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Actualités - OPINION

Homo-mobilis libanus

« La voiture a horreur du vide » est le principe absolu appliqué par l’homo-mobilis aborigène, alias le conducteur libanais. Ce n’est donc pas dans l’hésitant postulat de Pascal : « La nature a horreur du vide », que se trouve la vérité. Cette règle, qui se décline volontiers dans le slogan « Le vide devant moi, c’est moi qui l’occupe avant toi », est souveraine, appliquée par tous sans exception dès que l’on se met au volant de sa voiture. Supposons donc, pour se faire une idée de la débilité de ce nouveau code de la route, que vous vous engagiez dans la circulation pour un parcours-test. Parcours qui s’avère vite minimal, en distance s’entend et non pas en temps, en raison de l’immobilisme métallisé qui caractérise la voie publique. Par élémentaire prudence et comme tout le monde d’ailleurs, vous roulez à cheval sur la ligne médiane, cela bien entendu si les Travaux publics l’ont tracée au préalable. Soudain, sur votre gauche, un bolide vous dépasse pour se rabattre aussitôt sur la droite. Au même instant, un autre forcené fait la même manœuvre mais sur votre droite pour dévier immédiatement vers la gauche. Que faites-vous ? Instinctivement vous accélérez, sans trop comprendre pourquoi, mais, en réalité, inconsciemment pour récupérer votre bien perdu : le vide qui se trouvait devant vous. Ce réflexe, en variantes infinies, se reproduit partout et en toutes circonstances, que vous rouliez à tombeau ouvert sur le Grand-Lac-Salé de l’Utah que sont devenues nos autoroutes, ou à pas de tortue dans les canyons de nos villes. La seule différence qui distingue ces deux cas de figure est la distance qui sépare les voitures, distance qui se négocie en quelques mètres sur les routes et en centimètres dans les rues. Cependant, ces observations ne nous aident pas à résoudre un mystère tenace. Comment d’une part, au volant de sa voiture, l’homo-mobilis libanus se comporte comme un sauvage : grossier, égoïste, agressif, impatient et vindicatif, il truciderait volontiers bêtes et piétons qui se trouveraient sur sa trajectoire et, d’autre part, chez lui ou en société, l’homo sapiens libanais est courtois, civilisé et intelligent. Il peut au besoin vous tenir un discours circonstancié sur l’urgence de l’établissement des Transports publics qu’il conçoit ultramodernes, à savoir intermodaux et globaux, intégrant trains, monorails, métro, tramways, bus, minibus, vans, taxis-service, parkings au départ des lignes et pourquoi pas covoiturage. Si vous insistez, il vous parlera d’urbanisme, d’espaces publics, d’espaces verts, d’énergies renouvelables et même, s’il le faut, de l’équipement du territoire. Pour les anthropologues, sociologues, psychologues et surtout les behaviouristes dont la science est tellement « in » et pointue, la question demeure sans réponse : quel mécanisme du cerveau transforme instantanément le doux Dr Jeckyll en affreux Mr Hyde dès qu’il s’empare du volant ? L’État, par ses carences, n’y est-il pas pour quelque chose ? Grégoire SÉROF
« La voiture a horreur du vide » est le principe absolu appliqué par l’homo-mobilis aborigène, alias le conducteur libanais. Ce n’est donc pas dans l’hésitant postulat de Pascal : « La nature a horreur du vide », que se trouve la vérité.
Cette règle, qui se décline volontiers dans le slogan « Le vide devant moi, c’est moi qui l’occupe avant toi », est...