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Actualités - REPORTAGE

Reportage À Bagdad, les femmes ont rempli les églises à Noël

Sundus Boutros, une pharmacienne qui a refusé de suivre ses trois frères sur le chemin de l’exil malgré le rapt de l’un d’eux, a célébré Noël avec ses deux enfants à l’église de la Vierge-Marie-du-Sacré-Cœur, érigée dans un ancien antre de la rébellion chiite à Bagdad. Ici, comme dans la majorité des 35 églises ouvertes jeudi dans la capitale irakienne, ce sont essentiellement des femmes et des enfants qui sont venus communier. Maquillées avec soin, visiblement ravies de se retrouver, elles ont rivalisé d’élégance et leurs cheveux étaient recouverts d’une mantille blanche ou noire. « Beaucoup d’hommes ont été kidnappés, tués ou sont au chômage depuis 2003. Alors ils quittent l’Irak pour gagner leur vie et faire venir ensuite leur famille », explique Mme Boutros. En 2006, alors que le pays sombrait dans le chaos, un de ses frères a été enlevé. « Les ravisseurs ont réclamé 30 000 dollars et nous avons payé. Puis mes trois frères sont partis aux États-Unis ou en Syrie », confie cette femme. Elle et son mari, médecin, ont tenté leur chance à Damas, mais en raison d’un problème d’équivalence de leurs diplômes ils n’ont pu travailler et sont revenus. Avant 2003, il y avait 400 000 chrétiens à Bagdad. Il n’y en a plus que la moitié, selon Mgr Shlimoun Wardouni, coadjuteur du patriarche chaldéen. Dans son diocèse, la population chrétienne a fondu de moitié en 10 ans et il ne reste plus que 400 familles. Dans son bureau, où figure en bonne place sa photo avec le pape Benoît XVI à Rome, Mgr Wardouni tente de retenir ses brebis. « Nous ne voulons pas que les chrétiens quittent l’Irak. C’est notre maison. Nous sommes ici depuis 2 000 ans, depuis l’évangélisation de la contrée par saint Thomas », explique-t-il. La Mésopotamie, berceau de l’actuel Irak, n’a été islamisée qu’au VIIe siècle. « Nous, chrétiens, sommes là pour témoigner, mais les gens sont fatigués et ils ont peur d’être tués », ajoute-t-il. En face de l’église, érigée il y a 40 ans, s’est construite récemment une mosquée chiite dans un ancien bâtiment du parti Baas de Saddam Hussein. « Dès que nous sonnons la cloche ou que la messe commence, le muezzin réplique en psalmodiant à plein poumon des sourates du Coran », assure Wassim, qui ne donne pas son nom de famille. « Regardez ce qui s’est passé à Mossoul, ils (les musulmans) ne veulent plus de nous et je suis convaincu que le jour où mon patron trouvera un musulman capable de faire mon travail, il me remplacera sans état d’âme », ajoute-t-il. Il n’est pas le seul à vouloir quitter ce qui fut un berceau du christianisme. Patron d’un magasin de jus de fruits, Sami Thaïr pense rejoindre sa famille en Suède. Sa femme et sa fille ont quitté le pays quand son magasin dans le centre-ville a été plastiqué. Il a été souvent menacé par des islamistes et il a échappé à un enlèvement. « La sécurité est si mauvaise et c’est devenu si difficile de vivre ici. Tout ça parce que je suis chrétien », dit-il nerveusement. Depuis 2003, plus de 200 chrétiens ont été tués en Irak. Dernièrement, Mossoul est particulièrement visée. À l’automne, 12 chrétiens ont été assassinés, créant un mouvement de panique sans précédent au cours duquel 2 500 familles sont parties. Certaines sont revenues, mais la peur n’a pas été effacée. « La joie cette année est ternie par le fait que beaucoup de chrétiens ont quitté leur maison », dit Firas Riyad, un avocat. « Malgré tout, nous allons accrocher un sourire à notre visage et mettre de côté nos souffrances », ajoute-t-il. À Tal Kayf, une ville de 190 000 habitants en majorité chrétiens près de Mossoul, un carnage a été évité mercredi, quand les artificiers de la police ont détruit une voiture bourrée d’explosifs garée dans le quartier chrétien, renforçant la peur qui étreint cette communauté. Benjamin MORGAN (AFP)
Sundus Boutros, une pharmacienne qui a refusé de suivre ses trois frères sur le chemin de l’exil malgré le rapt de l’un d’eux, a célébré Noël avec ses deux enfants à l’église de la Vierge-Marie-du-Sacré-Cœur, érigée dans un ancien antre de la rébellion chiite à Bagdad. Ici, comme dans la majorité des 35 églises ouvertes jeudi dans la capitale irakienne, ce sont...