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Économie - Liban - Infrastructure

Le tourisme mis en péril par des services urbains inexistants

Le manque d'eau et le rationnement drastique du courant alourdissent les charges des professionnels du secteur.
Le Liban a été classé première destination touristique de l'année 2009 par le New York Times Travel. Grâce à la stabilité politique qui a suivi les accords de Doha en mai 2008 ainsi que le déroulement pacifique des législatives, l'été 2009 au Liban connaît un essor touristique sans précédent. Cependant, les acteurs de ce secteur, perçu comme étant « le pétrole du Liban », souffrent d'une infrastructure souvent précaire et de l'incapacité de l'État à assurer des services pourtant indispensables à la consolidation de l'industrie touristique.

De lourdes charges
Dans plusieurs régions touristiques du Liban, les propriétaires d'hôtels, de maisons ou d'appartements à louer ressentent très fortement les conséquences liées au manque de services urbains fondamentaux.
Mme K., propriétaire de villas à Bhamdoun, loue tous les étés à des familles venues du Golfe en quête de fraîcheur montagnarde. Les dépenses encourues par les propriétaires pour pallier la pénurie de courant électrique et d'eau courante sont de plus en plus lourdes. En effet, selon Mme K., l'eau courante est assurée tous les cinq jours durant 3 heures uniquement. « C'est pour cela que nous sommes obligés d'acheter des citernes d'eau tous les 2 jours, indique-t-elle. Cela représente 4 000 litres d'eau et des dépenses de 50 000 livres tous les 4 à 5 jours. S'ajoutent à cela les dépenses liées à l'abonnement à l'un des grands générateurs du village : 200 dollars par mois les 10 ampères, sachant qu'il faut régler trois mois d'avance. »
Face à la pénurie sévère d'eau et au rationnement du courant, les hôtels se sont quant à eux équipés de générateurs, a indiqué à L'Orient-Le Jour M. Pierre Achkar, président du syndicat des hôteliers. Selon lui, les touristes ne devraient donc pas ressentir les effets du manque d'électricité et d'eau, à moins de résider dans des appartements et des immeubles non équipés.
Ces équipements représentent un coût supplémentaire pour les hôteliers ainsi que pour les touristes. M. Achkar, lui-même propriétaire d'un hôtel dans la région de Broummana, explique que son établissement s'est doté de trois générateurs pour remédier aux coupures fréquentes du courant.

Un dossier politisé
Cette situation rend amer M. Walid Khaïrallah, président du conseil municipal de Bhamdoun. Dans un entretien avec L'Orient-Le Jour, ce dernier s'est dit désolé que le Liban se targue d'être un pays touristique alors que Bhamdoun souffre depuis de nombreuses années d'un manque d'infrastructure. « Le problème de l'eau courante, explique-t-il, persiste depuis des lustres. Chaque année, nous avons les mêmes soucis. L'eau est distribuée d'une manière sélective. Même ceci est politisé. L'eau est assurée à certaines régions mais pas à d'autres. »
Les conflits politiques, notamment les disputes qui concernent l'approvisionnement d'électricité, ainsi que le vide ministériel ont poussé la municipalité de Bhamdoun à trouver des solutions alternatives. En effet, la municipalité possède quelques sources naturelles dont l'eau est stockée pour pallier le manque. Quant à l'électricité, M. Khaïrallah a indiqué que la municipalité s'est munie de quelques générateurs pour assurer l'éclairage des rues principales.
Quant aux éventuels départs de touristes vers d'autres destinations, M. Khaïrallah s'est contenté d'expliquer qu'il y a quelques années déjà, la municipalité de Bhamdoun a reçu une lettre officielle de l'ambassade du Koweït condamnant le manque d'eau dans la région.
« Il ne suffit pas de faire de la publicité pour le Liban, a-t-il ajouté. Ce n'est certainement pas suffisant lorsque nous n'avons même pas l'infrastructure nécessaire pour accueillir les touristes. Le problème concerne également les habitants de Bhamdoun qui, eux, paient des taxes. »

En attendant une politique nationale
Face à ces problèmes récurrents, Pierre Achkar préconise l'adoption d'une politique nationale afin de consolider le secteur touristique et de renforcer sa croissance.
« Le tourisme au Liban n'est pas un tourisme de masse, mais vise à attirer une clientèle plus ou moins aisée », note-t-il. Or il semble, selon ses propos, que l'État ne garantit pas les services demandés habituellement par une clientèle haut de gamme. « L'infrastructure urbaine a encore besoin de 10 ans en moyenne pour se mettre en place, et le gouvernement doit à tout prix prendre conscience du manque à gagner, insiste-t-il. Les hommes et les femmes d'affaires qui viennent au Liban cherchent avant tout à pouvoir se connecter (par Internet) rapidement et ne pas avoir à subir les failles du réseau téléphonique, les coupures de courant ou les heures interminables passées dans les embouteillages. »
M. Achkar suggère qu'il faudrait au moins assurer ces services à la capitale puisque c'est là où sont concentrés les centres commerciaux, les immeubles de bureaux, bars et autres centres de loisirs.

« On fait ce qu'on peut »...
À ces critiques, Nada Sardouk, directrice générale du ministère du Tourisme, répond que l'État, en coopération avec le secteur privé, des ONG et des manifestations culturelles telles que les festivals, a travaillé d'arrache-pied pour que tout soit mis en place afin de bien accueillir les touristes. « On fait ce qu'on peut, dans la limite de nos moyens. Nous avions prévenu les autorités que l'été 2009 serait particulier en termes d'arrivée de touristes, ajoute-t-elle. Les problèmes d'eau et d'éléctricité ne relèvent pas de notre ministère ; et c'est décevant de voir que les touristes sont victimes de nos problèmes internes. Il faudrait impérativement régler les coupures d'électricité, le rationnement d'eau courante, et emménager des réseaux routiers qui soient en mesure d'absorber le trafic lié aux saisons touristiques, faute de quoi le Liban serait le grand perdant de cette équation. »
Nada Sardouk propose aujourd'hui de réfléchir à des solutions alternatives. Faut-il privatiser certains secteurs ? Faut-il apporter une attention particulière aux villages touristiques ? Le ministère du Tourisme prévoit pour cet hiver une abondance de vacanciers qui devraient venir au Liban pour les fêtes de fin d'année et les sports d'hiver. Les autorités vont devoir mettre en place des mesures de sécurité fondamentales telles que des chasse-neige, des générateurs, etc. Mais cela implique que des décisions officielles soient prises car, pour Nada Sardouk, « cela fait un moment que nous piétinons dans les mêmes soucis ». Pourtant, il y aurait des solutions comme l'indique la directrice générale. « En 1950, certains endroits du Liban avaient été classifiés comme centres de villégiature », et des efforts avaient été déployés pour y assurer les services postaux, l'eau, le courant, etc. « Nous sommes en 2009. Il est temps que chaque administration fasse sa part de travail. » À bon entendeur...
Le Liban a été classé première destination touristique de l'année 2009 par le New York Times Travel. Grâce à la stabilité politique qui a suivi les accords de Doha en mai 2008 ainsi que le déroulement pacifique des législatives, l'été 2009 au Liban connaît un essor touristique sans précédent....
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