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Nos Lecteurs ont la Parole

Non au mondialisme, oui à l’universalisme

Par Louis INGEA
Devisant l'autre soir avec mon épouse, j'ai dû évoquer incidemment l'idée de la globalisation qui régit, en ce début du XXIe siècle, les nouveaux rapports entre humains. Me prenant alors au mot, elle se souvint subitement d'un certain cénacle en comité privé, où il avait été question, à l'occasion d'un débat sur le monde méditerranéen, de rassemblements, de divergences, de civilisations éclatées. Elle avait son opinion là-dessus et elle l'avait consignée, à l'époque, par écrit.
Curieux, j'ai demandé à revoir son texte et suis resté pensif devant deux termes placés en exergue : Mondialisme et Universalisme.
« Deux mots, me dit-elle, dont l'ambiguïté m'a frappée. »
Deux mots dont l'interprétation se prête souvent à une « confusion entre deux concepts ».
J'ai toujours été en faveur d'une explicitation précise dès qu'il s'agit d'émettre une idée, de proposer un thème. J'ai même écrit quelque part que les querelles les plus célèbres sont souvent le fruit d'une dispute de vocabulaire.
Mondialisme, nous dit le dictionnaire, est une conception manichéenne en vue d'une politique globale couvrant la planète et proposant des solutions ayant trait à l'économie et au trafic interchangeable de biens matériels.
Nous en voyons les conséquences, d'entrée de jeu. Sauf qu'une mondialisation de la pensée, c'est-à-dire de la réflexion libre de toute contrainte et relevant exclusivement de l'esprit, s'appelle plutôt universalisme. D'où l'énorme différence.
Parlant donc de la Méditerranée, aujourd'hui à l'ordre du jour de l'UPM, et à la veille du choix pour un président de ce rassemblement, je me dois d'apporter ici les précisions notées dans le texte précité et de plaider carrément pour l'élection d'un Libanais à la tête de l'Union projetée.
La rive est de la Méditerranée est historiquement le lieu qui a vu la naissance dans le monde de la première étincelle de la spiritualité. C'est d'ici, en effet, qu'est partie la révélation du Créateur unique et provoquée, par la suite, l'éclosion des trois grandes doctrines religieuses, plus communément qualifiées de « religions monothéistes ».
Grâce à la Méditerranée et à partir de la Phénicie, de l'Égypte pharaonique et des côtes de la Grèce, se sont propagées les premières formes de civilisation humaine. Il serait vrai de souligner que les conditions sociales et géographiques sur le terrain aient privilégié les peuples grecs lors de l'extension de leur puissance et de leur philosophie. Mais ce sont les riverains de tout le monde méditerranéen, en particulier moyen-oriental, qui, par leur adhésion consensuelle à ces valeurs de l'esprit, auront fixé à tout jamais les fondations de l'humanisme que nous connaissons. « Une même eau, qui ne reconnaît pas les différences mais qui ne les embrasse que mieux. » La phrase, relevée toujours dans ledit texte, reste, de nos jours, le dénominateur commun du véritable rassemblement : « un trésor caché dans cette mosaïque », parfois négligé, souvent méconnu.
Or l'humain est également sensible au matériel. Et la montée fulgurante du matérialisme évolutif a fini par engloutir les premiers repères de nos populations, poussant les différentes branches de la famille moyen-orientale à se ressourcer auprès d'horizons lointains, dépourvus d'un véritable héritage conceptuel. Ce qui mena les puissances européennes naissantes, bientôt suivies de celles du Nouveau Monde, à intervenir pour assurer la relève. Et nous voici, dépouillés de notre authenticité, face aux germes de conflits sans fin, dans lesquels le fondamentalisme des uns, le libéralisme exacerbé des autres se sont complu pour aboutir forcément à l'anéantissement de notre « Moi » méditerranéen. En nous laissant inscrire au registre des « puissances », nous aurons permis l'installation, autour de notre Grande Bleue, de critères tronqués qui déterminent, depuis quelques siècles, notre devenir. Mais non notre destin ! Car c'est de la confusion entre devenir et destin que sont nées les violences actuelles.
Aussi, a-t-on bien fait d'imaginer ce retour en arrière, de refaire l'union sacrée de cette Méditerranée, alors même que les promoteurs européens du projet ne sacrifient pas, sans doute, dans leur initiative, au volet sacro-saint de la spiritualité moyen-orientale.
Ici, je m'essouffle un peu. Et préfère revenir à mon statut de Libanais pour constater combien ce peuple qui est le nôtre, qualifié de négligent, d'individualiste, de médiocre, continue, malgré un État non encore confirmé, à réussir sur de nombreux plans humains, selon sa vocation originelle, bien qu'éparpillé sur la surface du globe.
Peu n'importe que mes compatriotes ne connaissent les succès les plus voyants que sous d'autres cieux. Nous enregistrons tous les jours, dans le firmament de célébrités, les noms d'artistes, d'acteurs, de musiciens, d'écrivains, d'architectes, de couturiers, de directeurs de sociétés, de chercheurs et de médecins, relevant tous de l'identité
libanaise, même si leur renom était cautionné par des doubles nationalités diverses.
Le véritable Liban, alors même qu'il n'est pas encore une nation au sens voulu par des démocraties mondiales, reste néanmoins une entité, encore floue et visqueuse peut-être, mais persistante, têtue et productive, parce que métissée, ouverte et courageuse. En un mot parce que finalement fidèle à sa vocation première de riverain du Mare Nostrum.
Il y a, parmi nous, des gens lucides et intelligents. Des humains réceptifs, aptes à se cultiver et à rayonner en dépit de toutes vicissitudes.
C'est à eux que j'adresse mon salut, ainsi qu'à tous ceux, toujours vivant dans la mère patrie, qui ont traversé toutes les souffrances au péril de leur vie et persisté à relever la tête. C'est mon témoignage de légitime fierté pour tous les Libanais probes d'hier et de demain.
Et c'est pourquoi je réclame, en leur nom, que l'on attribue au Liban seul cette première nomination de président de l'UPM. Le temps nous presse. L'élection est prévue pour bientôt. Je fais appel aux diplomates qui tirent les ficelles en coulisses. Le Liban, qui fait partie des peuples sémites, dont la culture ancienne est pétrie de civilisation gréco-romaine, dont la composante est arabe, et l'ouverture occidentale, mérite sans hésitation d'être honoré par cette distinction particulière.
À nos amis les ambassadeurs français, italiens, espagnols, grecs, égyptiens et nord-africains de montrer, par leur choix, que justice est rendue, non pas tant à la petite superficie d'un territoire mais au grand cœur d'un peuple qui n'a pas voulu mourir.
Devisant l'autre soir avec mon épouse, j'ai dû évoquer incidemment l'idée de la globalisation qui régit, en ce début du XXIe siècle, les nouveaux rapports entre humains. Me prenant alors au mot, elle se souvint subitement d'un certain cénacle en comité privé, où il avait été question, à...

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