Rechercher
Rechercher

Liban - En dents de scie

Mathématique

Dix-neuvième semaine de 2009.
Il l'a dit : Je ne peux croire en un avenir pour le Liban s'il y a un État à l'intérieur de l'État et une armée à l'intérieur de l'armée. Je ne peux accepter d'autres armes que celles de la troupe.
Est-ce qu'il faut échapper à un attentat, regarder la mort dans les yeux, être reborn pour finalement accepter de s'être trompé, accepter d'évoluer, pour finalement réussir à voir les choses comme elles sont, pour finalement comprendre ce dont ce pays a fondamentalement besoin ? Élias Murr revient de loin : pistolero rouleur de mécaniques et Lorenzaccio de pacotille hier, le voilà aujourd'hui en renversant défenseur de l'État ; le voilà, désormais, quelles que soient ses motivations, éminemment républicain. Le voilà, surtout, qui vient de résumer, en à peine deux phrases, l'absolument unique intérêt de toute cette campagne ; il vient de rappeler, à toutes celles et tous ceux qui ne comptaient absolument pas se déplacer le 7 juin prochain, que le scrutin 2009 n'est en fait qu'un référendum : pour ou contre l'État. C'est-à-dire pour ou contre les armes du Hezbollah.
Cela fait des mois, de longs mois, que le Hezbollah et son annexe (le CPL) prennent les Libanais en général et Michel Sleiman en particulier pour d'irrécupérables crétins. Pour des figurants. Séance de dialogue national après séance de dialogue national, l'ectoplasmique stratégie de défense reste mort-née, figée, momifiée dans une espèce de protocole compassionnel d'une insensée hypocrisie. Pire : après le viol de Beyrouth et celui de la Montagne ; une fois confirmé ce que tout le monde redoutait sans jamais oser se l'avouer, que les armes de la résistance sont effectivement destinées, aussi, à être tournées contre l'intérieur ; après l'imbécile et grabataire accord de Doha à cause duquel le Liban s'est retrouvé affligé de la plus tarée des hérésies, le tiers de blocage, ces séances de dialogue national sont passées à une vitesse supérieure, supersonique : le néant absolu. Et seul, seul le référendum du 7 juin pourra mettre un terme à cette pantalonnade.
Non pas, bien sûr, qu'un vote massivement anti-8 Mars convaincrait un Hezbollah totalement hermétique à toute notion de démocratie de rendre les armes - loin de là. Seulement, cet éventuel résultat contribuera d'une façon radicale et imparable à dynamiter l'une des plus grandes supercheries de l'histoire immédiate de ce pays : le document de Mar Mikhaïl. Ce texte que ses auteurs et autres thuriféraires voient comme le triomphe du métissage intercommunautaire, un concept toujours et hautement bienvenu, mais qui n'est en réalité qu'un fumeux et très opiacé stratagème politique destiné à donner au Hezb une dimension nationale mortifère, destiné, aussi, à légitimer l'illégalité absolue du maintien de ses armes et de ses privilèges, destiné, enfin, à tuer dans l'œuf tout embryon d'État fort.
Les législatives 2009 ne sont, ne peuvent plus être simplement une bataille entre le 14 et le 8 Mars. Ni une bataille entre l'orange et le bleu, le rouge/blanc et le jaune ou inversement. Ni même, en réalité, une bataille entre deux visions, deux conceptions du Liban, de sa nature, de son rôle, ou une bataille entre un axe syro-iranien de plus en plus bancal et un alignement du Liban sur l'Occident. Les législatives 2009 ne sont pas, ne peuvent plus être simplement un mode de désignation d'une majorité censée assumer la responsabilité du maintien de la stabilité (Michel Sleiman) et d'une minorité qui observera, contrôlera et demandera des comptes au gouvernement (Michel Sleiman encore...). Les législatives 2009 ne sont pas, ne peuvent plus être simplement l'occasion de faire un choix, de faire son choix, de sanctionner, dans un sens ou dans l'autre, telle équipe ou telle autre. Ces législatives ne peuvent plus se résumer à un vote pour, à un vote contre ou à un si tu ne veux pas voter pour, vote contre.
Le scrutin de juin sera le premier référendum de l'histoire du Liban - en quelque sorte, ce suffrage universel auquel tout le monde, idéalement, aspire, ou pourrait aspirer.
Bien sûr, ce scrutin est crucial. Infiniment crucial. Pas parce que le 14 Mars risque de rester au pouvoir (pour les uns) ou que le 8 Mars risque d'y être installé (pour les autres) : en vérité, une alternance, quelle qu'elle soit, est toujours plus saine que n'importe quel encroûtement. Et puis, qui s'y frotte s'y pique : voir le 8 Mars à l'œuvre pourrait s'avérer être une expérience anthropologique singulièrement drôle : il est un proverbe libanais qui recommande, en substance, de suivre le menteur jusqu'au pas de sa porte. Ce scrutin est crucial parce que, justement, ce n'est plus un scrutin. C'est un référendum pour ou contre les armes du Hezb, pour ou contre l'État.
Si Élias Murr l'a compris, chaque Libanais le peut. Sans avoir, un jour, à tutoyer la mort.
Dix-neuvième semaine de 2009.Il l'a dit : Je ne peux croire en un avenir pour le Liban s'il y a un État à l'intérieur de l'État et une armée à l'intérieur de l'armée. Je ne peux accepter d'autres armes que celles de la troupe.Est-ce qu'il faut échapper à un attentat, regarder la mort dans les yeux, être reborn...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut