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Liban

Forum des médias : l’image est-elle un vecteur de mobilisation ?

Devant la montée de l'importance de ce qu'on appelle les « mass media », les réactions et les inquiétudes sont multiples. La cinquième édition du Forum des médias de Beyrouth a tenté il y a quelques jours de décrypter les mobilisations religieuses, sociales et politiques provoquées par cette ère de l'image, et d'analyser leur capacité à refléter le réel.
« Désormais, les mouvements sociaux ont souvent pour origine des appels lancés sur Internet, comme les manifestations et les grèves du 6 avril 2008, lance Olfa Lamloum, chercheuse à l'Institut français du Proche-Orient (IFPO). La mosquée n'est plus le seul lieu de prédication... » Le thème de la journée, « L'image de la réalité et la réalité de l'image. Les mobilisations en scène », est clair : s'interroger sur le rôle de l'image, qui est partout, dans les mobilisations religieuses, sociales ou politiques.
La journée a commencé par l'inauguration d'Éric Neveu, professeur français de sciences politiques et chercheur au Crape-CNRS, qui a présenté une vision globale des médias et des mouvements sociaux. « Nous vivons dans un monde de plus en plus rationnel, où les mouvements sociaux ont intégré le rôle stratégique des médias, analyse-t-il. Du coup, les organisateurs des mouvements anticipent la réception de leur action en la préparant visuellement, pour qu'elle passe bien dans la presse. »
Le rapport de force, qui était au départ le but des manifestations, n'est plus l'enjeu. Il faut faire « un coup médiatique » pour se faire entendre. Et si la tentation existe de percevoir Internet comme un moyen alternatif pour les différents mouvements de faire parler d'eux, Éric Neveu met en garde : « Tout le monde n'a pas un intérêt égal pour la politique, la maîtrise des nouvelles technologies et l'anglais. L'idée qu'il n'y a pas de barrages sur le Net n'est pas vraie. »

Impressions de réel
Et surtout, le consensus et l'adhésion à une cause ne signifient pas une mobilisation. Entre la pensée et l'action, l'écart est large. Le premier volet du forum traite des mobilisations religieuses. Dans son intervention « Filmer le rituel », l'anthropologue libanais Michel Tabet montre, à l'aide de différentes vidéos de l'Achoura de Nabatiyé, que l'image parle. « Selon que la scène est filmée au plus près des corps ou pas, l'impression de réel est plus ou moins grande », explique l'anthropologue, qui a travaillé cinq ans sur le terrain.
« L'image peut quasiment avoir la même valeur que la réalité, explique Jean-Claude Penrab, anthropologue français de l'EHESS. Sur mon terrain de recherche, l'Afrique de l'Est, les cassettes de prêches sont une pratique très courante. Les récitations des versets coraniques peuvent même tenir lieu de Coran pour la prière ! » Internet a même permis à des imams ou à d'autres religieux de faire connaître leurs sermons dans le monde entier, ce qui engendre une diffusion des revendications ainsi qu'une mise en scène des communautés...

Documentaires conformistes
Le second panel, sur les mobilisations sociales, s'est penché principalement sur la télévision et le documentaire. « Le problème, c'est que les médias veulent un produit qui corresponde à leurs représentations d'une situation, explique Patrick Hazard, directeur du London International Documentary Festival. Il existe une contradiction entre l'apparente indépendance des réalisateurs de documentaire et leur conformisme... » Selon lui, le financement par les États a rendu le documentaire désengagé.
Reste à savoir, lorsque certains parviennent à faire passer un message, si celui-ci peut aller jusqu'au politique. « De nombreux documentaires sont tournés, mais jamais projetés dans leur pays d'origine, souligne Naomi Sakr, sociologue britannique. De plus, les sujets primés dans les festivals ne sont jamais des films engagés. » Si la télévision et l'audiovisuel en général sont en pleine expansion dans le monde arabe, la mobilisation est limitée, lorsque le politique a le pouvoir de permettre ou non la projection d'un film...

La Palestine, « territoire imaginé »
Enfin, le panel politique a été surtout centré sur la représentation du conflit israélo-palestinien, symbolique de la problématique de l'image du réel et de la réalité de l'image. « La plupart des réalisateurs arabes n'ont pas accès aux Territoires, explique Irit Neidhardt, distributrice de films du Moyen-Orient en Allemagne. Ce ne sont donc que des étrangers au conflit qui y filment. Plus les Palestiniens y sont montrés désespérés et maltraités, et plus ça semble vrai au public. » Car les représentations sont plus fortes que la réalité.
Ces films larmoyants, réclamés par les programmateurs de télévision du monde entier, montrent bien que pour les pays arabes et européens, la Palestine est « un pays imaginé ». « Toute autre image du conflit ne leur semble pas réelle », affirme-t-elle. Sans issue, sans localisation précise, sans analyse et sans contenus qui font réfléchir, ces documentaires n'ont surtout aucun pouvoir mobilisateur.
Le forum, aux ambitions un peu larges, a apporté des bribes de réponse quant à la relation conflictuelle entre réalité et image dans les médias audiovisuels. On peut déplorer le nombre restreint d'intervenants libanais ou arabes, sauf lors de la soirée qui a clôturé la journée. Réalisateurs et cinéastes libanais ont permis de se plonger directement dans leur pratique de l'image, exercice à la fois périlleux et terriblement efficace.
Devant la montée de l'importance de ce qu'on appelle les « mass media », les réactions et les inquiétudes sont multiples. La cinquième édition du Forum des médias de Beyrouth a tenté il y a quelques jours de décrypter les mobilisations religieuses, sociales et politiques provoquées par cette ère de...
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