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Législatives : juin 2009 - Tout le monde en parle - Échos de l’Agora

La nausée du lendemain

Une immense vague de nausée ne peut manquer de saisir l'observateur au lendemain d'un scrutin législatif qui a permis au peuple d'exprimer une volonté claire et nette en confiant aux députés élus un mandat qui ne souffre aucune exégèse pour être compris.

Forfaiture nauséeuse
On ne peut qu'être profondément écœuré par le comportement des hommes de la majorité qui sont les seuls de la planète à ne pas savoir que les électeurs n'ont pas voté pour eux, et encore moins pour leur programme inexistant ou leurs figures photogéniques. Avant la fin du dépouillement des votes, ces hommes se sont lancés à corps perdu dans leur jeu préféré : celui de la forfaiture, des compromissions et de la pusillanimité. Ils n'ont pas réalisé que la majorité du peuple, comme lors de la journée du 14 mars 2005, a fait un choix contre les options proclamées lors du 8 mars 2005. Le peuple n'a pas mandaté les forces de la majorité à souscrire à de sordides et inavouables compromis avec les forces qui tiennent le pays en otage grâce à la puissance des armes. Les déclarations du patriarche Sfeir, à la veille du scrutin, devraient suffire pour expliquer à la nouvelle majorité ce que veut le peuple qui l'a élue.

Nausée du racisme nationaliste
C'est une autre vague d'écœurement, de nausée et de dégoût profond que le discours raciste de Netanyahu provoque. Cet ultrafanatique, qui ne diffère en rien de tous les illuminés fondamentalistes de la planète, exige qu'on reconnaisse le caractère « juif » de la terre de Palestine. Il nous ramène au cœur même de l'idéologie biblique qui est à la source des violences que les religions monothéistes alimentent depuis les temps du légendaire et mythique patriarche Abraham. Netanyahu justifie ainsi, a contrario, le fait que la Békaa et le Sud-Liban puissent être déclarées « chiites », la majeure partie du Mont-Liban « maronite », le Akkar « sunnite », etc. L'identité religieuse est appliquée comme un stigmate hideux et répugnant sur une parcelle de terre et/ou sur une entité politique. Tel est le noyau de cette idéologie qui trouve sa source dans l'exclusivisme biblique.

Nausée de l'intolérance sectaire
Une troisième vague de nausée nous saisit à l'écoute du discours de Sa Clémence Hassan Nasrallah qui veut nous interdire de parler de la doctrine du « Vicariat du juriste-théologien » ou wilayat al-fakih. Libre à Monsieur Nasrallah d'être membre de la secte du fakih en question et de se soumettre aux injonctions, en matière de foi et de mœurs, du représentant du ciel qui réside à Qom-la-Sainte. Mais Monsieur Nasrallah ne peut pas nous imposer les conséquences politiques et militaires de cette doctrine qui, dans sa version khomeyniste, est une pure idéologie politique. Monsieur Nasrallah ne peut pas nous dépouiller de notre liberté de critiquer tout système de croyances quel qu'il soit qui chercherait à nous soumettre à ses volontés en matière politique.


Apothéose de la nausée
Mais le comble de la nausée de la honte provient d'un petit clip diffusé par la chaîne « orange » Ó-TV. Durant quelques petites minutes, un travelling horizontal nous permet d'admirer une galerie de portraits où on reconnaît successivement : Gibran, Kennedy, Lincoln, Ghandi, dalaï-lama, Lénine, Marie Curie, Mère Teresa, Nelson Mandela, Castro, Coluche, Che Guevara, Einstein, Flemming, Cassius Clay, Bonaparte, Roosevelt, De Gaulle, Jean-Paul II, Martin Luther King, Lech Walesa. La galerie se clôture en apothéose par le portrait du général Michel Aoun, en grand uniforme de gala, avec étoiles et galons, rendant le salut militaire.
Un texte de propagande, lu par une voix de basse profonde, nous aide à comprendre que cette galerie est celle de grands génies universels, d'hommes de conviction, incompris par le plus grand nombre, souvent traités de fous, mais qui « ont persévéré dans le combat jusqu'à ce que leur lutte devienne justice et leur victoire vérité ». En guise de finale, un panneau annonce, sans doute au nom des commanditaires du clip : « Notre victoire est vérité ; car notre combat se poursuit ».
Qu'est-ce qui autorise le réalisateur du petit bijou de réunir sur un même registre le saint, le révolutionnaire, le savant, le conquérant, le militant, l'homme politique, le pacifiste, le résistant ? À supposer que seule la célébrité mondiale permette de placer côte à côte toutes ces figures, il n'en demeure pas moins que trois d'entre elles ne s'intègrent pas à l'ensemble. En effet, on voit mal ce que vient faire Mohamad Ali Clay (le boxeur converti à l'islam), Coluche (le pitre candidat aux élections présidentielles françaises) et Michel Aoun (le militaire-artilleur libanais, éternel déçu de ses ambitions présidentielles). On pourrait à la rigueur penser que la notoriété indiscutée du pitre Coluche et du boxeur Clay leur permet de prétendre à une dimension universelle au même titre que Jean-Paul II et Mère Teresa. Mais en quoi la qualité de député du Kesrouan autorise-t-elle Michel Aoun à prétendre accéder à la même célébrité que celle des génies universels, des saints et des grands hommes qui ont changé la face du monde ?
Il n'est pas impossible que le boxeur, le pitre et l'artilleur puissent être, dans la pensée inconsciente du réalisateur, trois figures d'une même réalité, celle de tout homme pugnace, téméraire, faisant fi des critiques et décidé d'aller jusqu'au bout... Mais au bout de quoi exactement ?
Une immense vague de nausée ne peut manquer de saisir l'observateur au lendemain d'un scrutin législatif qui a permis au peuple d'exprimer une volonté claire et nette en confiant aux députés élus un mandat qui ne souffre aucune exégèse pour être compris.Forfaiture nauséeuseOn ne peut qu'être profondément...