Si je devais mourir demain, je t'offrirais la lune, mes nuits et mes jours. Et vous ? Que feriez-vous si vous deviez mourir demain ? S'il ne vous restait plus que quelques semaines à vivre ? Pas parce que vous êtes malade ou souffrant, mais parce que c'est ainsi que va la vie. Si vous aviez la possibilité de changer votre vie, de changer une vie, vous feriez quoi ? Vous iriez où ? Vous parleriez à qui ? On y a tous pensé un jour à ce coup de folie qu'on pourrait faire, comme ça, parce que. Un acte, un geste, une parole qu'on ferait, qu'on dirait parce qu'on n'a plus rien à perdre. Ce serait quoi ? Quel rêve exaucer ? Quelle erreur corriger ? Quelle histoire terminer ? Prendre un avion et aller loin. Découvrir un ailleurs plus intéressant. Rencontrer d'autres vies, d'autres gens. Le Japon, l'Afrique, l'Inde... L'Inde. Le Cachemire. Se coucher sur un grand lit de draps en percale de coton, abrité par une moustiquaire, un poulet « kormas » et quelques autres plats épicés posés à même le sol. Fermer les yeux. Respirer la sensualité et oublier le reste du monde. Descendre dans le Gange pour se purifier et regarder les couleurs se confondre. Faire l'amour une dernière fois... Dire à ceux qu'on aime qu'on les aime, sans peur aucune, sans retenue parce que le temps manque, parce qu'on ne peut pas, on ne peut plus passer à côté de ses sentiments, à côté de ses émotions. Tenir une main frêle, une main forte, serrer ses doigts pour laisser passer les flux, l'électricité, l'alchimie... Avoir mal d'aimer, marcher à deux pas du soleil, déranger les pierres. Dire tout ce qu'on a tu, pour ne plus avoir à garder en son sein les plus belles choses du monde, ces mots qui effrayent, tétanisent et handicapent, ces trois mots qui changent le cours de l'univers. « Je t'aime. » Sans parce que, sans pourquoi, sans raison... Partir en Afrique. Emporter avec nous comme seul bagage l'amour qu'on pourra donner. Courir plus vite que le temps à qui on fera son affaire. Courir les yeux grands ouverts, la bouche remplie de miel. Acheter une grande maison pour y mettre sa ribambelle d'enfants, ses amis, ses frères. Installer au rez-de-chaussée un immense atelier où tout le monde peindrait ses rêves. Laisser une trace. Comme seuls les véritables artistes peuvent le faire. Immortaliser en instantanés ces moments de bonheur. Filmer son petit monde qui joue. Donner des conseils aux plus jeunes. Leur dire de brûler la vie par les deux bouts, de la croquer à pleines dents, de la chanter sans cesse. Ne pas fuir le bonheur car il ne se sauvera plus... Dire à ses enfants combien on les aime pour ce qu'ils sont. Pour ce qu'ils deviendront. Rire aux éclats, à gorge déployée, pleurer un bon coup. Donner tout ce qui est matériel. Offrir ses plus beaux bijoux aux femmes assises sur les bords de la route. Donner ses toilettes luxueuses, ses cristaux, sa porcelaine, ses tapis pour réchauffer ceux qui ont froid... car on n'emportera rien avec nous. Marcher sous le soleil. Sous la pluie chaude du mois de septembre... Descendre place des Martyrs, une dernière fois, pour cracher sa liberté à la face des traitres, à ceux qui nous ont vendus, et leur rappeler que le peuple c'est nous. Descendre place des Martyrs pour ressusciter ceux qu'on nous a pris : Samir, Gebran, Pierre et les autres. Être libre, sans chaîne, ni menottes, sans prison. Sans prison dorée, sans menaces ni contraintes, sans plus aucun compromis. Se libérer de tout. Du poids de la morale, des contrats sociaux et des préjugés bourgeois... Pardonner. Pardonner à tous ceux qui nous ont atteints, blessés, trahis, trompés, humiliés. Oublier. Oublier les rancœurs et les peines, le passé, le présent et ne penser qu'à l'avenir. Aussi court soit-il. Garder auprès de soi ceux que l'on chérit. Leur donner le meilleur pour qu'ils effacent le pire. Se réconcilier. Se réconcilier avec ceux qu'on a perdus, se réconcilier avec soi-même. Chanter Hallelujah en chœur avec Jeff Buckley, avec Leonard Cohen. Retrouver son double. Mourir tranquille et apaisé, libéré, dégagé, acquitté, exempté, absous. Mourir un dimanche. Au premier frisson du printemps. Sous le grand soleil de Satan. Mourir sans frayeur. Fondue dans un sommeil de plomb. Je veux mourir les yeux ouverts. Le nez au ciel, comme un mendiant.
Si je devais mourir demain, je t'offrirais la lune, mes nuits et mes jours. Et vous ? Que feriez-vous si vous deviez mourir demain ? S'il ne vous restait plus que quelques semaines à vivre ? Pas parce que vous êtes malade ou souffrant, mais parce que c'est ainsi que va la vie. Si vous aviez la possibilité de changer votre vie, de changer une vie, vous...