Rechercher
Rechercher

Législatives : juin 2009 - Tout le monde en parle

III.- En cas de blocage, une nouvelle médiation régionale ou internationale s’impose

C. En troisième lieu, il convient de rappeler le contexte dans lequel l'ancienne majorité parlementaire était devenue majorité et le changement d'alliances et de coalitions survenu par la suite.
En effet, l'alliance entre le Courant du futur (présidé par Saad Hariri), le Hezbollah (dont Hassan Nasrallah est le secrétaire général), le mouvement Amal (présidé par Nabih Berri) et le Parti socialiste progressiste (présidé par Walid Joumblatt) a amené au Parlement et à la vie politique la majorité parlementaire en 2005 (voir L'Orient-Le Jour des mercredi 22 et samedi 25 juillet).
Or des divergences fondamentales sont apparues par la suite, notamment par rapport à la question des armes du Hezbollah et son statut au sein de la société libanaise et de l'État libanais. Par conséquent, après avoir dénoué cette alliance, la majorité s'est passée de l'entente avec le Hezbollah. Ce dernier, avec ses anciens et nouveaux alliés (Amal, Courant patriotique libre présidé par le général Aoun, etc), s'est rangé dans l'opposition.
Durant toute cette période jusqu'en mai 2008, le Hezbollah et ses alliés considéraient la majorité parlementaire comme étant fictive, tronquée et faussée, puisqu'elle l'était en 2005 grâce à la grande alliance électorale qui avait eu lieu.
Dans ce contexte de scepticisme, la majorité a accordé le tiers de blocage à l'opposition afin de mettre fin au marchandage qui était omniprésent dans les discours des dirigeants de l'opposition, qui ne manquait pas d'ailleurs de pertinence. En effet, la différence de nombre de sièges entre la majorité et l'opposition était de quelque sept à huit sièges, dont le Hezbollah se vantait de les avoir accordés à la majorité, à travers l'alliance électorale dans la circonscription de Baabda.
La situation a changé présentement. La majorité parlementaire ne l'est plus grâce à des alliances avec des factions de l'opposition... elle ne peut plus être considérée par l'opposition comme étant fictive ou trompeuse. Par conséquent, la majorité n'a pas des comptes à rendre ou une dette à régler à l'opposition, eu égard à une situation électorale donnée.
Ce qui ressort de ces trois contextes ayant accompagné l'octroi du tiers de blocage à l'opposition en mai 2008 est l'élément suivant : les circonstances immédiates ou à court terme en mai 2008 ne sont plus les mêmes. Les données ont évolué, et l'on ne saura faire prévaloir les mêmes mécanismes de prise de décision quand le(s) contexte(s) change(nt).
En parlant de circonstances immédiates et à court terme, cela signifie qu'il existe des circonstances globales, voire à moyen ou à long terme. Est-ce que ces circonstances peuvent avoir des répercussions sur la formation du cabinet, et qui soient différentes des circonstances et des contextes développés ci-dessus ?
En effet, en examinant de près l'accord de Doha, force est de rappeler qu'il ne s'agit pas uniquement d'une entente « circonstancielle »  entre les acteurs libanais. Mais il s'agit notamment d'une orientation nouvelle donnée à l'époque par la communauté internationale, reprise article par article dans l'accord de Doha(1). Il ressort que la communauté internationale (puissances internationales et régionales) s'intéresse à la situation au Liban et qu'il faudrait saisir l'orientation qu'elle donne dans les documents onusiens pertinents.
À cet effet, nous proposons dans la dernière partie de faire une lecture des derniers rapports du secrétaire général des Nations unies sur l'application des résolutions 1559 et 1701.  À la surprise des « naïfs », le secrétaire général aborde la question des élections au Liban et définit l'ordre de priorité dans la situation libanaise. Nous pourrions par la suite tirer les conclusions finales par rapport à la problématique du tiers de blocage.

3. Tout devient possible en vue de garantir la stabilité au Liban
- En premier lieu, il convient de noter qu'à la lecture des derniers rapports d'application des deux résolutions onusiennes 1559 et 1701 (S/2009/218 et S/2009/119), force est de constater que le secrétaire général de l'ONU se préoccupe de l'application de ces résolutions en abordant, entre autres, les élections parlementaires du 7 juin 2009. Quel rapport existe-t-il entre ces résolutions et l'échéance « nationale » ? Quelle est l'implication directe du processus électoral dans l'application des résolutions onusiennes pertinentes ? Quelle serait la crainte de la communauté internationale vis-à-vis du résultat du scrutin ?
(Nous avons tenté de répondre à ces questions dans une étude précédente, publiée dans L'Orient-Le Jour du 5 juin 2009).
Ce que l'on retient principalement dans la lecture de ces rapports, c'est le rappel constant du secrétaire général de veiller sur la stabilité et la sécurité dans le pays, et ne pas compromettre la concorde et le statu quo entre les différentes composantes libanaises(2).
En effet, dans le contexte actuel de la conjoncture régionale, les promesses électorales ainsi que le programme gouvernemental ne peuvent pas aller très loin dans les pseudoréformes non consensuelles et dans le gouvernement du pays selon la norme systémique en science politique (la majorité qui gouverne et la minorité qui s'oppose). Les dirigeants politiques au Liban sont appelés à se préparer à un compromis après le 7 juin, dont le but ultime est de renforcer la stabilité politique du Liban, loin des provocations et des intimidations des groupes et de la population. Il semble que la communauté internationale relativise désormais le résultat des élections pour voir les acteurs politiques libanais rassemblés autour d'un projet qui stabilisera encore et encore le Liban(3).
Or des États de l'Union européenne avec les États-Unis d'Amérique avaient quelque inquiétude quant à une éventuelle victoire de la coalition du 8 Mars aux élections du 7 juin, du fait de l'élection du Liban comme membre du Conseil de sécurité de l'ONU pour deux ans (2010-2011). Mais cette inquiétude était mesurée et non déterminante, puisque l'on attend de la classe politique au Liban plus d'efforts au niveau interne qu'au niveau externe.
- En deuxième lieu, il convient de noter que la nouvelle majorité parlementaire est désormais appelée à relativiser sa victoire électorale en vue de contribuer également et à son niveau au renforcement de la stabilité du et dans le pays.
En effet, des deux scénarii, l'un devrait se produire.
a) Ou bien la nouvelle opposition insisterait à obtenir le tiers de blocage dans le nouveau Conseil des ministres, n'acceptant point le voir aller dans le camp du président de la République. Si la majorité s'opposera fermement face à cette condition intransigeante de l'opposition, l'on assistera à un nouveau blocage institutionnel du pays, et la formation du cabinet pourrait prendre des mois indéterminés, dans l'attente d'une médiation régionale et/ou internationale, à l'instar de l'accord de Doha en 2008. Ce scénario déstabiliserait le pays dans l'attente d'un règlement pacifique et juste de la situation ! Donc, il faudrait songer à l'écarter de peur de voir le Liban parallèlement marginalisé dans la recherche d'un règlement de la situation au Moyen-Orient !
En effet, dans le paysage actuel de la région, il semble que les acteurs régionaux et internationaux cherchent ensemble les termes d'une résolution du conflit arabo-israélien, malgré le fait que cela risque de tarder avant qu'il soit retrouvé, élaboré, négocié et annoncé.
Or dans cette dynamique de diplomatie multilatérale, il importe aux yeux de la communauté internationale qu'il y ait une stabilité au niveau libanais, loin des tensions et des conflits interlibanais, contrairement à la situation en Palestine, où les factions palestiniennes sont incapables de parler de règlement israélo-palestinien avant de régler le problème palestino-palestinien.
b) Le second scénario, qui est plus vraisemblable, est que la majorité offrirait des garanties à l'opposition, de telle façon que le mécanisme de garde-fou prévu dans la Constitution à l'article 65 ne soit pas « uniquement » entre les mains de l'opposition.
En effet, la nouvelle majorité, qui devrait être plus à l'écoute de la communauté internationale que l'opposition, devrait comprendre que le président de la République ne peut point être ni marginalisé ni discrédité dans le nouveau paysage politique libanais, depuis Doha 2008. C'est pourquoi, alors que l'opposition semble insouciante quant au pouvoir effectif qui devrait être exercé par le président de la République au sein du Conseil des ministres (à travers des ministres qu'il choisit lui-même), il incombe à la majorité de rétablir et de renforcer le rôle du président Sleiman, en lui accordant une part supplémentaire de portefeuilles ministériels et en abandonnant sa part majoritaire dans le cabinet.
Dans ce cas de figure, la majorité garderait la plus grande part dans le gouvernement (15 portefeuilles sur 30) et octroierait au président cinq portefeuilles. Le reste, à savoir le tiers (et non pas le taux supérieur au tiers !) va à l'endroit de l'opposition, puisque personne dans la majorité, ni le président, songeait à exclure l'opposition du GUN.
Sur le plan analytique, ce que l'on retient de cette équation (15-5-10), qu'elle soit appliquée à la lettre ou non, est qu'il faudrait chercher à renforcer la stabilité dans le pays face à la nouvelle situation régionale en présence d'un gouvernement israélien conservateur, formé majoritairement de partis de droite et d'extrême droite. Si toutes les factions libanaises s'entendent sur le principe de sauvegarder et de protéger l'unité nationale face aux menaces extérieures, elles sont appelées toutes à sacrifier leurs pseudodroits acquis en vue de favoriser la sécurité et la stabilité dans le pays, pour être des acteurs « autour de » la table de recherche de la paix régionale, et non pas « à » cette table.
Nul doute que l'ennemi de la sécurité du Liban est à l'extérieur et non pas au niveau des factions et des dirigeants libanais. Encore faut-il agir dans un sens qui garantit l'unité et la stabilité et ne rassure pas l'ennemi extérieur.
Dans cette optique, tout deviendrait possible au niveau de l'équation du nouveau GUN. Or jusqu'où peut aller la majorité dans l'octroi des prérogatives à l'opposition et jusqu'où peut aller l'opposition dans ses prétentions d'être un « partenaire effectif » dans le gouvernement ?
Nous le redisons, le bras de fer, actuellement, ne rend point service à quiconque, si ce n'est aux sympathisants de l'instabilité et de l'insécurité du Liban.
C'est pourquoi, afin de ne pas perdre de temps, s'il s'avère que la situation est complexe et qu'on se dirige vers un blocage du processus de formation du GUN, nous considérons qu'une médiation internationale et/ou régionale s'impose dans les plus brefs délais, au lendemain de l'élection du président de l'Assemblée. Cela épargnerait au pays le passage de nouveau dans une zone et dans une période d'instabilité et d'insécurité.
En effet, en consacrant la stabilité comme nouveau principe directeur de l'action diplomatique, tant au niveau bilatéral qu'au niveau multilatéral, la communauté internationale appelle les acteurs locaux au Moyen-Orient à répondre favorablement à cette nouvelle donne, afin de préserver d'éventuelles chances à un nouveau compromis, voire à une solution, qui soit plus durable au niveau régional. D'ici là, tout discours et toute action qui sortiraient de cette partition musicale internationale, dont le point d'orgue est la stabilité, relève de la démagogie ou de la non-reconnaissance de la nouvelle mouvance régionale depuis l'arrangement de Doha en mai 2008.

Fady FADEL
Professeur de droit public et vice-recteur - Secrétaire général de l'Université antonine

(1) Voir notre étude en deux parties dans « L'Orient-Le Jour » des 3 juin 2008 page 5 et 4 juin 2008 page 5.
(2) Neuvième rapport du secrétaire général de l'ONU sur l'application de la résolution 1559 (2004) du Conseil de sécurité, S/2009/218, paragraphes 1, 29, 45, 48, 51 et 52.
(3) Neuvième rapport du secrétaire général relatif à l'application de la résolution 1701 (2006) du Conseil de sécurité, S/2009/119, paragraphe 75.
En effet, l'alliance entre le Courant du futur (présidé par Saad Hariri), le Hezbollah (dont Hassan Nasrallah est le secrétaire général), le mouvement Amal (présidé par Nabih Berri) et le Parti socialiste progressiste (présidé par Walid Joumblatt) a amené au Parlement et à la vie politique la majorité...