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Actualités - OPINION

Conscience à vendre Le point de Christian Merville

Un gouverneur décide de mettre aux enchères (presque) publiques le siège de sénateur, vacant depuis l’élection de Barack Obama à la tête de l’unique superpuissance mondiale. Puis, confronté à l’énorme scandale né de cette affaire, il refuse de démissionner, affirmant n’avoir rien commis de répréhensible. À l’autre bout de l’échiquier, un financier véreux avoue la sublimation soudaine autant qu’incompréhensible de 50 milliards de dollars à lui confiés par des jobards gloutons au-delà de toute mesure, sans doute attirés par le ramage de l’homme et sa réputation de Père Vertu – après tout, n’a-t-il pas été, un temps, président du respectable Nasdaq, fleuron d’un univers tout entier dédié au veau d’or ? Rien de commun entre ces deux sujets, sinon le parfum de soufre qui s’y rattache. Si, quand même : tous deux sont le désolant aboutissement d’une voie – d’une impasse, devrait-on dire – dans laquelle la société s’est engagée, ignorant les risques pour n’entrevoir, alouette fascinée par le miroir, que les bénéfices, au nom de la formule qui fait florès de nos jours : « Anything for a Buck. » D’ailleurs, ledit gouverneur lui-même avait affirmé à un interlocuteur qui l’appelait sur son portable – appel dûment enregistré : « Je veux faire de l’argent. » On ne manquera pas de relever au passage que dans un cas comme dans l’autre, le théâtre des opérations est situé en Amérique, ce qui, en soi, constitue un élément rassurant. On n’ose penser en effet aux suites qui auraient été données (ou non) à de tels cataclysmes s’ils étaient venus à se produire dans quelque république bananière dont les chefs sont « élus » à vie et n’ont de comptes à rendre qu’au Tout-Puissant. Illinois : 21e membre de l’Union et le cinquième par le nombre d’habitants (12 831 970, suivant le dernier recensement), dit le site Wikipedia. Originairement habitée par des groupes de tribus indiennes, les Illinis, la région a été explorée par les Français Jacques Marquette et Louis Jolliet. L’État a donné au monde le grand Abraham Lincoln, mais aussi le dénommé Alphonse Gabriel Capone, dit Al, le gangster le plus célèbre de l’ère de la prohibition. Il y a cinq semaines, il offrait aux Américains le premier président noir de l’histoire puis un triste sire, Rod Blagojevich, aujourd’hui convaincu des pires turpitudes, mais qui s’agrippe à son fauteuil. Confidence de l’agent Robert Grant, responsable local du Federal Bureau of Investigation (FBI) : « Si ce n’est pas là l’État le plus corrompu, c’est très certainement un concurrent difficile à détrôner. » Confidence d’un autochtone : « Dans ma vie d’adulte, j’ai connu neuf gouverneurs dont trois ont fini en prison, et maintenant, un quatrième peut-être. » Blagojevich est le sixième à faire l’objet de poursuites, le septième si l’on compte Joel Aldrich Matteson (en fonctions entre 1853 et 1857), surpris en train d’essayer de convertir en espèces sonnantes et trébuchantes des actions volées dans une boîte à chaussures, d’une valeur de 200 000 dollars, et ne dut son salut qu’en échange de la promesse de tout rembourser. Sans parler du secrétaire d’État local, Paul Powell, chez qui on découvrit en 1970 des cartons renfermant 800 000 dollars déboursés par d’honnêtes citoyens qui croyaient ainsi payer leurs plaques d’immatriculation. La palme du cynisme revenant à Richard M. Daley, maire de Chicago et faiseur de rois. Interrogé sur son choix de John Boyle pour un poste de responsable des Transports alors que l’homme s’était approprié les piécettes de 25 cents versées par les automobilistes aux postes de péage (4 millions de dollars au total), il l’avait jugé apte à occuper le « job ». Autre nom, autre effet. Charles Ponzi, cela vous dit-il quelque chose ? C’est le nom d’un escroc célèbre dans les années 1920, qui avait mis au point un système en vertu duquel les précédents jobards recevaient des bénéfices provenant des sommes versées par leurs suivants immédiats, et ainsi de suite de bas en haut de la pyramide. Résultat dans le cas de Bernard Madoff – gérant de fonds en langage de Wall Street, escroc de haut vol en clair : 50 milliards de dollars partis en fumée en l’espace de quelques décennies, un délai qui donne une idée de la manière dont fonctionnent les organismes dits de contrôle. Au lendemain du 4 novembre, on voyait en Obama un preux chevalier sur son blanc destrier, ferraillant contre la guerre, la faim, le sida, le réchauffement planétaire, ces quatre cavaliers de l’Apocalypse moderne. Peut-être que le 44e locataire de la Maison-Blanche devrait réviser à la baisse ses prétentions et placer en tête de ses priorités le nettoyage des écuries d’Augias américaines. Histoire aussi de donner l’exemple aux autres nations et d’insuffler quelque espoir dans le cœur d’hommes qui n’en finissent pas, comme on les comprend, de douter de tout et de tous.
Un gouverneur décide de mettre aux enchères (presque) publiques le siège de sénateur, vacant depuis l’élection de Barack Obama à la tête de l’unique superpuissance mondiale. Puis, confronté à l’énorme scandale né de cette affaire, il refuse de démissionner, affirmant n’avoir rien commis de répréhensible. À l’autre bout de l’échiquier, un financier véreux...