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Nos Lecteurs ont la Parole

Télévérités ou telle est vérité ?

Par Louis INGEA
Personne ne s'avisera jamais de m'inviter au jeu des questions-réponses clans une station de télévision locale.
Personne non plus ne supposera qu'un citoyen ordinaire, pacifiste et naïf de surcroît côté connaissances juridiques, soit capable de soutenir une discussion sur le droit public, et encore moins de donner un avis sur la question.
Or, bon gré, mal gré, je n'ai pas échappé au tintamarre festif qui explosa l'autre jour en début d'après-midi par-dessus les terrasses, les rues et les têtes affolées des citadins, habitués par ailleurs à tant de manifestations débiles.
Renseignement pris, j'ai appris que, fous de joie, des groupes « incontrôlés » (et pourtant parfaitement contrôlables et contrôleurs) exprimaient leur satisfaction devant la libération impromptue des fameux suspects d'une non moins fameuse affaire nationale. Mon premier réflexe fut évidemment de pousser un ouf de soulagement en remerciant le ciel de ce que ni un jet israélien ni qui-vous-savez ne se soient avisés d'ouvrir des hostilités toujours en sursis.
Mais alors, comment interpréter cette furia autrement que comme un « tenez-vous bien dorénavant », à l'adresse de tous ceux qui, comme moi, n'approuvent pas du tout le comportement de hordes organisées sous un label sacro-saint, ayant rapport à un devoir de résistance, mais devenu prétexte à diktat, à tyrannie, à menaces continuelles ?
Le meilleur, cependant, était encore à venir. Dès les premières images télévisées, qu'on s'empresse de vous étaler, ce sont les rassemblements génétiques, les discours enflammés, les démonstrations, non tant de joie que de ressentiment, les réclamations intempestives et revanchardes qui vous glacent d'effroi.
Et l'on a vu réapparaître, sur les tribunes improvisées, toutes les faces honnies d'un précédent régime.
Pour en tirer une conclusion, la seule question nécessaire qui se pose est la
suivante :
Quelle est l'ampleur et la portée d'une telle décision de la part du tribunal international enfin constitué ? Est-ce une relaxe mettant les prévenus hors de cause ? Ou bien le simple réajustement d'une situation exceptionnellement floue dans laquelle ni le peuple libanais ni sa jurisprudence ne sauraient être la cause ? Car si les premiers soupçons avaient amené le juge international, chargé de l'instruction, à demander leur mise en garde préventive, il ne faut pas oublier que ce sont justement les excités que nous connaissons et ceux qui les soutiennent qui sont à l'origine du retard abusif de cette mise en ordre juridique. À l'origine, dis-je, par leur opposition de base à l'idée d'un tribunal international, par leurs grèves sur le tas, leur occupation du centre-ville et les mille et un tracas publics qu'ils n'ont pas cessé d'inventer pour mettre des bâtons dans les roues d'un juste développement des choses.
Ainsi, à qui imputer les quatre années de détention, sinon à ceux-là mêmes qui ont obstrué la bonne marche d'une justice, retardant du coup une décision que n'aurait pas manqué de prendre à temps l'administration internationale ? Pompier-pyromane et victime-agresseur se rejoignent ainsi et sont également pris au piège. La longue et injuste détention de ceux dont ils célèbrent maintenant la libération était du ressort de leur seule responsabilité. Et le ressentiment exprimé hier n'est que la conséquence du bluff qu'ils se sont administré eux-mêmes.
Aujourd'hui, on reconnaît donc le bien-fondé d'un tribunal redevenu honnête ? Un peu trop tard, messieurs. Les quatre prévenus ne devraient pas, je suppose, vous en vouloir trop. Et c'est bien pour cela, sans doute, que les empressements tonitruants auxquels nous avons tous assisté ont été si chaudement vécus.
À présent, une mise en garde s'impose, adressée a ceux qui, de bonne ou de mauvaise foi, pourraient interpréter l'évènement comme une victoire pour les partisans du 8 Mars, tous également confondus.
Primo, la relaxe intervenue n'est que strictement provisoire et n'exclut en rien les soupçons qui pèsent encore sur les prévenus. Ils ne sont en aucune façon « innocentes ». On n'obéit ici qu'à une discipline précise qui fait honneur au tribunal et qui force, à leur corps défendant, les tenants du 8 Mars à en louer l'impartialité. Cette reconnaissance de facto est à porter au crédit de tous ceux qui, d'emblée, avaient fait confiance à l'idée d'un arbitrage international.
Secundo, l'acte d'accusation, toujours en préparation, peut en inculper plus d'un. Il n'y a donc pas matière à se réjouir d'avance, sur le plan juridique, stricto sensu. Qui vivra verra.
Tertio, il ne faut pas confondre vessies et lanternes. Et croire à un éventuel impact sur l'issue des élections générales à venir. Il est vrai que la masse des ignorants et des excités s'y laissera prendre, mais il n'en est pas moins vrai qu'il faut que ces choses soient soulignées et prises en compte par celui qui comprend.
En conclusion, que chacun se rassure et laisse passer l'infantile ouragan. Depuis le temps que cela dure, le Libanais y est particulièrement préparé. On verra bien, au lendemain du 7 juin, si ce peuple, qui est le nôtre, a mûri ou si, indéfiniment, les honnêtes gens auront à supporter le règne de la bêtise et du
fanatisme.
Personne ne s'avisera jamais de m'inviter au jeu des questions-réponses clans une station de télévision locale.Personne non plus ne supposera qu'un citoyen ordinaire, pacifiste et naïf de surcroît côté connaissances juridiques, soit capable de soutenir une discussion sur le droit public, et encore moins de donner un avis sur la question.Or,...

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