Rechercher
Rechercher

Dossier Amériques - États-Unis

Obama, un an après…

Crise financière, guerres en Irak et en Afghanistan, conflit israélo-palestinien, réchauffement climatique, réforme du système de santé... Un an après son élection, premier bilan de la présidence Obama.


Entre une présidentielle entachée d'irrégularités, un regain de violences résultant, outre les victimes civiles, en un nombre record de GI tués en octobre, et un débordement de l'insurrection talibane sur le Pakistan, allié de Washington dans la lutte contre le terrorisme, l'Afghanistan est un sérieux sujet de préoccupation pour l'administration Obama. Un dossier sur lequel, pourtant, le président prend son temps.
La semaine dernière, à l'issue d'un nouveau conseil de guerre consacré à l'Afghanistan, il a promis qu'il ne prendrait pas de décision à la hâte concernant l'envoi de renforts. « Je ne risquerai pas vos vies à moins que cela ne soit absolument nécessaire. Et si cela s'avère nécessaire, nous vous apporterons notre soutien », a-t-il déclaré devant des militaires américains, à l'issue de sa réunion.
« Si Obama prend son temps sur cette question, c'est qu'il s'agit d'un dossier très sensible », estime Justin Vaïsse, chercheur à la Brookings Institution à Washington. « Tout d'abord, il y a des considérations internes, les républicains soutiennent cette guerre, alors que les démocrates non. En outre, il y a une analogie historique entre l'Afghanistan et la guerre du Vietnam. L'Afghanistan va être l'une des grandes questions du mandat d'Obama », poursuit le spécialiste.
Pour Roberto De Primis, chercheur à la chaire Raoul-Dandurand à l'Université du Québec, à Montréal, le Nobel de la paix a particulièrement accru la pression sur Obama dans sa gestion du dossier afghan. « Si le président décide d'envoyer des troupes supplémentaires en Afghanistan (quelque 68 000 soldats), il sera doublement observé. Le monde entier va se focaliser sur ses mouvements, pour voir s'il va réussir à véhiculer son message de paix », souligne-t-il.
Plus critique, Julien Toureille, également chercheur à la Chaire Raoul-Dandurand, estime que l'Afghanistan est une illustration du manque de définition de la stratégie américaine. « La différence la plus inquiétante entre George W. Bush et Barack Obama, c'est que Bush était un entêté, mais il était clair dans ses objectifs. Sous Bush, le problème était l'application de la stratégie en Irak qui n'était pas la bonne. Tandis qu'en Afghanistan, les militaires savent comment agir sur le terrain (puisqu'ils ont déjà l'expérience en Irak), mais Obama n'a pas de stratégie, souligne Julien Toureille. Il avait annoncé un plan en mars : éviter que l'Afghanistan soit un sanctuaire pour les terroristes, ainsi que l'envoi de soldats supplémentaires. Mais cela tarde à venir. En outre, la situation sur le terrain ne s'améliore pas. Octobre a été le mois le plus meurtrier pour les soldats américains. » Une situation qu'Obama pourrait payer en termes de baisse de popularité.
Pour M. Toureille, ce problème de stratégie se retrouve aussi en Irak. Au-delà du retrait des troupes américaines, « on ne voit pas très bien quels liens le président veut instaurer avec Bagdad. Une situation d'autant plus problématique que les relations entre l'ambassadeur des États-Unis, Christopher Hill, et le commandant de l'armée américaine sur place, Ray Odierno, sont mauvaises. Cette friction dans la chaîne de commandement pourrait aggraver les choses ».
Justin Vaïsse n'est pas si pessimiste. Les attentats sanglants de la semaine dernière « ne constituent pas un retour en arrière, c'est plus un problème interne à l'Irak. Cela ne va pas remettre en cause le retrait des troupes américaines, qui devrait amener le contingent à 50 000 hommes en août prochain ».
Pour Justin Vaïsse, c'est sur le dossier du Proche-Orient que l'administration Obama essuie un « clair échec tactique ». « L'idée d'ensemble était pourtant simple, faire pression sur le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, pour qu'il y ait un gel de la colonisation. Ce point-là n'est pas discuté aux États-Unis, le lobby juif sait que la colonisation est un obstacle pour arriver à la paix. Obama a voulu instaurer un rapport de force avec Netanyahu sur cette question, pensant que l'opinion israélienne désavouerait, à travers les sondages, son Premier ministre.
Or ce n'est pas du tout ce qui s'est passé. L'opinion publique israélienne a donné son soutien à Benjamin Netanyahu, tournant le bras de fer au désavantage du président américain », souligne M. Vaïsse.
Pour Roberto De Primis, il faut néanmoins relativiser les choses sur ce point. « La majorité des présidents américains ont fait "bouger" les choses vers la fin de leur mandat. Il n'est pas si extraordinaire que la situation stagne aujourd'hui », souligne-t-il. Par ailleurs, rappelle le chercheur, « si du côté américain, Obama a une assise correcte car il vient d'être élu, du côté palestinien, il manque un homme assez fort avec qui dialoguer, et en Israël, le ministre des Affaires étrangères, Advigor Lieberman, d'extrême droite, n'est pas là pour faire changer les choses. On n'a pas les éléments pour aboutir à la paix. » M. De Primis rappelle également qu'Obama, grâce notamment au discours du Caire, le 4 juin dernier, « a redoré le blason des États-Unis, permettant leur retour dans la région et une baisse de l'antiaméricanisme ».
En matière de politique interne, les dossiers auxquels Obama s'est attelé ne sont pas moins lourds et complexes.
L'un des premiers dossiers qu'Obama a ouverts après son investiture, dossier qui était son cheval de bataille durant la campagne électorale, est celui de la réforme de la protection santé. Le projet de réforme vise à faire baisser les coûts de la santé aux États-Unis, à améliorer la qualité des soins et à donner aux quelque 46 millions d'Américains qui en sont dépourvus une couverture santé.
Sur ce dossier, Obama s'attelle à une lourde tâche, la dernière réforme remontant au début des années 80 sous Ronald Reagan. « Il y a beaucoup d'obstacles concernant cette réforme, parce qu'aux États-Unis, la santé est avant tout un business », affirme Roberto De Primis. « À mon avis, Obama aurait dû attendre les élections de mi-mandat pour lancer cette réforme. Mais il n'a pas attendu. Je suis sceptique quant à cette stratégie. Peut-être voulait-il changer les mentalités. Obama fait preuve de courage politique, certes, mais il a besoin d'une stratégie. Pour l'instant, il tente le tout pour le tout », affirme le chercheur.
Barack Obama a dû également se lancer dans un autre combat directement après son élection : enrayer la crise économique. Des dizaines de milliers d'Américains se sont fait saisir leur maison parce qu'ils n'arrivaient plus à payer les traites du crédit. « Le chômage est toujours élevé, notamment en Floride où il atteint 11 %. La population est de plus en plus sceptique quant au plan de relance, l'État sauve de grandes compagnies, mais les gens sont de plus en plus pauvres », souligne M. De Primis.

Dossier du climat
Même si elle a été reléguée au second plan en raison de la crise économique, la question du climat est l'une des grandes priorités de l'administration Obama au sujet de laquelle le président veut légiférer. Le Sénat américain et M. Obama ont travaillé mardi dernier à faire de la réduction des gaz à effet de serre un objectif incontournable afin de convaincre de la bonne foi de Washington avant la conférence internationale de Copenhague sur le climat, en décembre. M. Obama a annoncé un plan de modernisation du réseau électrique américain, avec un investissement de 3,4 milliards de dollars visant à faire entrer les États-Unis de plain-pied dans les énergies renouvelables.
Le projet de loi du Sénat, légèrement plus ambitieux que celui voté à la Chambre des représentants en juin, affiche un objectif de réduction des gaz à effets de serre de 20 %, contre 17 % pour la Chambre.
Les deux plans instaureraient un système de marché des droits d'émission. Le texte du Sénat insiste également sur l'énergie nucléaire, en vue notamment de tenter de séduire des élus républicains.
Mais les experts restent assez pessimistes, la loi ne serait pas votée avant décembre, ce qui risque de réduire la portée de la conférence de Copenhague.
Entre une présidentielle entachée d'irrégularités, un regain de violences résultant, outre les victimes civiles, en un nombre record de GI tués en octobre, et un débordement de l'insurrection talibane sur le Pakistan, allié de Washington dans la lutte contre le terrorisme, l'Afghanistan est un sérieux sujet de préoccupation...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut