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Nos Lecteurs ont la Parole

Politique et sémantique

Yves PREVOST
Chaque langue a ses variantes selon les régions ou les pays où elle est parlée. On ne s'étonne donc pas des modifications libanaises de la langue française. Ainsi le garagiste vous parlera de « dispirateur » (distributeur), « doubriyage » (embrayage) ou « achakment » (échappement). Parfois le mot est correct, mais son sens diffère. Ainsi, le mot « châle » désigne un cache-nez et la chasse d'eau est curieusement appelée « siphon ». Tout cela peut provoquer chez le Français fraîchement débarqué un certain amusement, mais reste sans conséquence. Il en va différemment dès qu'il s'agit de politique, où les mots devraient avoir un sens précis.
Passons rapidement sur les termes « arabe » ou « nation arabe », dont, depuis plus de trente ans que je me trouve dans ce pays, personne n'a pu me donner une définition précise. Je crois que celui qui y parviendrait résoudrait du même coup tous les problèmes présents et futurs de la politique étrangère libanaise, à moins que - comme il est probable - il ne se fasse assassiner avant d'avoir pu la formuler publiquement.
Prenons le mot « milice ». En français de France, il désigne « tout groupement armé formé d'individus non intégrés dans des forces policières ou militaires permanentes ».
En français de Beyrouth, il faut - du moins pour être politiquement correct - ajouter à cette définition « à l'exception d'un mouvement de résistance ». Ce qui nous amène donc à définir le mot « résistance ».
En français de France, le terme désigne « un mouvement qui s'oppose à l'occupation d'un pays par des forces étrangères ». La tendance moderne est d'ajouter l'idée de lutte contre un pouvoir oppresseur.
On peut donc distinguer dans un mouvement de résistance :
- Sa structure : armé ou non, clandestin ou officiel.
- Son but : changement de régime ou libération de troupes d'occupation.
En français de Beyrouth, le terme ne s'emploie que comme nom propre (avec un R majuscule) et sa définition est, malheureusement, très différente ;
- Sa structure : fraction armée du parti de Dieu (Hezbollah)
- Son but (tel que maintes fois exprimé par ses représentants) : la destruction de l'État d'Israël.
Il est à noter qu'il n'existe pas, à notre connaissance, de « résistance » au sens français au Liban. Personne ne semble, en effet, avoir entendu parler d'un quelconque mouvement, armé ou non, qui se serait fixé pour objectif la libération des 460 kilomètres carrés de territoire libanais actuellement occupés par Israël.
C'est donc par un regrettable abus de langage que la « Résistance » (au sens libanais) revendique des droits (armement, services de sécurité, réseau de communications, etc) qui sont légitimement reconnus à un mouvement de « résistance » (au sens français)
Pour mettre fin à cette confusion aux graves conséquences, j'invite tous les journalistes et politiciens à employer un langage clair et remplacer désormais, le terme « Résistance » par celui plus approprié de « milice du Hezbollah ».
Faites l'expérience dans n'importe quel article ou discours, de la majorité ou de l'opposition, et vous verrez comme tout s'éclaire merveilleusement.

Yves PREVOST

Chaque langue a ses variantes selon les régions ou les pays où elle est parlée. On ne s'étonne donc pas des modifications libanaises de la langue française. Ainsi le garagiste vous parlera de « dispirateur » (distributeur), « doubriyage » (embrayage) ou « achakment »...

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