Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

La colère des sots

Je sais que les tempêtes imbéciles ne se calmeront jamais chez nous. La dernière en date, comme nous le voyons tous les matins dans nos journaux, concerne cette polémique infantile sur la formation éventuelle d'un « bloc du centre » en vue des prochaines élections législatives.
Se trouvera-t-il, dans ce non-État, quelqu'un de suffisamment sensé pour m'expliquer le « pourquoi » de pareille controverse ? Au nom de quel principe empêcherait-on un citoyen anonyme, sans peur ni reproche, au casier judiciaire vierge, de prétendre proposer sa candidature au service de la communauté, en se présentant au suffrage direct sur une liste dite « indépendante » ? Et si, de plus, d'autres petits malins, encore que plus ou moins bien intentionnés, s'avisaient d'emprunter le même chemin avec l'idée de se regrouper... et de créer l'événement, peut-on me dire où se nicherait le péché contre la raison, s'ils pouvaient former ensemble un bloc « nouveau venu » dans l'Assemblée nationale ?
Nouveau venu ? Plutôt bien venu, si je sais encore m'exprimer. Nous connaissons parfaitement les motifs non avoués de tous ceux qui orchestrent le tollé protestataire. Car il est vrai que jouer un jeu électoral tricéphale revient à déstabiliser sans aucun doute les deux tendances exclusives qui hantent aussi tragiquement la vie quotidienne du Libanais. Là se trouve précisément le nœud qu'il serait souhaitable de trancher. Sans compter que, ressorts cachés ou pas, comme ils disent, c'est bien là qu'il faut reconnaître la spécificité de la mécanique démocratique. Il y a bientôt quatre longues et pénibles années que nous assistons aux irrecevables déchirements que nous font endurer les deux courants des prétendus « pro et antisouverainistes », qualificatifs alternativement assénés par les uns contre les autres, au point de nous en donner la nausée.
Nous savons tous, sans être devins ni politologues, que ces gens-là, à travers leurs beaux discours, ne « peignent que leur barbe », pour utiliser la savoureuse image des dictons populaires libanais. Je suis certain que la majorité de mes concitoyens en est pleinement consciente. Dans ce cas, qu'attendons-nous pour nous révolter, au moins une fois tous les quatre ans, et pour décréter un véritable vote de sanction à l'égard de toute la classe qui n'a cessé d'opprimer ce malheureux Liban depuis son indépendance.
Que de fois n'ai-je entendu, un peu partout, ce genre de récrimination de la part de l'homme de la rue ! Voilà pourquoi ce qui m'agace le plus chez nous, c'est le manque de réaction, cette léthargie du Libanais, dès lors qu'il s'agit d'aller voter. L'un des avantages d'une démocratie, par ailleurs si vermoulue, n'est-il pas précisément de pouvoir « marquer le coup », ne serait-ce que pour le principe, quitte à ne constater aucun changement valable dans l'immédiat ?
Mais si, à force de le suggérer, de le répéter, de le forcer, en étalant publiquement des opinions dont nous n'avons pas à avoir honte, on finissait par constater un jour que la cuirasse du conservatisme, du parti de droit divin, du député intouchable, héritier béat de prédécesseurs incompétents, pourrait être percée par le sursaut de conscience que je propose ici, que pensez-vous qu'il adviendrait ? Nous y aurions certainement quelque chose à gagner et absolument rien à perdre. Est-il possible, en effet, qu'un « nouveau-venu » soit encore plus médiocre que celui dont il aurait pris la place ? J'en doute fort, vu la coriace insertion des tares dont nous n'avons pas fini, depuis un siècle, de comptabiliser les dommages.
Alors laissez-moi vous convier, chers lecteurs, à ce changement d'aiguillage. Laissez-moi vous encourager, vous supplier d'aller voter cette fois pour tout candidat neuf, ou même pour tout candidat qui aurait eu le courage de dénoncer ses propres précédents engagements envers ceux que l'on étiquette telle une vulgaire marchandise en les désignant par un chiffre : 8 et 14 Mars.
Se dessine fatalement, comme vous le voyez, la liste de ceux que l'on qualifie déjà de « bloc du centre ». Un bloc, au demeurant, qui viendrait renforcer harmonieusement la ligne sage de notre providentiel président actuel, Michel Sleiman.
Oui, carrément, sans aucun complexe ni état d'âme, j'invite mes amis et tous ceux qui, par hasard, me liront, à se préparer à voter pour le candidat qui s'affichera indépendamment des courants et des formations traditionnelles, lesquels se dépêchent à chaque fois de se doter d'un titre ou d'un programme pour l'oublier aussitôt les élections terminées.
Que les deux fractions rivales qui s'entre-déchirent en ce moment se rassurent. Leurs représentants continueront de siéger copieusement sur la plupart des strapontins. Mais (c'est ce qui doit nous consoler), ils ne pourront plus nous tyranniser avec leurs slogans ronflants et leurs sinistres menaces. Telle est la seule solution pour que nous soyons exorcisés.
Vous me direz que le Libanais est imprévisible et fourbe. Et que les innocents mêmes peuvent se métamorphoser en ingénus. Mais le moyen de faire autrement ? C'est un risque à courir, puisque, de toute façon, nous serions perdants.
Aussi, autant envers les hypocrites farceurs que contre les faux défenseurs d'une probité nationale qui s'échinent en ce moment, dans leurs déclarations sournoises et parfaitement stupides, à décourager toute entreprise du genre, je me fais ici l'apôtre de cette éventualité qui rétablirait logiquement un équilibre nécessaire et renforcerait par nature un président que la Providence nous a octroyé. Au grand dam de ceux qui en convoitaient le poste et qui avaient si dramatiquement retardé un tel avènement.
Les élections du printemps qui vient doivent créer un véritable renouveau, dût-il se révéler coup d'épée dans l'eau.
Moi, en tout cas, j'en garde l'espoir, rien qu'à constater combien le Liban, malgré l'enfer qu'il a traversé, aura été épargné en permanence depuis cent ans et miraculeusement protégé par une main divine dont nous ne mériterions pas d'évoquer le nom.

Louis INGEA
Je sais que les tempêtes imbéciles ne se calmeront jamais chez nous. La dernière en date, comme nous le voyons tous les matins dans nos journaux, concerne cette polémique infantile sur la formation éventuelle d'un « bloc du centre » en vue des prochaines élections législatives.Se trouvera-t-il, dans ce...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut