Sensible, justement, à cette perception de l'ordre des choses, Saad Hariri prospecte, dans ses concertations, les vues de fond des parties en présence, autant que leurs desiderata ministériels. Il tente d'établir des dénominateurs communs solides et de rapprocher de la sorte les positions de base. En d'autres termes, il s'efforce de jeter suffisamment de ponts pour donner corps à un minimum de confiance partagée, condition sine qua non de stabilité interne.
Un contrat clair sur le programme est aussi important pour la bonne marche technique de l'appareil d'État que pour arrondir les angles politiques. En effet, parallèlement à un compromis de détente sur les questions de fond, il faut que chaque département, souverainiste ou de services, se voie fixer un cap et des objectifs précis, avec obligation de résultats.
C'est indispensable, aussi bien en termes de service public qu'en regard de la mise en chantier du redressement économique d'un pays exsangue. On sait en effet, et Paris III l'a souligné d'abondance, la part primordiale de l'État dans ce cadre. Du même coup, comme les donateurs ou secouristes étrangers l'ont également affirmé, et exigé, dans les conclusions de la conférence, les réformes administratives ou politiques doivent être entamées sans tarder.
Ce qui signifie, par ricochet direct, que tout ministre devra savoir, en base de l'accord sur le programme gouvernemental, quelle ligne suivre dans son département, quels projets il lui faudra mener à bien. Il devra servir l'intérêt général plutôt que le sien propre ou celui de son camp. Au stade où ils en sont, les Libanais se soucient moins de savoir qui gère leurs problèmes que de la manière dont c'est fait.
Sur un plan global, et de plus fondamental, il est évident qu'à travers un pacte sur la mission du gouvernement, comme sur sa ligne de conduite politique, les parties en présence s'engageraient sur une voie de partenariat authentique, et positif. Elles se mettraient toutes, de la sorte, au service de la nation. Et, partant, pour peu que la logique soit observée, au service de l'État. Il est également évident que si elles adoptent ensemble une telle mentalité, elles veilleraient à ce que leurs représentants au sein du cabinet aient les qualifications nécessaires, en termes de compétence, de savoir-faire, de détermination et d'assiduité à la tache.
Dans la phase prochaine, la gestion des Affaires étrangères revêt une importance particulière. Le titulaire devra appliquer une politique de renforcement de l'amitié avec tous les pays de la Ligue, et de promotion de l'initiative de paix arabe. Il devra s'efforcer d'obtenir un engagement ferme de soutien, en cas d'agression israélienne contre notre pays. Mais il lui faudra, surtout, et c'est là le plus difficile, faire comprendre aux protagonistes extérieurs comme aux forces politiques locales que le Liban ne doit plus s'embourber dans la lutte des axes. Et que c'est en s'immunisant de la sorte qu'il serait le mieux en mesure de servir les causes arabes. Ou d'entretenir avec la Syrie, son incontournable voisine, les plus saines et les plus privilégiées des relations.