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Liban - Législatives 2009 : les circonscriptions à la loupe

Beyrouth I : le bastion chrétien que le CPL voudrait conquérir

À 83 jours de l'échéance électorale du 7 juin, L'Orient-Le Jour entame ce mardi une série d'avant-papiers sur les diverses circonscriptions du pays.
La publication de ces papiers se fera à un rythme régulier et s'étalera jusqu'à la fin du mois de mai.
Au total, il y aura autant d'articles que de circonscriptions, c'est-à-dire 26 : trois à Beyrouth, sept au Liban-Nord, trois dans la Békaa, sept au Liban-Sud/Nabatiyeh et six au Mont-Liban.
Il s'agira principalement d'un état des lieux fournissant les informations de base dans chacune des circonscriptions (nombre de sièges, d'inscrits, répartition communautaire, cartes), les candidats en présence, l'enjeu de la bataille qui s'y déroule, les alliances tissées, etc.
Au moins pour ce qui est des premiers papiers, il faudra naturellement s'attendre à la possibilité de changements ultérieurs dans le déroulement des batailles, à mesure que la date du scrutin se rapproche.
Bien sûr, les enjeux diffèrent d'une circonscription à l'autre. Certaines sont le théâtre de grandes batailles qui s'annoncent serrées, comme Zahlé, par exemple, alors que d'autres présentent une topographie électorale plus uniforme.
Mais même dans les unités considérées comme étant acquises à l'un ou l'autre des grands camps en présence, il serait intéressant d'y observer les batailles marginales que se livrent des candidats d'un même bord, et donc l'évolution des rapports de force, y compris entre alliés.
La série commence aujourd'hui par Beyrouth I, un bastion chrétien formé d'Achrafieh, de Rmeil et de Saïfi.

À Beyrouth I, comme dans le reste des circonscriptions électorales à majorité chrétienne, le calme de la vie au quotidien détonne franchement avec la fièvre des contacts politiques engagés à un rythme frénétique, dans la perspective de la consultation populaire du 7 juin, et l'hyperactivité des machines électorales qui fonctionnent à plein rendement. Une frénésie somme toute compréhensible, étant donné l'importance de l'enjeu politique qu'elle véhicule : après avoir été marginalisés pendant plus de trente ans, écartés sans autre forme de procès d'une participation réelle à la vie politique et interdits par les forces de facto de choisir eux-mêmes leurs représentants à la Chambre, les 90 000 électeurs d'Achrafieh, de Rmeil et de Saïfi sont aujourd'hui appelés à déterminer eux-mêmes le poids de chacun des partis et des courants qui se disputent la représentativité et le leadership de la communauté chrétienne et à se prononcer en faveur de l'une ou de l'autre des options que les deux lignes politiques qui croiseront le fer le 7 juin défendent chacune.
Ainsi, si en 2005 la participation chrétienne beyrouthine aux élections était restée timide, voire même désinvolte, cette année, il faut s'attendre à un engagement chrétien plus soutenu. Les machines électorales des deux listes rivales la situent entre 35 et 40 %.
À Beyrouth I, les composantes chrétiennes du 14 Mars et le Courant patriotique libre sont chacun représenté par une liste - jusqu'aujourd'hui officieuse - qui reste incomplète, en attendant le verdict du parti Tachnag, qui ne s'est toujours pas prononcé sur l'offre faite par la majorité, à savoir de maintenir des listes incomplètes, notamment à Beyrouth, au Metn et à Zahlé, pour que ce parti puisse hisser quatre de ses représentants au Parlement.
Une vingtaine de candidats briguent les cinq sièges parlementaires attribués à cette circonscription : un pour les grecs-orthodoxes, un pour les grecs-catholiques, un pour les maronites, un pour les arméniens-orthodoxes et un pour les arméniens-catholiques. Parmi eux, six seulement font partie de listes, soutenues l'une par la majorité et l'autre par le CPL et ses alliés. Le 14 Mars est ainsi représenté par Nayla Tuéni (grecque-orthodoxe, indépendante), Michel Pharaon (grec-catholique, indépendant) et Nadim Gemayel (maronite, Kataëb). Le CPL a, en principe, sur sa liste MM. Issam Abou Jamra (grec-orthodoxe, CPL), Nicolas Sehnaoui (grec-catholique, indépendant) et Massoud Achkar (maronite, indépendant et ancien compagnon de Bachir Gemayel) ou Antoine Klimos (ancien bâtonnnier).
Sur la liste du 14 Mars, le député-candidat Serge Ter Sarkissian est une constante. En cas d'accord avec le Tachnag, il reste possible que la majorité nomme le candidat arménien-catholique.
En l'absence d'un accord, le Tachnag nommera ses deux représentants sur la liste du CPL et les tractations devront se poursuivre entre les composantes chrétiennes du 14 Mars au sujet du candidat arménien-catholique. Pour l'heure, deux noms semblent en lice : celui de Sebouh Mekhejian, proche de Michel Pharaon, et celui de Paul Ariss, dont la candidature est fortement soutenue par le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, partant du principe que Beyrouth I, considéré comme un bastion des FL, devrait être représenté au Parlement par un candidat de ce parti.
Jusqu'à présent, le Tachnag n'a pas fait connaître le nom de ses candidats et les tractations se poursuivent entre lui et la majorité par le truchement du député Michel Murr. Deux représentants du parti ont tenu dimanche soir une réunion avec le député Michel Murr, lequel doit incessamment se rendre auprès du chef du Courant du futur, Saad Hariri. Le Tachnag souhaite pouvoir former au Parlement un bloc arménien, composé de quatre députés de son parti, les deux autres représentant les autres partis. La majorité est prête à laisser sur ses listes quatre places aux candidats du Tachnag, à Beyrouth II, au Metn et éventuellement à Zahlé ou à Beyrouth I, et à s'entendre avec lui au sujet de la formation d'un bloc arménien, mais à condition que celui-ci n'aille pas grossir les rangs des blocs parlementaires de l'opposition. Le 14 Mars souhaite qu'un éventuel bloc arménien adopte une position centriste.
Quoi qu'il en soit, la bataille promet d'être serrée, surtout si le Tachnag rejette l'offre de la majorité et surtout que les deux listes comportent parmi leurs membres des candidats ayant une forte assise populaire, consolidée au fil des années. Même si le découpage électoral est aujourd'hui différent des années précédentes, il est quand même intéressant de rappeler qu'aux élections de 2000 (leurs résultats restent plus significatifs que ceux de 2005 en raison des circonstances extraordinaires qui avaient marqué le dernier scrutin au cours duquel M. Pharaon et Mme Solange Gemayel avaient été élus d'office), MM. Michel Pharaon et Massoud Achkar avaient pu recueillir la majorité des voix chrétiennes d'Achrafieh, avec des pourcentages situés autour de 50 %. On se souvient que le nombre de voix obtenues par M. Pharaon était même supérieur, à l'époque, à celui du chef du Courant du futur, Rafic Hariri.
À Achrafieh, M. Pharaon avait obtenu 43 % des voix des votants grecs-orthodoxes, 58 % des voix des arméniens-orthodoxes (ce qui signifie qu'il a profité d'un report de voix du Tachnag), 47 % des voix des grecs-catholiques, 41 % des maronites, 82 % des sunnites, 52 % des arméniens-catholiques et 65 % des voix chiites.
Au même scrutin, M. Achkar avait obtenu 47 % des voix des votants grecs-orthodoxes, 52 % des voix des grecs-catholiques, 58 % des voix des maronites, 1,7 % des voix des sunnites, 46 % des voix des minorités, 49 % des voix des arméniens-orthodoxes, 50 % des voix des arméniens-catholiques et 4 % des voix des chiites.
La présence de M. Achkar sur la liste du CPL n'est apparemment toujours pas tranchée. Le courant du général Michel Aoun hésite toujours entre lui et l'ancien bâtonnier Antoine Klimos. Deux courants au sein du CPL militent chacun en faveur de l'un et de l'autre auprès du général Michel Aoun.
Comme la donne est aujourd'hui différente par rapport aux années précédentes, non seulement au niveau du découpage électoral mais surtout au niveau du climat politique dans lequel les élections se déroulent, les pronostics restent difficiles pour la plupart des candidats, dont certains se présentent pour la première fois aux législatives. Les pointages effectués par les uns et les autres montrent d'ailleurs par moments de légères différences dans les scores obtenus. Le retard dans l'annonce officielle de la liste du CPL serait ainsi attribué aux tractations en cours pour choisir les candidats à même de drainer le maximum de voix. C'est dans cette optique qu'il faut situer le choix, encore non officiel, de M. Issam Abou Jamra face à Nayla Tuéni, qui, en dépit de son jeune âge, bénéficie d'une grande sympathie parmi l'électorat chrétien proche du 14 Mars, ainsi que les tractations en cours au sujet du choix du candidat maronite sur la liste du CPL.
Traditionnellement, l'électorat chrétien de Beyrouth I reste sensible à diverses considérations, politiques et personnelles, qui déterminent son choix le jour des élections, ce qui n'est pas le cas bien sûr des votants politiquement engagés, mais ceux-là ne représentent pas la majorité. Le collège électoral d'Achrafieh, Rmeil et Saïfi est ainsi fidèle à ses représentants qui réussissent à tisser avec lui des liens étroits et solides au fil des années, ainsi qu'à ceux qui collent le plus à ses options nationales. Ce mélange du personnel et du politique, qui fait que beaucoup de votants forment leurs propres listes au lieu de se conformer à une seule, rend encore plus difficiles les pronostics. Il faudra ainsi attendre le verdict des urnes pour voir si les votants chrétiens d'Achrafieh, de Rmeil et de Saïfi sont restés indifférents ou non au passage de M. Achkar sur la liste du CPL, sachant que ce dernier continue de tenir un discours qui reste plus proche de celui du 14 Mars que de celui du CPL, notamment au sujet des armes des milices.
Comme Mme Solange Gemayel avait été élue d'office en 2005, il est difficile d'estimer le nombre de voix que le candidat Kataëb du 14 Mars pourrait obtenir, mais d'aucuns, dans les rangs de la majorité, soulignent la sympathie dont bénéficie le jeune Nadim Gemayel, notamment du fait du legs paternel. Quoi qu'il en soit, la configuration électorale de Beyrouth I reste sujette à des changements, ce qui explique le retard dans l'annonce des listes électorales. Le CPL était supposé annoncer dimanche ses listes, mais il a retardé l'échéance en attendant que le 14 Mars annonce les siennes.
À Beyrouth I, comme dans le reste des circonscriptions électorales à majorité chrétienne, le calme de la vie au quotidien détonne franchement avec la fièvre des contacts politiques engagés à un rythme frénétique, dans la perspective de la consultation populaire du 7 juin, et l'hyperactivité des machines...
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