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Nos Lecteurs ont la Parole - Hommage au Pr Adnan Hoballah

La psychanalyse au Liban en deuil de l’un de ses pionniers

Mounir CHAMOUN
Ce n'est pas seulement le collègue et l'ami que j'ai accompagné en sa dernière demeure dans l'après-midi de ce dimanche 23 août 2009, mais également l'un des pionniers de la psychanalyse au Liban, à qui de nombreux thérapeutes et psychanalystes doivent leur analyse personnelle et leur formation. Ce fils de la mer, qui la rencontrait tous les matins depuis des années avant de se rendre à son cabinet, aura confié à ses flots son dernier souffle. Comme il aura souhaité être enterré près de son père dans ce beau cimetière marin de la ville de Tyr, enserré entre deux immenses champs de ruines et sites archéologiques auxquels Adnan Hoballah était particulièrement attaché, comme symboles séculaires de notre patrimoine.
Adnan Hoballah, Adel Akl et moi-même avions fondé, en mai1980, la Société libanaise de psychanalyse (SLP), première institution de ce genre dans l'ensemble des pays arabes, du Proche et du Moyen-Orient. De formations différentes, nous avions tout de même voulu dépasser les clivages occidentaux, et particulièrement français, pour offrir aux Libanais et aux autres Arabes une société de psychanalyse soustraite, au départ, aux querelles intestines.
Revenu de France en 1974 avec sa famille, après une très solide formation en neuropsychiatrie et en psychanalyse, notre spécialiste s'investit totalement dans son travail et s'installe en région « chrétienne », donnant ainsi corps à son mépris pour toute discrimination confessionnelle et à son respect profond pour les différences religieuses et culturelles. L'acuité des troubles en 77-78 oblige la famille à repartir en France, son pays d'adoption. Retour au Liban en 79-80, et c'est en mai que la SLP est fondée. La pratique analytique de même que le travail psychiatrique devenus difficiles sinon impossibles, et surtout la sécurité des enfants menacée, poussent la famille à retourner en France en 86-87 pour ne revenir définitivement qu'en 2004. C'est alors que Adnan Hoballah fonde, avec un groupe d'amis intellectuels, le Centre arabe de recherches en psychopathologie et en psychanalyse (CARPP) qui se dote, peu après, d'une École de formation à la psychothérapie et à la psychanalyse.
La disparition brusque de notre collègue nous prive tout d'abord de sa personne, de son abord toujours accueillant et de sa grande générosité de cœur. Nous perdons en lui l'excellent formateur et le psychanalyste éminemment compétent qui avait admirablement intégré l'enseignement de Lacan et qui nous a transmis adéquatement son souffle. Nous perdons l'auteur à qui nous devons de nombreux ouvrages psychanalytiques admirables en langue française sur la violence et les traumatismes, de très nombreux ouvrages en langue arabe transmettant le savoir analytique aux lecteurs et aux spécialistes arabophones. Nous lui devons de nous avoir fait connaître la pensée et les écrits de Moustafa Safouan par la republication de la traduction de l'Interprétation du rêve de Sigmund Freud. Nous lui devons l'organisation, avec ses proches, de plusieurs colloques et congrès sur la psychanalyse, quatre au Liban et deux à Paris, de même que des contributions nombreuses à des ouvrages collectifs publiés en France et des articles de réflexion politique à partir de la psychanalyse et de l'anthropologie. Durant son séjour et son exercice professionnel à Paris, il a fait partie d'abord de l'École freudienne de Paris, fondée par Lacan, puis récemment de l'Espace analytique, autre association psychanalytique parisienne prestigieuse.
Nous devons à Adnan Hoballah, enfin, d'avoir su constamment contaminer les autres par ses horizons ouverts, par son esprit d'initiative et sa créativité. S'il n'est plus parmi nous, il nous laisse, en testament, une œuvre à poursuivre dont il nous a fourni les axes fondamentaux, trames de tout apport futur. C'est peut-être ce retour inattendu à la terre qui fera germer les idées nouvelles ayant trait à la vérité, à la liberté, loin de toutes les croyances aliénantes et stupides, et au respect absolu de l'être humain, valeurs pour lesquelles Adnan Hoballah aura combattu en leur consacrant sa vie personnelle et professionnelle.

Professeur Mounir CHAMOUN
Ce n'est pas seulement le collègue et l'ami que j'ai accompagné en sa dernière demeure dans l'après-midi de ce dimanche 23 août 2009, mais également l'un des pionniers de la psychanalyse au Liban, à qui de nombreux thérapeutes et psychanalystes doivent leur analyse personnelle et leur formation. Ce fils de la mer, qui la...

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