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Télécoms Privatisation du cellulaire : encore une occasion manquée Sahar AL-ATTAR

En bloquant la privatisation de la téléphonie mobile pour des raisons politiques, le Liban a raté l’opportunité d’améliorer le profil de sa dette, au moment où les liquidités abondaient sur le marché. L’une des conséquences de la crise financière sur le Liban dont on parle le moins est le report de la privatisation des deux réseaux cellulaires. Annoncé officiellement par Fouad Siniora lors du débat de politique générale au Parlement, cet ajournement n’a évidemment étonné personne, tant la rengaine des privatisations a été répétée ces dernières années. Mais pour une fois, le report est justifié économiquement. Même si le secteur de la téléphonie mobile au Liban continue d’être alléchant, étant donné le potentiel d’un taux de pénétration de 33 %, la crise financière a drastiquement réduit l’appétit pour le risque. D’une part, les crédits seront plus difficiles et plus coûteux à obtenir pour les investisseurs potentiels. D’autre part, à voir les performances boursières des principales compagnies de télécoms dans la région depuis le déclenchement de la crise, l’introduction en Bourse du tiers du capital des deux sociétés, comme prévu dans le schéma actuel des privatisations, ne pourra pas se faire dans des conditions optimales. Il n’en fallait pas plus pour dissuader le gouvernement de s’y aventurer. Mais cet énième report a un coût, en termes d’opportunités. « Cela fait sept ans que cette opération est retardée pour des raisons politiques. Si elle avait été menée en 2003, la dette n’aurait pas été ce qu’elle est aujourd’hui », affirme d’emblée le chef du département de recherche à la Byblos Bank, Nassib Ghobril. Mais même sans revenir aussi loin, le manque à gagner est considérable. En 2007, au moment où les liquidités du pétrole abondaient dans la région, un rapport du Crédit suisse prévoyait entre 5 et 7 milliards de dollars de recettes provenant de l’opération. « Contrairement à ce que l’on croit, ce montant n’aurait pas été négligeable même par rapport à une dette de plus de 44 milliards de dollars », souligne Nassib Ghobril. Selon lui, plus que le montant total de la dette, les agences de notation regardent surtout celui de la dette en devises. « Car il est plus facile d’imprimer de la livre que de trouver des devises », explique-t-il. La dette en devises représente près de 48,3 % de la dette totale, soit environ 21,5 milliards de dollars fin juin (derniers chiffres disponibles). Sur cette somme, plus de 35 % sont constitués de prêts bilatéraux, ou de souscriptions aux eurobonds dans le cadre de Paris II et Paris III. Les eurobonds effectivement traités sur le marché ne représentent ainsi que quelque 13,9 milliards de dollars, dont 76 % sont détenus par les banques commerciales. « La privatisation aurait ainsi permis de réduire de moitié les eurobonds échangeables sur le marché, où les risques sont plus élevés, poursuit M.Ghobril. Cela n’aurait pas drastiquement réduit le poids de la dette, mais cela aurait certainement amélioré son profil. « Pour les agences de notation, une baisse de moitié du marché des eurobonds aurait été presque aussi importante qu’une réduction du ratio de la dette sur le PIB », ajoute-t-il. Et même ce ratio aurait pu être amélioré, si la privatisation avait eu lieu au bon moment (et dans les bonnes conditions). Le ratio de la dette sur le PIB peut en effet être amélioré par une baisse de la dette, mais aussi par une hausse du PIB. Selon le président de l’Autorité de régulation des télécommunications, Kamal Chéhadé, une hausse du nombre d’abonnés au cellulaire de 10 % aurait généré 1 % de PIB supplémentaire. Mais pour augmenter la pénétration, il faut investir dans la capacité et la qualité des réseaux existants, avant de baisser les prix. Or, d’un côté, la croissance vertigineuse de la dette et de son service a réduit les marges de manœuvres de l’État en termes d’investissement et accru sa dépendance aux recettes des télécoms. D’un autre côté, les promesses de privatisations ont découragé les gouvernements successifs à allouer les budgets nécessaires à ce secteur vital pour l’économie. Résultat : le taux de pénétration stagne depuis des années. Et aujourd’hui, l’occasion de privatiser n’est pas près de se reproduire, du moins à court terme. En attendant, le ministre Gebran Bassil tente de développer la capacité du réseau avec les moyens du bord. Mais ces moyens ne sont certainement pas à la hauteur des besoins.
En bloquant la privatisation de la téléphonie mobile pour des raisons politiques, le Liban a raté l’opportunité d’améliorer le profil de sa dette, au moment où les liquidités abondaient sur le marché.
L’une des conséquences de la crise financière sur le Liban dont on parle le moins est le report de la privatisation des deux réseaux cellulaires. Annoncé officiellement par Fouad...