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Liban - Société

Cessez-le-feu à Gemmayzé : jeudi soir, c’est non fumeur

Deux associations de jeunesse ont réussi à persuader les restaurants et les pubs de Gemmayzé d'interdire la cigarette pendant une soirée, le jeudi 19 février. C'est peut-être un premier pas vers un mouvement d'une plus grande ampleur.
L'épais nuage de pollution qui flotte au-dessus de Beyrouth a des centaines de petits frères dans les restaurants, les cafés et les pubs de la capitale, où les fumeurs laissent sans scrupule la fumée de leurs cigarettes voler vers le plafond - et vers les poumons de leurs voisins. Enfants, personnes âgées, asthmatiques, tout le monde y a droit : le tabagisme passif est un fléau au Liban comme ailleurs dans le monde arabe. Depuis des années, des voix s'élèvent pour réclamer justice, entre deux quintes de toux. Elles ont réussi à faire changer la loi dans la plupart des pays d'Europe occidentale et d'Amérique du Nord, bannissant le tabac des lieux publics. Ici, on leur fume au nez : il y a des problèmes plus importants à régler, on peut donc laisser la population suffoquer en attendant.
J'ai rencontré Nadine Arwachan et Ingrid Karam au café Starbucks de la place Sassine, un des rares cafés de Beyrouth où il est interdit d'allumer une cigarette. Les associations dont ces jeunes filles font partie, Rotaract Beyrouth et Rotaract Sahel-Metn, ont réussi un exploit : jeudi soir, la majorité des établissements de Gemmayzé demanderont à leurs clients d'entrer sans fumer. Vous pourrez manger dans un des nombreux restaurants de la rue, puis aller boire un verre dans votre pub préféré, comme n'importe quel soir de la semaine... Avec une différence importante : en rentrant chez vous, vous n'aurez pas les yeux qui piquent, la gorge sèche, et les vêtements parfumés au cendrier.
« Nous avons choisi Gemmayzé pour des raisons évidentes, explique Nadine. De nombreux restaurants et cafés se concentrent dans cette rue, et c'est le grand rendez-vous de la vie nocturne à Beyrouth. Ça nous a permis d'être plus efficaces pour convaincre les gérants de participer à l'opération, et ça donnera une certaine unité à l'opération. » Pendant plusieurs semaines, une vingtaine de membres des deux associations sont allés frapper aux portes des établissements de la rue pour proposer leur idée d'une soirée sans tabac. Certaines enseignes, comme Gauche Caviar ou Bar Louis, ont immédiatement refusé : elles sont sponsorisées par des marques de cigarette, et peuvent difficilement mettre à la porte leur poule aux œufs d'or. La plupart des autres, en revanche, se sont montrées plus coopératives.
« Nous avions pour atout de compter dans notre groupe quelques fumeurs, raconte Nadine. Ils pouvaient témoigner devant les responsables des établissements, leur montrer que même les fumeurs voient les avantages d'une soirée sans tabac ! » Interrogés un samedi soir dans un des bars les plus populaires de la rue, plusieurs consommateurs se disent favorables à l'idée d'interdire la cigarette dans les lieux publics - même si aucun ne pense qu'une telle loi puisse voir le jour dans les prochaines années. Bizarrement, ce sont les fumeurs qui affichent le plus d'enthousiasme, sans doute pour faire preuve de bonne volonté. « J'ai envie d'arrêter, explique Chadi, 24 ans, qui a enchaîné trois cigarettes pendant notre conversation. Mais avec tout le monde qui fume autour de moi, ce n'est pas facile. Si c'était interdit, ça serait parfait : on ne pourrait plus céder à la tentation, et il n'y aurait pas l'odeur du tabac pour nous rappeler qu'on en a envie. »

Le gouvernement absent
Le gouvernement ne fait aucun effort visible pour améliorer la situation. Les messages de dissuasion imprimés sur les paquets de cigarettes sont si petits qu'ils sont à peine lisibles, le prix de ces paquets est scandaleusement faible, et les publicités pour le tabac sont omniprésentes - dans certains bars, des écrans diffusent en boucle le nom des marques qui sponsorisent leurs soirées. Dans les entreprises, nombreux sont les non-fumeurs qui doivent accepter de travailler dans des salles à l'air irrespirable : ils préfèrent ne pas se plaindre pour maintenir une ambiance cordiale dans leurs bureaux. Certains employés ont réussi à obtenir des interdictions de fumer sur leur lieu de travail, ou au moins un espace réservé - c'est le cas dans la salle de rédaction de votre journal.
Quant aux restaurants, ils ne sont pas près de franchir le pas. À Beyrouth, quelques cafés interdisent la cigarette : c'est le cas des établissements de la chaîne Starbucks, qui pratique cette politique partout dans le monde, ou encore du café Younès, dans une rue perpendiculaire à Hamra. D'autres délimitent un petit espace sans tabac, souvent près des cuisines ou des toilettes. Les pubs de Gemmayzé, où la jeunesse de Beyrouth sacrifie ses week-ends et son argent, restent entièrement dédiés aux fumeurs - sauf le Godot, un soir par semaine.
Plus de trente établissements de Gemmayzé ont accepté de participer à l'opération organisée par les deux Rotaract, ce jeudi 19 février - le chiffre aurait sans doute été moins élevé un vendredi ou un samedi soir. Il reste à espérer que les clients seront au rendez-vous. Venez nombreux, le succès de cette soirée ne pourra qu'encourager le mouvement et faire éteindre un peu plus de cigarettes.
L'épais nuage de pollution qui flotte au-dessus de Beyrouth a des centaines de petits frères dans les restaurants, les cafés et les pubs de la capitale, où les fumeurs laissent sans scrupule la fumée de leurs cigarettes voler vers le plafond - et vers les poumons de leurs voisins. Enfants, personnes âgées, asthmatiques, tout le monde y a...
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