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Nos Lecteurs ont la Parole

Achrafieh, Achrafieh, quand tu nous tiens !...

Louis INGEA
Il est toujours délicat et légèrement ennuyeux de commenter une situation de politique intérieure, plus particulièrement lorsqu'il s'agit d'élections législatives. Au Liban comme ailleurs.
Aussi, mon papier de ce jour est-il à « prendre avec des pincettes », comme l'illustre si bien l'expression populaire.
Pour les lecteurs de L'Orient-le-Jour, le scrutin d'Achrafieh se présente actuellement, et à l'approche du 7 juin, d'une façon plus radicale que les scrutins précédents. Non pas qu'à lui seul il ferait pencher d'un côté ou d'un autre une majorité dépendant, après tout, du reste du pays, mais parce que, pour la première fois depuis longtemps, les citoyens chrétiens de ce district ne seront pas soumis au parachutage d'une liste préfabriquée, tributaire de voix ne représentant pas, dans les faits, leur propre circonscription... En ce sens, les responsables actuels, bien que souvent critiqués, auront accompli ici, en toute justice, une action salutaire.
Car s'il est vrai que l'ambiguïté du problème libanais (options souverainiste ou suiviste), que nous traînons comme un boulet empoisonné depuis l'indépendance, se pose aujourd'hui comme une certaine forme de vérité à démontrer, il est tout aussi vrai que le choix de chacun de nous, électeurs impartiaux et perpétuellement méconnus, sera déterminante quant à l'issue du décompte des urnes électorales.
Si donc le citoyen n'appartenant à aucun parti précis se donne la peine d'adresser cette mise au point par l'entremise de L'Orient-le-Jour, c'est bien parce qu'il souhaite que tous ceux qui, comme lui, se réfèrent au parti de la culture, de la liberté d'esprit, de la sincérité, de la justice et de la paix se mobilisent (le mot n'est pas trop fort) pour tenir en échec tout postulant qui, pour des raisons d'intérêts personnels, le plus souvent enrobés de « bonnes intentions », n'appuie pas carrément le courant souverainiste dit du 14 Mars. Un courant, selon certains, pas plus souverainiste qu'un autre et qui, en tout cas, porte sa réputation en boitant. J'en conviens, sauf que l'on doit faire avec ce qu'on a, et que la perfection n'est pas le propre du Libanais.
Ces derniers jours, en effet, ont vu fleurir diverses réactions à ce sujet. Nous avons même eu droit, dans les colonnes de ce journal, à un timide début de polémique de la part d'un candidat, très respectable certes, se présentant, semble-t-il, sur une liste adverse. Une tartine édulcorée où, à côté d'un appel aux allures sentimentales, le personnage nous promet d'appuyer des réformes urgentes et nécessaires autant que des prises de position pleines de noblesse à l'égard de la contrée voisine et omniprésente, nommément la Syrie. Souhaits, par ailleurs, à servir communément par n'importe quel candidat à n'importe quelle élection. Or il s'agit ici de préciser l'option que devrait prendre tout honnête citoyen dans ce pays, en d'autres termes la majorité appelée silencieuse.
Il est entendu que, pour applaudir, il faille nécessairement deux mains. On n'applaudit pas en tapant d'une seule main sur un pupitre. Autrement dit, pour affirmer des « relations fraternelles » avec le pays voisin, il faudrait non seulement que le Libanais le proclame et se dise prêt à l'assumer, mais il faudrait surtout que « l'autre main » censée participer aux applaudissements le veuille également, le souligne clairement et montre de ce fait un début d'exécution. Car il ne suffit pas d'ouvrir une ambassade en traînant les pieds. Il ne suffit pas non plus d'émettre des déclarations aigres-douces faites par un ministre d'Affaires pas très étrangères à nos problèmes. Il faut encore, il faut surtout cautériser sur le vif la blessure béante qui sépare toujours la Syrie du Liban : rectification des frontières, libération des personnes arbitrairement détenues, mis au pas de contrebandiers téléguidés, des fomenteurs de troubles, des refileurs d'armements divers... et j'en passe !
Le contentieux psychologique libano-syrien, si lourdement appesanti depuis des décennies, en est la preuve douloureuse et incontournable.
Alors, avant de jouer aux redresseurs de torts et tendre des paumes de main qui, jusqu'à nouvel ordre, restent suspendues en l'air, il conviendrait, en toute modestie, d'attendre que se concrétisent sur le terrain les velléités ambiguës claironnées ici ou là par un Bachar ou son Moallem pendant que « sœur Anne ne voit encore rien venir », à part, bien sûr, toute une attitude et un chapelet de vœux bienveillants à l'adresse des tenants du 8 Mars, aounistes en tête.
Que la chose, chers concitoyens électeurs, soit écrite noir sur blanc. Nous ne sommes d'abord pas censés nous cantonner dans une politique hostile, ni envers la Syrie ni envers l'Iran. Et nous nous devons de rester solidaires avec l'ensemble des pays arabes face à Israël, dans les limites du respect des décrets onusiens. Cela dit, et tout en étant prêts à le faire, nous ne tendrons la main au gouvernement syrien et aux dirigeants islamiques iraniens que lorsque eux-mêmes nous manifesteront pour de bon une volonté dénuée de toute arrière-pensée. Gestes véritablement fraternels, côté syrien, tels que des frontières ajustées, un terrorisme maîtrisé, des détenus libérés. Gestes amicaux, côté iranien, tels que la remise de l'armement hezbollahi à nos autorités légales. Il n'est pas question d'avoir un Parlement prêt à se soumettre à d'éventuels diktats.
Et voilà l'unique raison pour laquelle nous devons empêcher le courant du 8 Mars d'accéder à une majorité parlementaire quelconque.
Les positions ainsi définies doivent signifier que tout citoyen favorable dans les urnes à un tel mouvement, quelles que soient ses antipathies personnelles envers tel ou tel parmi les membres du 14 Mars, ferait le jeu des adversaires d'un Liban ouvert au monde, tolérant et souverain.
Soyons clairs ! La valeur respective des affiliés au 8 Mars n'est nullement en cause. Contrairement à ce que l'on peut imaginer, nombre d'entre nous reconnaissent chez un Bassil, chez un Abi Nasr et quelques autres, à titre d'exemple, des qualités que nous avons appréciées chez un Pierre Amine Gemayel ou un Ziyad Baroud. Sachons qu'en sactionnant les membres du 8 Mars, nous n'aurons pas voté contre tel ou tel de leurs candidats, mais nous aurons souligné, de façon irréfutable, que nous ne sommes tout simplement pas d'accord autant avec leur option stratégique qu'avec leur soumission aveugle à des leaders dont les propos méprisants ne méritent aucune considération.
Tant que le groupe aouniste, malgré des serments souverainistes très peu convaincants, continuera d'afficher son alliance avec un Hezbollah inféodé au fanatisme iranien, l'électeur chrétien d'Achrafieh n'a pas le droit, par rapport au sacro-saint nom du Liban, d'entériner la moindre de leurs entreprises.
Telle est ma conviction intime. Telle est, j'en suis sûr, celle de tout citoyen sain d'esprit et libéré des contingences claniques.
J'ose espérer que de tels citoyens constituent l'écrasante majorité de notre peuple. S'il en était autrement, c'est du Liban même qu'il faudrait désespérer.

Louis INGEA
Il est toujours délicat et légèrement ennuyeux de commenter une situation de politique intérieure, plus particulièrement lorsqu'il s'agit d'élections législatives. Au Liban comme ailleurs.Aussi, mon papier de ce jour est-il à « prendre avec des pincettes », comme l'illustre si bien l'expression populaire.Pour...

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