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Actualités - OPINION

Perspective De Gaza à Beyrouth

par Michel Touma Deux discours diamétralement opposés ; deux visions radicalement différentes des enjeux régionaux, et de l’homme ; deux approches politiques aux antipodes l’une de l’autre ; deux projets de société fondamentalement inconciliables… Au Liban, comme sur la scène palestinienne, des propos tenus ces derniers jours par des acteurs de la vie publique ont parfaitement illustré un tel antagonisme de plus en plus tranché. Faisant preuve d’un indéniable sens des responsabilités face au drame de Gaza, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas déclarait sans ambages, samedi, à Charm el-Cheikh : « La résistance n’est pas une fin en soi (…). Si la résistance devait aboutir à l’annihilation du peuple (palestinien), nous n’en voulons pas. » Cette position audacieuse, accompagnée d’une réaffirmation de l’option stratégique de paix, contraste fortement avec le jusqu’au-boutisme aveugle des dirigeants du Hamas, qui, dès les premiers jours de l’offensive israélienne, affichaient leur détermination à poursuivre la lutte armée même au prix de la destruction de Gaza et de la perte de très nombreuses vies humaines. « Nous ne céderons pas, même si Israël annihile Gaza », déclarait Ismaïl Haniyeh, le soir des premiers bombardements israéliens. « De nouveaux martyrs et blessés pourront tomber, avait-il ajouté, le nombre d’orphelins et de mères éplorées augmentera, mais Gaza ne tombera pas. » Au plan strictement libanais, la commémoration de la Achoura a fourni l’occasion d’illustrer un clivage existentiel tout aussi grave. Dans ses interventions retransmises sur écran géant, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, axait ainsi son propos sur les attaques soutenues contre l’Égypte, réaffirmant que l’option de la résistance populaire était la seule acceptable et soulignant – balayant ainsi de la main la table de dialogue sous l’égide du chef de l’État – que les événements de Gaza et l’expérience de la guerre de juillet 2006 avaient pratiquement clos le débat sur la stratégie de défense ! En clair, le leader du parti chiite mettait une fois de plus en relief ses orientations supranationales, plaçant le Liban au cœur d’une vaste et implacable confrontation jusqu’au-boutiste régionale et internationale, aussi bien politique que militaire, ayant Téhéran comme catalyseur et faisant fi (par essence) des intérêts spécifiques et des réalités particulières du pays du Cèdre. À l’opposé, une autre commémoration de la Achoura, celle d’un courant chiite libaniste et souverainiste (l’Option libanaise d’Ahmad el-Assaad), était marquée par un discours reflétant une vision radicalement différente de l’enjeu proche-oriental, du rôle et de la mission du Liban, des valeurs humaines, de la vie, de l’homme… « Nous sommes des chiites libanais dont l’allégeance et l’appartenance vont au Liban uniquement, déclarait Ahmad el-Assaad. (…) Il faut que l’État soit le détenteur exclusif de la décision de guerre et de paix. » Et de prôner une « résistance culturelle et sociale, fondée sur le savoir, la connaissance, la science et l’éducation, comme l’aurait voulu l’imam Ali, et dans l’esprit de l’imam Moussa Sadr et de l’imam Mohammad Mehdi Chamseddine ». Et de souligner aussi que « la véritable pensée chiite est celle de l’ouverture sur toutes les civilisations, y compris sur l’Occident ». De tels propos reflètent une culture de paix qui n’est pas sans rappeler le discours de paix tenu aussi par Mahmoud Abbas. Ils rejoignent également l’esprit de la conférence internationale sur le dialogue des religions et des civilisations, qui s’est tenue récemment à New York, à l’initiative du roi d’Arabie saoudite et à laquelle a participé le président Michel Sleiman. En réalité, le Liban et l’ensemble de la région du Moyen-Orient sont confrontés aujourd’hui à deux projets politiques géostratégiques, deux projets de société, que rien, ou très peu de choses, ne rassemble. L’un place l’homme (dans toute sa dimension), l’ouverture sur l’autre, le dialogue, la culture de la paix, les valeurs humanistes, les pratiques démocratiques au cœur de ses options fondamentales. Et le second ne perçoit le monde, la chose publique, la politique, les enjeux de société que sous l’angle d’un bras de fer militaire avec Israël, ou politique avec la plupart des pays arabes et le monde occidental, États-Unis en tête. Ce projet, piloté par l’axe syro-iranien et ayant pour principaux instruments le Hezbollah et Hamas, est celui de la confrontation globale et ouverte… Sans horizons. Une telle vision a d’ailleurs été explicitement évoquée par le président du Conseil supérieur de la Sécurité nationale en Iran, Saïd Jalili, lors de sa récente visite à Beyrouth. « La scène internationale, a-t-il déclaré sur ce plan, est divisée aujourd’hui en deux fronts. Le premier regroupe toutes les masses de par le monde, abstraction faite des divergences ou des dissonances religieuses, communautaires, nationales ou ethniques. Ce front humanitaire et populaire a un seul souci, celui d’exprimer sa sympathie à l’égard des opprimés qui sont la cible d’attaques sauvages. Quant au front adverse, il regroupe des personnes, des courants, des gouvernements et des régimes qui ont recours aux plus hautes instances et organisations internationales, sous le couvert des droits de l’homme, dans le but de régler les problèmes. » Confrontation globale et sans horizons v/s culture du dialogue et de la paix : l’alternative ne se pose donc pas uniquement au Liban, mais également à l’échelle de la région. Rien d’étonnant de ce fait que les alliés les plus fidèles de la Syrie et de l’Iran aient formulé de sévères critiques à l’égard de la conférence de New York sur le dialogue des civilisations, sans épargner au passage le président Sleiman pour sa participation à cette rencontre. Quant au plan strictement local, le clivage suscité par cette alternative s’approfondit de jour en jour, depuis près de trois ans, sous les coups de boutoir successifs du Hezbollah. À la faveur des prochaines échéances qui pointent à l’horizon, il reviendra aux Libanais de faire leur choix. Un choix de société, en tous points historique ¦
par Michel Touma

Deux discours diamétralement opposés ; deux visions radicalement différentes des enjeux régionaux, et de l’homme ; deux approches politiques aux antipodes l’une de l’autre ; deux projets de société fondamentalement inconciliables… Au Liban, comme sur la scène palestinienne, des propos tenus ces derniers jours par des acteurs de la vie publique ont parfaitement...