iran de cette deuxième décennie du XXIe siècle ressemble davantage à une miniature qu'à un tableau conçu à grands coups rageurs de pinceau. Elle se fait - ou se défait - par petites touches et nul pour l'heure ne pourrait prétendre voir ce qu'il en sortira. La chute de la maison Pahlevi avait été saluée comme marquant l'aube d'une ère nouvelle où tout serait démocratie, justice sociale et respect des libertés. On en est toujours loin.
Sans doute qu'au départ du mouvement né après le 12 juin, y avait-il un peu de cela, mais aussi, du moins dans l'esprit de ses meneurs, le désir de ne pas scier la branche sur laquelle se tenaient aussi bien les réformateurs que les tenants de la ligne pure et dure. Même si, le 18 décembre sur les ondes de la BBC, Karroubi prédisait que le gouvernement ne tiendrait pas la distance de quatre ans, il n'allait pas jusqu'à rejeter le concept de la wilayet el-faqih qui sert de socle au système. Une attitude que vient de confirmer son fils, lequel rappelle le « non » à tout changement dans la pyramide officielle, mais le « oui » au remplacement de l'actuel chef de l'État.
Si l'opposition demeure timorée, c'est qu'elle table, pour atteindre ses objectifs, sur une alliance de facto entre une partie du Parlement, l'opinion publique et l'Occident. Toujours la tactique des petits pas contre un pouvoir, pense-t-elle, qui finira bien par ne plus savoir où donner de la tête, entre ses ennemis de l'intérieur, un programme nucléaire qui le met constamment en danger, une crise économique qui va en s'aggravant et, entre les dirigeants, des dissensions dont on ne sait à quel moment elles pourraient éclater au grand jour.
Extrait de la lettre de Karroubi : « Je reste fermement convaincu que le scrutin présidentiel était entaché de fraudes massives. Mais du moment qu'Ahmadinejad a été adoubé par le guide suprême, je le reconnais comme Premier ministre. » Commentaire des casuistes : « Il a parlé du gouvernement, pas de la présidence de la République. » On vous le disait, tout est dans les nuances.
Les iranologues autoproclamés en perdent leur farsi. Eux qui prétendaient hier encore nous expliquer le plus sentencieusement du monde que c'en est fini de la révolution islamique de 1979, que les mollahs feraient bien - à l'instar d'un de leurs chefs de file, Ali Akbar Hachémi-Rafsandjani - de se recycler dans la culture des pistaches, voici qu'ils avouent ne...

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