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Actualités - OPINION

Des lois contre le VIH Le commentaire Par Edwin CAMERON*

« Si la loi suppose cela, dit M. Bumble dans Oliver Twist de Charles Dickens, la loi n’est qu’une idiote. » Les propos condamnatoires de M. Bumble semblent particulièrement adaptés à un droit pénal qui incite les porteurs du VIH à ignorer qu’ils sont contaminés, donc à contaminer autrui, notamment les personnes qu’ils aiment. Dans une tentative malavisée d’enrayer la propagation du VIH et du sida, les parlementaires ont promulgué dans une multitude de pays des lois pénales qui encouragent l’ignorance au sujet de la maladie, qui punissent ses victimes et augmentent le risque que le virus ne fasse de nouvelles victimes. Plusieurs pays d’Afrique occidentale et centrale adoptent actuellement des politiques médiocres fondées sur la loi type africaine, qui érige en infraction pénale la transmission du virus ou l’exposition au virus par une personne contaminée. Dans certains systèmes juridiques, les procureurs peuvent accuser les femmes enceintes séropositives d’avoir potentiellement exposé les enfants qu’elles portent au virus. Il arrive certainement dans des cas rares et tragiques qu’une personne ayant le VIH contamine une autre personne dans l’intention de lui nuire. Il arrive même que des hommes contaminés par le VIH ou le sida violent des jeunes filles, croyant que des rapports sexuels avec des vierges pourraient les guérir. Des défenseurs des droits des femmes se sont prononcés en faveur de lois qui érigeraient en infraction la transmission du VIH, afin de punir les hommes qui ont tu leur séropositivité à leurs partenaires sexuels, notamment leurs femmes et petites amies. Le droit pénal existant est bien plus qu’adapté pour permettre à des systèmes de justice consentants d’infliger des sanctions appropriées contre les personnes qui ont l’intention de nuire. Toutefois, les législations pénales qui visent tous les porteurs du VIH font plus de mal que de bien et sont, par nature, injustes. Ce type de lois incrimine effectivement des millions d’innocentes victimes de la maladie, en particulier des femmes. Au Zimbabwe, par exemple, une femme a été récemment condamnée pour avoir exposé son compagnon au VIH, même s’il n’a pas été contaminé. En Ukraine, des défenseurs des droits de l’homme ont signalé le cas troublant d’une femme inculpée pour avoir transmis le VIH à son mari alors qu’il utilisait un préservatif et malgré sa volonté d’arrêter les poursuites contre elle. La discrimination à l’égard des femmes est ancrée dans toute l’Afrique. Ce sont généralement les femmes qu’on accuse d’introduire le VIH dans les relations. Cette idée fausse répandue vient du fait, au moins en partie, que les femmes sont systématiquement testées au VIH dans les maternités lorsqu’elles passent des tests de grossesse ou des examens médicaux. De leur côté, la plupart des hommes – dissuadés par la peur, l’ignorance, la fierté et parfois les tabous – refusent de se faire tester volontairement. Cette situation fausse la conclusion des affaires judiciaires puisque, compte tenu de l’absence de dépistage chez les hommes, les femmes contaminées par le VIH ne peuvent prouver devant les tribunaux que leurs partenaires sexuels masculins sont à l’origine de la contamination. Les lois qui incriminent la transmission du VIH sont néfastes à la santé publique car elles dissuadent les personnes séropositives, et celles à risque, de se faire dépister, conseiller et de suivre un traitement. Lorsque des personnes risquent des sanctions pénales, la ligne de défense juridique la plus efficace peut être de ne pas savoir si elles sont séropositives. Les poursuites judiciaires dissuadent nombre de personnes – en particulier les hommes et les personnes vivant dans des zones où le traitement contre le VIH est quasi inaccessible – de passer le test, qui risquerait de leur imposer la responsabilité pénale. En outre, ce type de lois fait des victimes du VIH les boucs émissaires d’un problème social contre lequel les gouvernements et les sociétés ne prennent aucune mesure efficace, ni parfois risquée d’un point de vue politique ou culturel, pour combattre la maladie. Il est triste que parmi ces démarches « risquées » figurent des mesures aussi rudimentaires qu’un débat ouvert sur la maladie, l’information et les campagnes encourageant, en particulier des hommes, à se soumettre au test. Depuis sa découverte par des chercheurs médicaux en 1981, le virus du sida a fait plus de 25 millions de victimes. Les nouvelles contaminations progressent toujours plus vite que les efforts déployés pour le traitement. Les mesures de précaution élémentaires telles que le dépistage du VIH, le préservatif masculin et féminin, et l’utilisation de seringues stériles dans le cadre médical demeurent inaccessibles à la grande majorité de ceux qui en ont besoin. Pour mettre un terme à cette situation déplorable, qui ne cesse de faire des victimes et des boucs émissaires, il faut prendre des mesures concrètes. Les seuls moyens connus pour empêcher de nouvelles contaminations consistent notamment à engager un débat ouvert et avisé sur l’épidémie du VIH, à informer sur la prévention et à distribuer des préservatifs. Pour que les femmes soient moins vulnérables au VIH, il importe de protéger l’égalité de droit à la propriété entre époux, d’appliquer les lois contre les actes de violence liés au sexe, y compris le viol dans le cadre conjugal, et de leur permettre d’avoir un comportement sexuel sans risque avec les hommes. * Edwin Cameron est juge à la Cour suprême d’Afrique du Sud. © Project Syndicate. Traduit de l’anglais par Magali Adams.
« Si la loi suppose cela, dit M. Bumble dans Oliver Twist de Charles Dickens, la loi n’est qu’une idiote. » Les propos condamnatoires de M. Bumble semblent particulièrement adaptés à un droit pénal qui incite les porteurs du VIH à ignorer qu’ils sont contaminés, donc à contaminer autrui, notamment les personnes qu’ils aiment.
Dans une tentative malavisée...