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Initiative Pas de barreaux pour la créativité Colette KHALAF

Les prisonniers de Roumieh présentent huit performances de la pièce théâtrale « 12 Libanais en colère »* sur les lieux mêmes de leur détention. Une manifestation novatrice qui a pour but la réinsertion des détenus et la révision de certaines règles d’incarcération. À l’initiative de Zeina Daccache, directrice exécutrice de « Catharsis » (Centre libanais de Drama Therapy fondé en 2007), le projet, soutenu par l’ADDL (Association pour la défense des droits et des libertés), s’insère dans le cadre du programme Afkar 2. Sous la direction d’Omsar (Département du ministère de la Réforme administrative) et en collaboration avec le ministère de l’Intérieur et des municipalités, ainsi que le ministère de la Justice, ce projet a été financé par l’Union européenne sans laquelle il n’aurait pas vu le jour. C’est avec beaucoup d’enthousiasme que la comédienne, célèbre pour ses prestations comiques à la télévision (dans le rôle d’Iso) et dramatiques au théâtre, raconte la création de ce projet à but plus humain qu’humanitaire. Ayant poursuivi des études scéniques à l’USJ et à l’école Philippe Gaulier (une école internationale à Londres), Zeina Daccache réalise que le théâtre n’a pas seulement pour objectif de plaire et de divertir le public, mais il peut également viser à réhabiliter certaines couches marginales de la société, comme les toxicomanes et les enfants de la rue. De retour au Liban, la jeune artiste travaille six ans à l’association Oum el-Nour et suit les cours de « dramathérapie » qui consiste à mêler le théâtre à la vie, pour enfin devenir membre de la National Dramatherapy aux États-Unis. « Pour s’extérioriser, le patient s’exprimerait ainsi sur scène », explique Daccache. « C’est ainsi, poursuit-elle, que j’ai monté une pièce pour Oum el-Nour. Plus tard, après la guerre de 2006, l’Union européenne offrait des fonds aux personnes qui avaient un projet concernant des lois, des changements à entreprendre et d’autres initiatives. N’ayant pas personnellement une association, je présentais mon dossier en collaboration avec celle du député Ghassan Moukhaiber pour la défense des droits et des libertés (ADDL), regroupant d’autres noms, notamment celui du ministre Ziad Baroud et, pour notre grande joie, nous avons été sélectionnés. » Les conditions étaient spécifiques. Le projet dont l’aboutissement nécessiterait quinze mois devait, au bout du compte, se matérialiser par un spectacle sur le lieu même de la détention. Dès ce jour, Zeina Daccache s’appliquera à monter une équipe (où les défections seront nombreuses, vu les conditions de travail). « Nous sommes tous des cobayes dans cette création théâtrale, dit Daccache. Nous expérimentons quelque chose de nouveau et nous espérons réussir. » Spectacle cathartique Douze Libanais en colère est l’adaptation de la pièce de Reginald Rose Twelve Angry Men et réalisée à l’écran par Sydney Lumet. Un jury doit statuer sur le cas d’un jeune homme accusé du meurtre de son père. Onze des douze jurés le croient coupable, mais le douzième a des doutes et va faire changer d’avis les onze autres. Un huis clos où les protagonistes devront révéler leur part de personnalité, leurs préjugés et leur paresse intellectuelle, et où ils seront incités à se montrer à la hauteur de leur tâche. Quel défi pour Zeina Daccache de pouvoir mettre des criminels d’ordre commun dans la peau des jurés. Certains diront qu’ils ont trouvé cela étrange, mais qu’ils ont réussi à dépasser cet obstacle. Un travail qui a nécessité plus de cinq heures par jour, où les détenus devront faire face à des situations étranges comme la discipline et la créativité. « Une étude sur le corps, l’allure, la démarche, une intériorisation sur l’enfant et l’adulte qui se trouvent en eux et puis une projection dans les rôles qui leur ont été donnés, voilà les bases de cette « catharsis ». Zeina Daccache poursuit : « Deux cents demandes nous ont été soumises et j’ai dû en choisir quarante en leur distribuant différentes tâches, comme l’éclairage ou le décor. » S’attend-elle à des résultats après cette expérience collective ? Pour Daccache, les conditions de vie dans cette prison sont efficaces pour la punition, mais non pas pour ramener un homme à la raison car derrière ces barreaux, il y a peu d’activités et comme dit l’adage : « La paresse est la mère de tous les vices. » « Ces hommes ont été soumis à une forte tension. Ils se doivent de se surpasser. Ayant au préalable peu de confiance en eux-mêmes, ils se sont souvent remis en question et se sont interrogés sur le but de cette création artistique. Pour ma part, j’ai eu certains doutes en cours de route, souligne-t-elle. Mais l’important, c’est qu’aujourd’hui nous sommes au bout de nos peines et même si la pièce n’aura pas réussi à les transformer à 100% (car chacun se transforme quelque part), elle aura quand même été un bond vers quelque chose de meilleur. Aussi, c’est par la fréquence de tels projets que les résultats se verront démultiplier. » Et de conclure : « Nous avons réellement besoin de fonds pour aider ces personnes à remonter la pente. » La pièce est ouverte au public. En raison des places limitées, la priorité sera donnée aux députés, ministres, juges, avocats, médias, ONG, parents des détenus, enseignants et tous ceux qui peuvent opérer un changement dans le vécu de ces personnes. * « 12 Angry Lebanese » (Douze Libanais en colère) sera présentée à partir du 7 février jusqu’à fin mars à la prison de Roumieh. Huit séances en tout, les samedis de 15h00 à 17h00. Pour plus d’informations sur les conditions d’accès à la prison, appeler le 03/162573, vingt jours avant la date choisie.
Les prisonniers de Roumieh présentent huit performances de la pièce théâtrale « 12 Libanais en colère »* sur les lieux mêmes de leur détention. Une manifestation novatrice qui a pour but la réinsertion des détenus et la révision de certaines règles d’incarcération.
À l’initiative de Zeina Daccache, directrice exécutrice de « Catharsis » (Centre libanais de Drama...