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Liban - Hors piste

Anxiolytique régional et angoisses locales

Tout semble indiquer depuis plusieurs mois qu'une nouvelle ère se profile à l'horizon proche-oriental. À commencer par les changements majeurs apportés à la politique étasunienne dans la région par Barack Obama et son équipe auxquels la calamiteuse administration Bush a légué une Amérique essoufflée, tant au niveau politique que militaire et financier.
La volonté explicite de Washington de dialoguer ouvertement avec certains de ses adversaires dans la région, notamment la Syrie et l'Iran, ainsi que son engagement solennel à retirer ses troupes d'Irak à l'horizon 2011 sont d'autant plus susceptibles de modifier profondément la donne au Proche-Orient que les principaux protagonistes régionaux - la Turquie, l'Iran, Israël et dans une moindre mesure les Arabes - traversent des moments cruciaux, voire critiques de leur histoire.
Malgré la complexité et l'enchevêtrement des enjeux régionaux qui ouvrent la voie à toute sorte d'éventualités, le dialogue voulu par Barack Obama aura l'effet d'un baume calmant dans une région où les tensions et les divisions n'ont cessé de s'exacerber depuis le 11 septembre 2001. Sans trop verser dans l'optimisme, vu que ce processus pourrait marquer un simple intermède ou un fugace moment de répit, le dialogue régional prôné par la nouvelle administration américaine pourrait être fort profitable aux peuples de la région, et notamment à ceux d'entre eux que l'histoire a lustrés pour payer les prix des turbulences proche-orientales, à savoir les Libanais et les Palestiniens.
D'ailleurs, il semble que le tournant actuel de la politique américaine ait commencé à donner ses premiers fruits en catalysant, par le canal de ses effets d'annonce et de la reprise du dialogue syro-américain, des rapprochements interarabes, notamment entre la Syrie, d'un côté, et l'Arabie saoudite et l'Égypte, d'un autre. Lesquels rapprochements devraient être propices au maintien de la stabilité d'un Liban qui, en véritable caisse de résonance de la conjoncture régionale, a lourdement payé le prix de toute division dans les rangs arabes. Les affres vécues par la seule ville de Tripoli entre la fin des années 1980 et la veille de la formation du gouvernement actuel en témoignent.
Certes, l'expérience de la guerre du Golfe montre que toute convergence d'intérêts entre les États-Unis, leurs alliés arabes et la Syrie peut être pernicieuse pour la souveraineté et l'indépendance du Liban. La coalition majoritaire est donc appelée à davantage de vigilance aujourd'hui pour veiller, toutes proportions gardées, à ce qu'aucun compromis régional ne soit conclu au détriment de la souveraineté de l'État libanais, sans pourtant se laisser aller aux excès dévastateurs et suicidaires d'un général Aoun en 1989.
Il n'en reste pas moins qu'il est fort étonnant d'entendre, dans le sillage du Hezbollah, certaines voix railleuses, revanchardes, qui prétendent que la visite de Jeffrey Feltman à Damas ou la poignée de main entre le roi wahhabite et son homologue baassiste sont synonymes d'embarras pour la majorité et marquent le début d'une Berezina pour le projet souverainiste du 14 Mars, principalement dirigé contre la tutelle du régime syrien sur le Liban. Bien au contraire, si le processus de dialogue régional requiert de la part de la majorité une gestion plus nuancée de son discours sans avoir à en modifier l'essence, c'est bien pour le Hezbollah qu'il constitue la menace la plus grave car touchant de plein fouet ses intérêts stratégiques.
En effet, le contexte actuel n'est guère pareil à celui qui prévalait au début des années 1990. Et il est fort peu probable qu'à court terme, les États-Unis et l'Arabie saoudite se hasardent à sous-traiter de nouveau le Liban à une Syrie alliée des mollahs iraniens, non pas par amour désintéressé pour le pays du Cèdre, mais plutôt dans un souci stratégique de contrer toute influence de Téhéran sur les rives est de la Méditerranée.
Il est même possible que le dialogue en question puisse être bénéfique pour la souveraineté du Liban et pour le projet de l'État pour lesquels lutte le 14 Mars, s'il pouvait réduire les tensions entre sunnites et chiites et tranquilliser la rue arabo-musulmane. La majorité y aurait tout à gagner alors que le Hezbollah pourrait y perdre beaucoup.
Le parti de Dieu, lui, a besoin de la radicalisation de la rue pour pouvoir continuer à mobiliser massivement la communauté chiite derrière son fanion. Le Hezbollah a fort à craindre que, ne se sentant plus menacés par les autres communautés en cas de détente interarabe et intermusulmane à l'échelle régionale et donc locale, nombre de ses supporters non partisans ne se détournent de lui, préférant la culture de la vie à celle du vain martyre.
Au-delà de ces considérations, et même si les tensions entre chiites et sunnites restaient entières, le Hezbollah risque d'assister au cours des prochains mois à une dissociation entre le régime syrien et Téhéran, les Assad préférant bien entendu des relations privilégiées avec les États-Unis qui pourraient leur garantir la stabilité de leur régime au commerce douteux avec les voraces ayatollahs d'Iran. Cette dissociation est d'autant plus envisageable que le dialogue entre Damas et Washington pourrait déboucher sur des négociations syro-israéliennes directes parrainées par les États-Unis.
Bachar el-Assad a d'ores et déjà appelé à plusieurs reprises à de tels pourparlers. La satisfaction du souhait du chef du régime baassiste assènerait un coup dur à la crédibilité du Hezbollah et à sa logique de la résistance permanente. Comment le parti pourrait-il continuer à affirmer que la résistance armée est la seule stratégie de défense possible face à Israël, et que toute autre option est synonyme de haute trahison, si son principal allié stratégique se lançait dans des négociations en face à face avec l'ennemi honni, et de surcroît sans coup férir ? À moins que le parti n'ose accuser de félonie le régime des Assad...
Tout semble indiquer depuis plusieurs mois qu'une nouvelle ère se profile à l'horizon proche-oriental. À commencer par les changements majeurs apportés à la politique étasunienne dans la région par Barack Obama et son équipe auxquels la calamiteuse administration Bush a légué une Amérique essoufflée, tant au...
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