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La « wilayat el-fakih » et la lutte pour le pouvoir en Iran

La « wilayat el-fakih » et la lutte pour le pouvoir en Iran

Le système de la « wilayat el-fakih » et, surtout, son étendue sont loin de faire l'unanimité en Iran ou en Irak. Après la disparition de l'ayatollah Khomeyni, la République islamique iranienne a été le théâtre d'une sombre lutte pour le pouvoir qu'il n'est pas inutile d'évoquer en raison des retombées évidentes sur le Liban et la situation du Hezbollah.
« Dans la culture perse, il y a cette idée d'un "roi" divin qui remonte à l'empire (Shahinshah ou roi des rois), souligne Saoud el-Mawla. Cette idée s'est renforcée dans la pensée chiite iranienne avec la wilayat el-fakih ; c'est comme le césaro-papisme. Il y avait le chah et le fakih, le sultan et le fakih. Le chah Darius était en même temps un chef religieux. Cette idée n'a rien à voir avec le chiisme, ni d'ailleurs avec les chiites du Liban ou de l'Irak ou d'autres pays arabes. Même l'Iran ne peut pas poursuivre sur cette voie. L'Iran a été islamisée puis chiitisée par les Arabes, et a toujours entretenu une relation religieuse et culturelle avec Najaf. Elle ne peut pas continuer avec cette dictature despotique. La wilayat el-fakih a été introduite par Khomeyni suite à une grande révolution populaire. C'est comme la dictature des bolcheviques en Union soviétique ou le guide suprême Mao en Chine. Notons ici qu'au début, même Khomeyni n'a pas dit que le wali el-fakih a un pouvoir absolu. Il a conditionné ce pouvoir dans plusieurs secteurs et domaines. Il n'avait donc pas de pouvoir absolu. Il n'était pas, à titre d'exemple, le chef suprême de l'armée. Il devait aussi se référer au gouvernement ou au Parlement pour certaines décisions. Il devait se référer aussi au conseil des experts dans certains cas. »
« Une sorte de coup d'État a eu lieu avant la mort de Khomeyni quand le vice-fakih, qui était cheikh Montazari, a commencé à donner des cours (des conférences) à Qom pour souligner que la wilayat el-fakih devait être réduite, qu'il faut parler de la wilayat de la "oumma", ajoutant à ce propos que le fakih a instauré la Révolution islamique, l'État et le gouvernement, et que maintenant il faut retourner au peuple, aux élections, aux institutions. »
« Il y a eu alors une alliance entre le fils de Khomeyni, Ahmad, Hachemi Rafsandjani, le grand pragmatique, et Khamenei, poursuit Saoud el-Mawla. Ils ont fait un coup d'État contre Montazari, d'un côté, et contre ce qu'on appelait dans le temps la ligne de l'imam Khomeyni, qui était représentée surtout par Mohtachemi, Moussawi, Karroubi et par Mohammed Khatami, qui était l'un des grands dirigeants de la ligne de l'imam. Ils ont d'abord évincé Montazari par une fatwa de Khomeyni, dans une lettre de Khomeyni, considérant que Montazari n'était plus son successeur. Montazari était l'idole des chiites libanais. Le lendemain de cette fatwa, il n'y avait plus de Montazari au Liban. Mehdi Hachemi, un des grands leaders de la Révolution iranienne, qui était le responsable au sein des Pasdarans des mouvements de libération, dont le Hezbollah, a été exécuté en 1986. Il était proche de Montazari. Il n'y a pas eu un seul mot à ce propos au sein du Hezbollah. Il n'y a donc pas de débat politique, ils suivent les décisions du wali el-fakih. »
Et d'ajouter : « Au début de la révolution, Mahdi Bazerkan (le 1er Premier ministre) a été évincé du gouvernement, puis Aboul Hassan Bani Sadr (le premier président de la République). Talekani est mort en état d'arrestation à domicile, ainsi que Shariaat Madari. Mostapha Shomran a été tué. Qotb Zadeh a été exécuté. Les Moujahidi Khalq ont été tués par milliers, ainsi que les communistes, les libéraux, les nationalistes, etc. Il y a eu aussi à cette même période la fatwa contre Salman Rushdie pour exacerber la question culturelle et identitaire. À cette période, Khamenei a été élu wali el-fakih. Ils ont modifié la Constitution pour élargir les pouvoirs du wali el-fakih. Khamenei est devenu ainsi chef suprême de l'armée et il a bénéficié de beaucoup de pouvoirs qui n'existaient pas auparavant du temps de Khomeyni. Rafsandjani a été élu président. Ahmad Khomeyni est mort quelque temps plus tard. C'était les pragmatiques. C'était eux la droite à l'époque, contre la gauche. Ils ont acheté des armes d'Israël et conclu avec les Américains la Contra-gate. Les représentants de ce qu'on appelait la ligne de l'imam Khomeyni, Mohtachemi et Khatami, notamment, sont devenus après 96 les réformateurs. »
Et Saoud el-Mawla de conclure dans ce cadre : « Il n'est pas exclu que les élections présidentielles de 2009 débouchent sur une nouvelle surprise avec le retour des réformateurs du fait de l'alliance renouvelée entre Khatami et Rafsandjani. Le peuple iranien est un grand peuple. Comme le peuple libanais d'ailleurs. J'ai confiance dans le fait que le despotisme ne peut pas se maintenir longtemps si le peuple est décidé à vivre libre et dans la dignité. Il faut surtout ne pas oublier que les Iraniens sont nationalistes, chauvinistes, et pragmatiques... Cela vise mes amis du Hezbollah à qui je dis : Faites attention aux bouleversements prochains... Ne soyez pas le bouc émissaire d'un accord syro-israélien ou irano-américain... »
Le système de la « wilayat el-fakih » et, surtout, son étendue sont loin de faire l'unanimité en Iran ou en Irak. Après la disparition de l'ayatollah Khomeyni, la République islamique iranienne a été le théâtre d'une sombre lutte pour le pouvoir qu'il n'est pas inutile d'évoquer en raison des...