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Actualités - OPINION

Un redressement durable De Jeffrey D. Sachs

La récession mondiale actuelle n’est pas seulement le résultat d’une panique financière, mais également d’une incertitude plus fondamentale quant à la direction future de l’économie mondiale. Les consommateurs renoncent à acheter maison et voiture à la fois parce que la baisse des cours et de la valeur des biens immobiliers a porté un coup à l’état de leurs finances et parce qu’ils ne savent pas dans quelle direction se tourner. Faut-il prendre le risque d’acheter une nouvelle voiture si le prix de l’essence atteint de nouveaux sommets ? Sera-t-il possible de nourrir la famille après la formidable flambée du prix des denrées alimentaires de cette année ? Les décisions relatives aux investissements commerciaux sont encore plus difficiles. Les entreprises rechignent à investir à un moment où la demande est en chute libre et où elles sont exposées à des primes de risque sans précédent sur leurs emprunts. Elles aussi sont confrontées à des incertitudes majeures. Quel genre de centrale électrique sera autorisé à l’avenir ? Pourront-elles continuer à émettre du dioxyde de carbone comme autrefois ? Les États-Unis peuvent-ils encore se permettre le mode de vie suburbain avec de vastes maisons dans des agglomérations périphériques synonymes de grandes distances en voiture ? La convalescence économique dépendra en grande partie d’une vision plus claire de la direction que prendront les futurs changements économiques, décisions dans lesquelles les gouvernements joueront un rôle important. Après la direction confuse et malavisée de l’administration Bush, qui n’a pas su donner d’indications politiques précises au plan de l’énergie, de la santé, du climat et de la finance, le président élu Barack Obama devra commencer à définir une voie pour l’avenir de l’économie américaine. L’économie américaine n’est pas le seul élément de cette équation. Une vision globale d’un redressement durable est nécessaire et comprend la participation de la Chine, de l’Inde, de l’Europe, de l’Amérique latine, et, oui, même de l’Afrique, longtemps en marge, mais aujourd’hui acteur à part entière de l’économie mondiale. Quelques points émergent clairement au milieu de la confusion et des incertitudes. Premièrement, les États-Unis ne peuvent pas continuer à s’endetter vis-à-vis de l’étranger comme ils l’ont fait ces dernières huit années. Les exportations nettes des États-Unis devront augmenter, ce qui signifie que les exportations nettes de la Chine, du Japon et des autres pays excédentaires devront baisser en conséquence. Les ajustements nécessaires impliquent un important rééquilibrage du compte courant des États-Unis, à hauteur de 700 milliards de dollars environ, soit près de 5 pour cent du PIB. L’excédent commercial de la Chine pourrait se réduire de la moitié de cette somme environ (avec également des baisses des excédents commerciaux réparties dans d’autres régions), signifiant que le PIB chinois devra être davantage axé sur la consommation intérieure, à hauteur de 5 à 10 pour cent du PIB, et moins sur les exportations nettes. Fort heureusement, la Chine a entrepris de promouvoir une forte expansion de la consommation intérieure. Deuxièmement, la baisse de la consommation aux États-Unis doit être en partie contrebalancée par une augmentation des investissements américains. Mais les entreprises n’investiront pas davantage à moins d’une direction politique claire au plan économique. Obama a mis l’accent sur le besoin d’un « redressement vert », c’est-à-dire basé sur des technologies durables et pas simplement sur un rebond de la consommation. L’industrie automobile américaine doit être remaniée pour produire des voitures à faible émission de carbone, que ce soit des voitures hybrides rechargeables par branchement ou équipées d’une pile à combustible. L’une ou l’autre de ces technologies dépendra d’un réseau électrique national basé lui aussi sur une production d’énergie à faible émission de carbone, comme l’énergie éolienne, solaire, nucléaire ou des usines thermiques à charbon qui piègent et stockent les émissions de dioxyde de carbone. Toutes ces technologies nécessiteront un financement gouvernemental parallèlement aux investissements privés. Troisièmement, le redressement économique des États-Unis ne sera pas crédible sans une stratégie destinée à mettre de l’ordre dans les finances gouvernementales. La politique économique de George W. Bush a consisté à réduire les impôts, à trois reprises, tout en augmentant les dépenses de guerre. La conséquence de cette politique est un déficit budgétaire abyssal, qui s’aggravera encore dans l’année à venir (pour atteindre peut-être mille milliards de dollars) sous le poids conjugué de la récession, du renflouement des banques et des incitatifs fiscaux à court terme. Obama devra mettre en œuvre un programme fiscal à moyen terme qui rétablisse les finances de l’État. Ce programme devra comprendre la fin de la guerre en Irak, l’augmentation de l’imposition des riches et l’introduction progressive de nouvelles taxes à la consommation. Parmi les économies avancées, les États-Unis ont aujourd’hui le plus faible taux d’imposition par rapport au revenu national. Cela devra changer. Quatrièmement, les régions pauvres du monde doivent être perçues comme des occasions d’investissement et non comme des menaces ou des endroits à ignorer. À une époque où les principales entreprises de production de biens d’équipements américaines, européennes et japonaises sont en surcapacité, la Banque mondiale, la Banque européenne d’investissement, la Banque d’import-export des États-Unis et la Banque africaine de développement, et d’autres fonds d’investissements publics devraient financer les dépenses liées à la création d’infrastructures à grande échelle en Afrique : routes, centrales de production d’énergie, ports et télécommunications. Tant que les prêts sont à long terme et à faible taux d’intérêt (par exemple, un prêt sur 25 ans à 5 pour cent), les pays récipiendaires pourraient régler leur dette grâce à l’importante augmentation de revenus qui découlerait de ces investissements au cours d’une génération. Les avantages seraient considérables, à la fois pour l’Afrique et pour les pays riches qui trouveraient des débouchés pour leurs entreprises et leurs travailleurs qualifiés. Ces prêts devraient bien sûr être l’objet d’une initiative globale concertée, à une époque où même les entreprises les plus sûres peinent à trouver un financement pour le lendemain, et encore plus sur 25 ans ! Dans le cas des cycles économiques typiques, les pays sont généralement chargés d’assurer par eux-mêmes leur redressement. Cette fois-ci, une coopération globale sera nécessaire. Le redressement nécessitera des réajustements importants des déséquilibres commerciaux, des technologies et des budgets gouvernementaux. Ces changements à grande échelle devront être coordonnés, au moins informellement à défaut d’être imposés, au sein des principales économies mondiales. Chaque pays devra saisir la direction des changements nécessaires aux plans national et global, et toutes les nations devront coopérer au développement de nouvelles technologies durables et au financement conjoint de responsabilités globales, comme l’augmentation des investissements dans les infrastructures en Afrique. Nous en sommes à un point de l’histoire où un leadership politique global et coopératif est plus important que jamais. Les États-Unis ont heureusement fait un énorme pas en avant en élisant Obama. Il est maintenant temps d’agir. © Project Syndicate, 2008. Traduit de l’anglais par Julia Gallin.
La récession mondiale actuelle n’est pas seulement le résultat d’une panique financière, mais également d’une incertitude plus fondamentale quant à la direction future de l’économie mondiale. Les consommateurs renoncent à acheter maison et voiture à la fois parce que la baisse des cours et de la valeur des biens immobiliers a porté un coup à l’état de leurs...