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Législatives : juin 2009 - Tout le monde en parle

La quadrature du cercle : groupe vs individu

Former un gouvernement libanais semble relever de la quadrature du cercle. Il existe bel et bien une majorité démocratiquement élue par le peuple libre et souverain. Cette majorité a été désignée comme telle en vue d'exercer la tâche élémentaire de former un gouvernement, et d'exercer le pouvoir que le peuple lui a confié.
Et pourtant, tel n'est pas le cas, malgré la mobilisation exceptionnelle lors de la campagne électorale où il était clairement annoncé que le choix n'est pas celui de personnes mais de programmes diamétralement opposés.
À peine le scrutin clos, tous ces slogans se sont envolés comme fétus de paille. On ne cesse de tergiverser, de se livrer à d'impossibles contorsions de langage. Soudain, le fameux « choix entre deux programmes » qu'on avait ressassé jusqu'à la nausée, avant le scrutin, se volatilise. Ladite majorité se comporte, sans vergogne, comme si elle était la minorité, comme si elle avait perdu les élections. Une telle anomalie ne s'explique que parce qu'il existe deux légitimités au Liban, absolument contradictoires et inconciliables. La première est celle du processus démocratique ordinaire, exclusivement centré sur la volonté librement exprimée de l'individu-citoyen. Une simple opération comptable permet alors de trancher entre majorité devant exercer le pouvoir et minorité devant se contenter de s'opposer. La deuxième légitimité, par contre, est plus pernicieuse en cela que, par nature, elle pervertit le jeu de la première. Elle annule et rend inopérant tout jeu démocratique basé sur le rapport du nombre. Non démocratique, elle est celle du consensus entre groupes sectaires. Le « groupe-contre-l'individu », la « tribu-contre-le-citoyen », tel est le mal qui paralyse le Liban.
C'est pourquoi la majorité, timide et frileuse, veut nous faire prendre nos vessies pour des lanternes. Pour justifier sa peu glorieuse pusillanimité et ses acrobaties nauséeuses, elle ne cesse de nous bassiner les oreilles avec cette tarte à la crème qu'on appelle « unité nationale ». Mais d'abord, existe-t-il une unité nationale qui serait menacée ? Quel danger guette et met en péril cette supposée unité ? Qu'est-ce qui menace la sécurité interne du peuple libanais, en dehors des armes du Hezbollah qui n'a pas hésité à effectuer une razzia vandale sur Beyrouth, saccageant la ville et tuant des citoyens innocents, lors la « glorieuse journée du 7 mai 2008 », selon l'expression de Sa Clémence sayyed Hassan Nasrallah ?
Mais quel danger guette la cohésion du peuple libanais et met ainsi en péril le lien social, pour qu'en permanence on piétine la légitimité démocratique de la règle majoritaire afin de ménager celle du consensus du pullulement identitaire des sectes tribales qui composent ce pays ? La notion même d'unité nationale est, au Liban, une anomalie de langage dans la mesure où il n'existe pas de nation libanaise, mais uniquement un patchwork d'entités claniques dirigées par un pouvoir semi-occulte de chefferies tribales. Certaines d'entre elles sont armées jusqu'aux dents par l'étranger, d'autres le sont moins ou ne le sont pas. Dans ces conditions, le fameux « consensus » de l'unité nationale dont on se gargarise tellement est un fieffé mensonge. Ce n'est qu'une hypocrite litote pour parler du rapport de forces entre les chefferies tribales en question. En réalité, ce consensus autour de l'unité nationale ne fait que traduire la peur panique qu'inspire le Hezbollah, sa politique d'expansion géographique et sa stratégie apparente d'hégémonie d'une communauté.
Constater et dénoncer ne suffisent pas, encore faut-il pouvoir sortir du cauchemar. La crise actuelle révèle, entre autres, l'existence d'un vide dans le paysage politique, un vide au « centre » qui appelle l'émergence d'un authentique parti libéral, démocrate et laïc. Il appartient sans doute aux citoyens chrétiens de prendre l'initiative. Ils sont morcelés en plusieurs partis que rien ne distingue à part les dynasties familiales qui les dirigent ou les chefs qui les dominent autocratiquement. Ils sont segmentés en plus de 14 identités sectaires qui forment autant de assabiyat distinctes, mais aussi de « groupes » administrativement reconnus comme tels. On ne leur demande pas de former une seule église car c'est Jésus-Christ qui le fera à son retour. Mais ne peuvent-ils pas former une seule catégorie administrative ? N'y a-t-il pas là matière à élaborer un programme de réformes politiques dans le cadre de la biparité islamo-chrétienne consacrée par les accords de Taëf ? Qu'est-ce qui empêche les juridictions chrétiennes de constituer une seule « catégorie administrative et civile », relevant du même régime juridique ? Pourquoi ne pas donner l'exemple en commençant par soi-même ? Pourquoi faut-il qu'il y ait des équilibres savants et subtils distinguant les maronites, les roum-orhodoxes, roum-catholiques, et tous les autres ? Toutes ces variétés de la même espèce ne peuvent-elles pas constituer une seule catégorie du paysage politique ? Pourquoi ne pas commencer par là, avant de jeter l'opprobre sur les autres ? Pourquoi ne pas constituer une dynamique laïque, en partant d'abord de la composante chrétienne qui est la plus facile à être acquise à un tel projet salutaire ?
Et pourtant, tel n'est pas le cas, malgré la mobilisation exceptionnelle lors de la campagne électorale où il était clairement annoncé que le choix n'est pas celui de personnes mais de programmes diamétralement opposés.À peine le scrutin clos, tous ces slogans se sont envolés comme fétus de paille. On ne cesse de tergiverser,...