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Nos Lecteurs ont la Parole

Petit pays, grande émotion

Kristina PLATOV
« Quoi ? Beyrouth ? Mais que vas-tu faire là-bas ? C'est de la folie ! »
Réaction systématique et tellement prévisible de mes amis européens à l'annonce de mon voyage. J'ai l'impression qu'à leurs yeux, je m'apprête à accomplir un acte de bravoure incroyable, et c'est très amusant. De la folie, vous dites ? Et pourquoi pas ? Un peu de folie dans cette vie sans surprises, ça ne peut pas faire de mal.
Dans l'avion qui m'emmène à Beyrouth, j'essaie d'imaginer ma première rencontre avec cette ville. Puis, finalement, je décide de me laisser surprendre. J'étais loin d'imaginer à quel point j'allais être surprise en apercevant enfin dans la nuit Beyrouth scintillant de mille feux. C'est un grand moment d'émotion, un spectacle envoûtant, et je me réjouis en mon for intérieur d'avoir choisi ce vol du soir. Bonjour, Beyrouth ! Après le choc visuel, c'est le choc thermique. Il fait très chaud malgré l'heure tardive. Quelle idée d'avoir pris une écharpe aussi chaude... Perdue dans la circulation, je me laisse engloutir par le pays magique des Phéniciens. Je souris en pensant à mes amis prêts à faire appel à Interpol à la moindre alerte (il ne faut surtout pas que j'oublie de les appeler tous les jours).
Et voilà, j'y suis ! Beyrouth est ma ville pour une semaine. Je me balade, j'observe, je fais la curieuse. La circulation dans les rues de la capitale libanaise est un spectacle à elle seule. C'est splendide ! Les voitures se fraient un chemin sans aucune logique apparente (du moins pour un œil non averti comme le mien) dans un brouhaha de klaxons et de sifflets des agents de circulation. Je me demande au passage si ces derniers servent réellement à quelque chose. C'est le chaos ! Et ce désordre charmant me fait sourire encore et toujours. Quant aux petites rues sinueuses sur les hauteurs de Beyrouth, je ne me pose même pas la question de savoir comment font leurs habitants pour les emprunter en voiture. Est-ce possible ? Tout est possible à Beyrouth !
Un autre moment d'émotion, au détour de l'une de ces petites rues : je tombe sur une minuscule épicerie de quartier. Un mélange d'odeurs de fruits et d'épices me transporte soudainement dans mon enfance passée dans un pays d'Asie centrale. C'est tellement réel que je me sens chez moi ici. Je me sens bien.
Un touriste aguerri trouvera certainement des défauts et des inconvénients à Beyrouth. Mais la cordialité et le sourire des Libanais font oublier tous les petits désagréments. Alors, je ne veux pas être une touriste aguerrie, je veux juste voir et essayer de comprendre. Et ce que je vois, c'est une ville pleine de contradictions et de contrastes. La rudesse de l'Orient y cohabite avec la liberté occidentale, les mosquées avec les églises, la modernité avec l'antiquité, l'ambiance de fête avec le douloureux passé. Je prévois déjà la question de mes amis (cliché oblige) : «As-tu vu les vestiges de la guerre ? Et la sécurité ? » Oui, j'ai vu quelques carcasses d'immeuble marquées par des impacts d'obus et des murs criblés de balles. Mais les cicatrices de la guerre sont probablement plus présentes dans le cœur de chaque habitant de Beyrouth. Ce qui marque avant tout, c'est la bienveillance et le charme de cette ville, et non le danger. Finalement, Interpol va devoir attendre avant de s'occuper de mon cas puisque je me sens en sécurité ici.
Il est bien connu, le temps passe très vite en bonne compagnie et c'est déjà le jour de mon départ. Je m'en veux presque de ne pas avoir pris le temps de découvrir plus de choses, de ne pas avoir été assez curieuse. Je n'ai pas la prétention de dire que je connais le Liban. Je n'ai vu qu'une infime partie de ce joli pays, et les quelques impressions ci-dessus ne sont que mon avis personnel et un petit hommage à mes adorables hôtes. L'âme enchantée et séduite, je n'ai qu'une seule envie, découvrir le Liban encore et encore. Mon petit voyage n'a duré que sept jours, mais Beyrouth restera à jamais dans mon cœur. Alors, je ne veux pas dire « Au revoir, Beyrouth », je dis « À bientôt. »
De retour au travail, je tombe sur un comité d'accueil scrutant la moindre émotion sur mon visage. Oui, tout va bien. Non, je n'ai eu aucun problème. Ils sont presque déçus... Retour à mon petit confort et à ma vie bien organisée où les conducteurs cèdent le passage et mettent le clignotant, et où il n'y a pas de coupures d'électricité. Je ferme les yeux pour mieux imaginer mon prochain voyage... à Beyrouth, bien sûr !

Kristina PLATOV
Professeur d'histoire, Nantes
« Quoi ? Beyrouth ? Mais que vas-tu faire là-bas ? C'est de la folie ! » Réaction systématique et tellement prévisible de mes amis européens à l'annonce de mon voyage. J'ai l'impression qu'à leurs yeux, je m'apprête à accomplir un acte de bravoure incroyable, et c'est très amusant....

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