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Actualités - REPORTAGE

Correspondance « L’Alphabet d’Antoine », ou Watteau de A à Z

WASHINGTON, d’Irène Mosalli L’écrivain américain Jed Perl n’a pas eu recours au questionnaire de Proust. Il a dressé à sa manière un alphabet révélateur de son peintre favori, Jean-Antoine Watteau. Antoine de A à Z, dit le titre d’un ouvrage signé Jed Perl, critique d’art américain, qui sonde ce personnage à sa manière et non selon le questionnaire de Proust. Ce personnage est son héros et son peintre favori : Jean-Antoine Watteau (1684-1721). À ce célèbre peintre, il a donc dédié des pages à la fois fouillées et approfondies, admiratives et pétillantes. Ce bouillonnement de faits historiques et de réflexions personnelles, il l’a mis dans un ordre alphabétique énonçant Watteau tel qu’en lui-même. Tout y est de A (pour acteur) à Z (Zeus), en passant par «Dos», « Éventail», « Enlèvement d’Hélène », « Ornement», « Pèlerinage à l’île de Cythère», « Rococo », «Soldat», « Vignette ». Des mots-clés servant de titres de chapitre à l’étude des divers thèmes émanant des toiles qui réservent parfois des surprises. Ainsi, Perl met en lumière le lien pouvant exister entre l’Arlequin et le Pierrot de Watteau, et des caractères de Beckett si clownesques et écorchés vifs. Il élargit l’approche peinte du « Flirt » à un commentaire élaboré sur l’amour et ses métamorphoses. Puis, il s’arrête longuement sur la symbolique énigmatique du Pèlerinage à l’île de Cythère, l’une des œuvres majeures du peintre. Comme la plupart de ses autres toiles, elle est loin de se caractériser uniquement par une frivolité qui serait propre aux « fêtes galantes ». Comme ailleurs, l’atmosphère y est poétique et nimbée d’un flou de tristesse. On ne sait pas si les couples arrivent à l’île du bonheur où s’ils sont sur le point de départ. Un univers soyeux et ambigu L’écrivain américain a bien saisi la dualité entre ces deux attitudes et ces deux états d’âme qu’il relève aussi à la lettre D pour « Dos », une anatomie significative dans l’iconographie de Watteau. Les femmes semblent jeter un regard par-dessus leurs épaules. Cette perspective permet au peintre de renforcer les mystères du jeu de l’amour et du hasard, aussi bien que la beauté et la grâce des vêtements et des corps. L’alphabet dressé par Perl est aussi ludique que l’objet de son admiration, dont les pinceaux mettent en scène des sujets aux mille interprétations : des hommes, des femmes, des fontaines, des statues, des étangs, des grottes, des arlequins. D’où le mot « acteur » à la lettre A, car dans les peintures du célèbre peintre français tout est théâtre : des personnages en costumes de scène, une gestuelle grandiloquente, des portiques et des loggias qui suggèrent le monde des planches. Il est fasciné par la mentalité de la performance et sa portée magique. À ce jeu, l’auteur et le lecteur sont gagnants. Jed Perl ne donne pas une leçon de vie. Comme Watteau, il donne de l’éclat à la lutte pour se sentir vivre.
WASHINGTON,
d’Irène Mosalli

L’écrivain américain Jed Perl n’a pas eu recours au questionnaire de Proust. Il a dressé à sa manière un alphabet révélateur de son peintre favori, Jean-Antoine Watteau.

Antoine de A à Z, dit le titre d’un ouvrage signé Jed Perl, critique d’art américain, qui sonde ce personnage à sa manière et non selon le questionnaire de Proust. Ce...