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Diaspora

La promotion « Corse et Provence » de Saint-Cyr au Liban : témoignages de reconnaissance et d’amour profond

Les grands amis français du Liban sont de retour. Protecteurs invisibles, ils ont prié en Terre sainte dominée par les « cèdres de Dieu ». Les membres de la promotion « Corse et Provence » de l'école militaire de Saint-Cyr ont parcouru tout le pays, examinant en profondeur la beauté du Liban et son message de paix, qu'ils ont dispersés à leur retour en France sous forme de photos et de séquences vidéo par milliers à travers le Web.

« Bonjour, nous avons la tête remplie d'images de notre séjour. Ce qui nous a marqué, c'est la fraternité que nous avons ressentie pendant tout le voyage comme jamais nulle part ailleurs. Cela nous réconforte sur la capacité des hommes à vivre ensemble comme des frères. Merci de nous avoir permis de vivre cela : un voyage dont on parlera longtemps ! »
Ce témoignage est celui de Jean-Yves et Catherine, qui ont parcouru le Liban durant 12 jours, comme 40 autres anciens colonels et généraux français, avec leurs épouses, de la promotion « Corse et Provence », de l'École spéciale militaire Saint-Cyr. Entraînés par le colonel Alain Corvez, qui connaît bien le Liban pour y avoir effectué des missions au sein de la Finul à la fin des années 1980, ils ont visité, du 18 au 29 mai, les grands sites archéologiques du pays et d'autres, méconnus parfois des Libanais eux-mêmes. Plusieurs d'entre eux avaient aussi séjourné dans le pays durant la guerre de 1975-1990, et c'est avec une émotion marquée qu'ils ont redécouvert le Liban et les sites qui leur avaient été interdits, dans un climat propice à une paix durable.

Conférences et réceptions
L'association RJLiban (Rassemblement de la jeunesse libanaise) s'est mobilisée pour offrir à ces visiteurs de choix un panorama complet, alliant conférences, discours, dîners et autres réceptions. Le premier dîner s'est ainsi déroulé le 18 mai dans une ambiance traditionnelle à Beyrouth, où nos hôtes militaires ont été encadrés par trente Libanaises et Libanais de tous les horizons venus les accueillir. Était présente Nada Sardouk, directrice générale du ministère du Tourisme, ainsi que le professeur Antoine Khater et son épouse, qui nous avait accompagnés lors du voyage des pèlerins espagnols sur la route de saint Paul en février dernier (voir notre édition du 9 mars 2009). Ce dîner a été précédé d'une conférence préventive de présentation du Liban à caractère sécuritaire, donnée en privé par l'attaché militaire français, le colonel Luc Batigne, qui devait par la suite nous recevoir, au dernier jour du voyage, à la Résidence des Pins.
L'ambassadeur de France, André Parant, nous a accueillis le 27 mai sur le bateau militaire le Jean-Bart, accostant à Beyrouth pour quelques jours, et a souligné devant les nombreux invités l'importance de la visite des saint-cyriens de la promotion « Corse et Provence », qui s'inscrit dans le cadre du renforcement des relations franco-libanaises. Était présents à la cérémonie, le général Olivier de Bavinchove, commandant la force française au sein de la Finul, qui avait offert un grand déjeuner en bord de mer le samedi 23 mai à la base militaire de Naqoura, près de la frontière israélienne, après une conférence technique sur le nouveau rôle de la Force internationale des Nations unies au Liban dans laquelle la France, l'Italie et l'Espagne figurent au premier plan.
Le soir même, un grand dîner officiel s'est tenu à l'auberge al-Fanar, au cours duquel petits et grands, Français et Libanais, ont entonné l'hymne national, suivi de La Marseillaise, avant le repas au son de la guitare suivi d'une dabké sur la plage de Tyr, berceau d'Europe, Cadmos et Élissa. Parmi les invités se trouvait le conseiller économique Frédéric Kaplan, qui avait auparavant, au cours d'un dîner à Beyrouth, présenté une brillante conférence sur les grands projets et les problèmes de la reconstruction au Liban. Olivier Lange, directeur de la Mission culturelle française à Tyr, Saïda et Nabatiyeh, figurait également parmi les invités, ainsi que des commissaires de l'Union européenne venus surveiller le processus des élections législatives. Au cours de la visite à Tyr, coïncidant avec le 9e anniversaire de la libération du Liban-Sud, l'ancien évêque grec-catholique Jean Haddad, à l'issue de la messe dominicale en l'église Saint-Thomas, a raconté l'histoire des premiers chrétiens dans la région.
Une autre grande conférence a été donnée, à Batroun, par frère Ildefonse Sarkis, qui a présenté de façon magistrale, durant plus d'une heure, les divers aspects de la vie culturelle au Liban du temps des Phéniciens. Son exposé, accompagné d'une projection, fera bientôt l'objet d'une publication qui sera diffusée sur Internet en plusieurs langues. D'autres conférences ont eu lieu sur les sites archéologiques, notamment à Byblos, où le maire Joseph Chami nous a remis des documents sur sa ville millénaire. Des exposés ont été faits durant le trajet en bus, notamment sur l'architecture et les universités au Liban, ainsi que sur l'historique de l'association RJLiban fondée à Paris en 1986. Il y a eu aussi la présentation de Pharès Zoghbi, qui a accueilli les touristes dans sa bibliothèque dépendant de l'Université Saint-Joseph, à Kornet Chehwane, ainsi que celle du père Timothée, qui a expliqué l'importance de la première imprimerie arabe dans le couvent Saint-Jean de Khenchara. Sans oublier le père Michel, dans le couvent Saint-Antoine de Qozhaya, où se trouve la première imprimerie syriaque, qui a entonné un émouvant hymne à la Vierge dans la langue du Christ.

Entrevues politiques
La visite au Liban a commencé par une rencontre avec le patriarche maronite Nasrallah Sfeir, au siège du patriarcat à Bkerké, qui a souhaité pour le Liban et pour les relations entre la France et ce pays un avenir prospère. Ce même message a été repris par l'uléma Mohammad Hussein Fadlallah et cheikh Abdel-Amir Kabalan, de la communauté chiite, qui n'ont pas manqué de signaler la nécessité de renforcer l'entente islamo-chrétienne aussi bien en France que dans toute l'Europe.
Un groupe de dix membres de la promotion de Saint-Cyr a ensuite rendu visite au général Michel Aoun, qui a dressé un bilan de la guerre au Proche-Orient. « Sur le Liban, il y a beaucoup de désinformation à Paris, a-t-il dit. La crise a commencé au lendemain de la guerre des Six-Jours après la défaite de l'Égypte, de la Syrie et de la Jordanie. Après les massacres du « Septembre noir » en 1970 en Jordanie, il y a eu un afflux de Palestiniens au Liban (OLP), ce qui a entraîné un déséquilibre dans le pays. Les Palestiniens représentaient 12% de la population, étaient tous armés et n'avaient pas de travail. Il y eut de nombreux accrochages avec l'armée avant 1975. La Syrie a utilisé les Palestiniens pour déstabiliser le Liban. En 1975, il y eut un conflit généralisé. Ce fut une guerre panarabe contre le Liban. Il y avait trois brigades palestiniennes, une formée en Irak, une autre formée en Syrie et une troisième formée en Égypte. Les États-Unis, défenseurs intransigeants d'Israël, n'ont pas voulu donner à ce conflit son véritable nom, qui trouve sa source dans le partage de la Palestine en 1948. Le poids du pétrole dans l'économie était ailleurs. »
Une autre visite a eu lieu dans la banlieue sud de Beyrouth, où l'ancien ministre Trad Hamadé, représentant le Hezbollah, a exprimé le point de vue de son parti sur le conflit avec Israël, et défendu sa vision d'un Liban multicommunautaire. Signalons qu'en raison de la période électorale, le président de la République Michel Sleiman ainsi que Saad Hariri, chef du Bloc du futur, se sont excusés de ne pouvoir recevoir la délégation française en raison de leurs calendriers chargés.

« Qu'est-ce que le Liban ? »
La vague de militaires français déferlant dans les ruelles de Mousseitbé et d'Achrafieh, dans les souks de Saïda et de Tyr, a provoqué étonnement, sourires et bonheur. D'innombrables images marqueront ce passage, comme celle de cette jeune femme présentant son bébé, lors du premier arrêt à la Grotte aux pigeons face au promontoire de Raouché. Ou ce jeune Libanais embrassant spontanément un des voyageurs dans la cour du palais de Beiteddine, se faisant prendre en photo avec lui, avant que sa compagne, portant le voile, vienne enlacer le même voyageur et poser aussi pour la photo. Ou l'ambassadeur de la République centrafricaine en Égypte, rencontré par hasard sur le site de Byblos au cours de sa visite de 24h au Liban, et qui était lui aussi un ancien de Saint-Cyr.
Le Liban, c'est aussi les sites magnifiques de Jeïta, de Baalbeck, du Hermel, de l'Oronte (Nahr el-Assi), de Anjar et bien d'autres, ainsi que l'accueil chaleureux rencontré dans les restaurants et les hôtels, de Beyrouth à Tyr en passant par Khraïzate et Bologna. Sans oublier les femmes iraniennes venues en bus prier pour Notre-Dame du Liban à Harissa.
Le Liban, c'est aussi ce jeudi de l'Ascension, où nous avons assisté à la messe maronite célébrée en partie en français par le père Samir en l'église Saint-Georges à Beyrouth. Nous avons aussi découvert le temple cananéen se trouvant au-dessous de l'église puis visité la grande mosquée près de laquelle repose l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, avant de déambuler dans le centre-ville. Nous nous sommes par ailleurs rendus dans la banlieue sud pour une rencontre politique puis avons dîné dans le quartier très animé de Monnot, et passé enfin une soirée mémorable dans l'une des boîtes de nuit de Beyrouth.
« Qu'allez-vous faire à votre retour en France ? » À cette question posée naïvement la veille du départ du groupe, Henri répondit spontanément : « Nous allons remplir l'avion du flot de nos larmes. » Réponse inattendue d'un général français aguerri, qui a été confirmée le lendemain dans un moment d'intense émotion à l'Aéroport international Rafic Hariri. Nos voyageurs ont remercié la compagnie aérienne pour le retard de deux heures et demie de l'avion en partance pour Paris, grâce auquel la visite du Musée de la soie de Bsous s'est ajoutée au programme touchant à sa fin, suivant celle de l'ancienne demeure où avait séjourné le général Charles de Gaulle en 1929-1931, dans le quartier beyrouthin de Mousseitbé, alors qu'il était commandant.

Naji FARAH
« Bonjour, nous avons la tête remplie d'images de notre séjour. Ce qui nous a marqué, c'est la fraternité que nous avons ressentie pendant tout le voyage comme jamais nulle part ailleurs. Cela nous réconforte sur la capacité des hommes à vivre ensemble comme des frères. Merci de nous avoir permis de vivre cela : un voyage...