Rechercher
Rechercher

Liban

Publiphobies

Faire une campagne électorale pour un scrutin majeur nécessite forcément, pour les grands partis, d'y aller par quatre chemins : choisir les bons candidats, occuper le terrain tous azimuts, proposer le programme le moins niais et assurer au niveau publicitaire.
Imbattable dès qu'il s'agit d'aligner les clichés et confondant de banalité à pratiquement tous les niveaux, le CPL de Michel Aoun devient en revanche particulièrement intéressant sur le plan publicitaire. Intéressant : novateur, hardi, provocant. Seul problème - mais gigantesque : tout se casse, tout se délite, tout retombe et tout s'embourbe vite. Très vite. En deux temps, certes, mais surtout en trois mouvements. Un triptyque gangrené. Parce que, un : on ne bâtit rien à coups d'amers, d'atrabilaires besoins de revanche(s). Deux : on ne bâtit rien en élevant le mauvais goût et la niaiserie au rang d'arts de vivre. Trois : on ne bâtit rien enfin, surtout, en promouvant le coup d'État.
Acte I : le fiel.
La moustaqbal (pas de futur) bala taghyir (sans changement). Le slogan, dans l'absolu, est extraordinaire, indépendamment de toutes sympathies politiques : simple, direct, concis, surpuissant et d'une éloquence folle. L'advertising aurait été impeccable si ce slogan s'était contenté de s'afficher en orange sur un fond bleu. Mais le CPL est sanguin. Pour les concepteurs aounistes, le bleu ne peut être que déchiré, déchiqueté, pour laisser la place à l'orange. Sur ces billboards, s'affichent toute la vacuité et la vanité du aounisme post-document de Mar Mikhaël : le sunnisme politique est haïssable ; le sunnisme politique doit disparaître. Et voilà dynamité en une publicité ce rachitique, cet anorexique concept de coexistence libanaise (inutile, évidemment, de parler de convivialité), pourtant au cœur du Pacte.
Acte II : la (grosse) gaffe.
Tout a été dit, ou presque, sur cet impensable Sois belle et vote ; machisme, sexisme, niaiserie infinie, gratuité et inconsistance, tout, absolument tout, a été répété, rabâché, redit. À raison. Quel autre impact, pourtant, aurait pu avoir cette publicité si la fille (ou la femme) avait été moyennement jolie, voire commune, peut-être même souffrant d'un physique difficile. Mais non.  Là encore, vient se cracher, se crasher, laide, grasse et purulente, cette volonté d'exclure dont le CPL, visiblement, semble tirer une fierté incommensurable. Dans le profond comme en surface, dans le grave comme dans le léger, dans le fondamental comme dans le frivole, le courant aouniste a un sérieux, un endémique problème avec l'autre quand l'autre ne correspond ni à ses critères ni à ses calculs. Il y a quelque chose de radicalement vicié quand l'acceptation de cet autre devient aussi absente.
Acte III : le putsch.
La troisième République. Le message est on ne peut plus clair ; en même temps absolument hermétique. Obscur - obscurantiste dans son ésotérisme. On connaît, tout le monde connaît, la haine que voue Michel Aoun à ce texte sur lequel continue pourtant de reposer, exclusivement, le plus que bancal, le plus qu'imparfait équilibre libanais : l'accord de Taëf. On sait, tout le monde sait, combien l'accord de Doha est délétère, biaisé ; né d'un coup d'État, destiné, si le Hezbollah et ses alliés ont le champ libre, à servir de cache-sexe constitutionnel à un autre coup d'État, plus blanchâtre peut-être, mais assurément plus dangereux : cette troisième République dont on ignore infiniment, en plus, la plus petite clause de programme, la plus infime des orientations. Pire : on les devine. Plus encore : le plus virulent des contempteurs du aounisme continuait d'espérer, quelque part, même malgré lui, que la publicité la plus mensongère, le document de Mar Mikhaël, finisse par servir à quelque chose, que le CPL puisse réellement, effectivement, libaniser le Hezbollah. Avec cette troisième République bourrée de bruits de bottes en tous genres, c'est le pompon : le syndrome de Stockholm vient d'être réinventé, poussé dans ses derniers retranchements : l'otage et son geôlier ne font plus qu'un : captif ravi puis amoureux du Hezb, le Courant patriotique libre s'autoclone à l'image de son ravisseur : en putschiste.
Ainsi, à un mois des élections, les Libanais peuvent remercier le CPL : pour la première fois, et sans doute sans le vouloir, sans s'en rendre compte, sans le savoir, sans longs discours, sans documents fumeux, sans intervention de candidats finalement totalement interchangeables, sans le moindre programme, uniquement grâce à une campagne publicitaire terrifiante de menaces larvées, la formation de Michel Aoun a enfin annoncé la couleur, s'est enfin démasquée.
Faire une campagne électorale pour un scrutin majeur nécessite forcément, pour les grands partis, d'y aller par quatre chemins : choisir les bons candidats, occuper le terrain tous azimuts, proposer le programme le moins niais et assurer au niveau publicitaire.Imbattable dès qu'il s'agit d'aligner les clichés et confondant de banalité à...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut