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Culture - Cimaises

Au regard attentif, répond la main…

« Le dessin est la probité de l'art », affirmait Ingres. C'est aussi « une forme d'expression véritablement universelle, extrêmement souple et versatile », assure Joseph Tarrab qui a choisi, avec Saleh Barakat, de rappeler, dans une exposition à la galerie Maqam consacrée exclusivement à ce genre, que tout part du dessin*.
« Mais le dessin peut également être une fin en soi », soutient Joseph Tarrab qui, par le biais de cette exposition, espère « réencourager les collectionneurs locaux à s'y intéresser. Les Libanais sont plus portés vers la peinture sur toile et négligent les œuvres sur papier qui, pourtant, peuvent être tout aussi magistrales et se conservent généralement bien plus longtemps », souligne le galeriste et critique d'art. Lequel, en montrant une sélection d'une cinquantaine de dessins de 22 grands artistes libanais, démontre, s'il en faut, l'importance du coup de crayon dans leur approche picturale.
Substitut d'un musée d'art moderne et contemporain qui fait cruellement défaut sur la scène artistique libanaise, la galerie Maqam, qui a ouvert ses portes il y a quelques mois à Saifi Village, présente des accrochages thématiques d'œuvres de maîtres nés avant les années soixante. Ces expositions, qui « remettent dans le circuit les peintres libanais d'avant-guerre », offrent également à la génération montante des éléments de référence ainsi que la possibilité de pouvoir se positionner dans une lignée artistique.
Après une première exposition consacrée exclusivement au paysage, c'est au tour du dessin d'afficher ses différentes variétés de styles, de matériaux et d'inspirations. Et d'évoquer, dans cet accrochage intitulé The Responsive Hand, cette vivace relation entre le regard du peintre qui enregistre les caractéristiques de l'objet représenté, ses proportions, ses lignes, ses ombres... et sa main qui répond sur papier à cet ensemble de sollicitations visuelles.

Des « Bacchanales »... au bureau
Par-delà donc les acquis des leçons d'anatomie, chaque artiste va développer son propre mode d'expression. Traits d'une délicatesse exquise chez Mohammad Rawas qui, au début des années soixante-dix, alors qu'il était encore étudiant aux beaux-arts et, en parallèle, employé dans une administration, dessinait son bureau avec une pureté de vision d'une simplicité remarquable. Une vision tout aussi claire du Beyrouth d'avant-guerre exprimée par ce même artiste dans un dessin, au tracé beaucoup plus appuyé et aux lignes distordues, de Bacchanales dansant sur un volcan, réalisé en 1974!
Même finesse du trait - à l'encre et la gouache, recouverts de glue - esquissant un enchevêtrement cette fois plus moderne de formes, de figures et de personnages chez Halim Jurdak. Lequel, partant de ses dessins plus angulaires et contrastés de graveur, met ses tracés et ses couleurs au diapason d'une nouvelle liberté d'approche...Un peu comme Paul Wakim.
Éternelle liberté et fantaisie chez Amine el-Bacha, dont les crayons de couleur annoncent sur papier ses toujours printanières peintures.
Tandis qu'en face, un Café-trottoir en pastel à l'huile de petit format, de Farid Aouad, ce magnifique peintre-dessinateur exprime, en contrastes de couleurs hachurées, la solitude poignante des citadins et son propre désarroi...
Plus loin, Les variations de champ de Farid Haddad, où le crayon déploie à l'infini un même mouvement ondulatoire évocateur d'horizon ouvert à perte de vue...
Ampleur, cette fois, du geste pictural chez Greta Naufal qui rend, au moyen d'un portrait de Duke Ellington, toute l'atmosphère des notes bleues...
Même génération et même vigueur dans l'expression chez Rima Amyouni, dont le puissant coup de crayon transcende cet environnement quotidien qu'elle ne cesse de représenter...

Deux temps,trois mouvements
En deux temps, trois mouvements - nourris néanmoins d'années de travail ! - certains artistes expriment l'essentiel. C'est le cas d'un Paul Guiragossian, dont la Vision à l'encre de Chine, de la série consacrée à Gibran dans les années quatre-vingt, semble inspirée d'une impulsion spontanée. À l'instar de l'ardent et fulgurant tracé de Struggle for Love de Moussa Tiba.
De la fougue, de la rapidité et du brio également dans les silhouettes presque musicales au roseau de John Guvder, mais aussi chez Hussein Madi qui capture, avec une égale sûreté d'observation et virtuosité du geste, des paysages côtiers que la gestuelle de son chat Mario, ou la vigoureuse sensualité d'un dos de femme.
Le nu féminin, objet de prédilection des artistes de toutes les époques, est traité différemment dans les sketchs au feutre de Jean Khalifé (dont une odalisque moderne), les études, à l'encre ou à la sanguine, de Moustapha Farroukh - qui montrent tout à la fois la maîtrise technique de cet artiste, sa sensibilité psychologique et son esprit de caricaturiste -, ou encore les dessins de Jamil Molaeb et de César Gemayel qui, à des années de distance, partagent cette même intégration harmonieuse de leur modèle féminin dans un fond de motifs décoratifs.
Et dans cette revue de styles des plus belles œuvres de dessinateurs, il y a aussi des pièces de  Chafic Abboud (une nature morte de tasses de thé « dansantes », éloquemment intitulée Tea Party) ; de Fadi Barrage (le seul dessin sur toile de l'exposition) ; de Michel Basbous (des croquis et des réflexions graphiques sur ses projets de sculptures) ; de Véra Yeramian (dont les portraits grandeur nature de modèles réalisés dans les années 1930 durant ses études à l'Académie royale de Bruxelles montrent déjà une grande maîtrise des ombres et des lumières) et, la plus ancienne, une encre florale très diluée signée Bibi Zogbé (1870-1973).
Jusqu'au 19 juillet, une exposition à ne pas rater !

* Galerie Maqam, Saifi Village, Beyrouth. Horaires d'ouverture : du mardi au vendredi, de 14h00 à 19h00, et les samedis, de 12h00 à 17h00. Tél. : 0/991212.
« Mais le dessin peut également être une fin en soi », soutient Joseph Tarrab qui, par le biais de cette exposition, espère « réencourager les collectionneurs locaux à s'y intéresser. Les Libanais sont plus portés vers la peinture sur toile et négligent les œuvres sur papier qui, pourtant, peuvent être tout aussi...
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