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Actualités - OPINION

Entre parenthèses Rencontre avec le troisième type

de Colette KHALAF Votre carte de visite ?, m’a-t-on demandé. Je réalisais que je n’en avais pas une. Pourquoi cette négligence d’ordre professionnel ? Est-ce parce que cette petite carte, qui est censée vous représenter, ne valait pas grand-chose à mes yeux ? Seules les rencontres sont essentielles. Elles s’impriment mieux qu’un petit bout de carton. Comme cette rencontre avec le comédien Jean Piat à qui j’avouais tout de go, en plongeant mon regard dans ses yeux bleu azur, que le chevalier Lagardère (il avait incarné Le Bossu) avait hanté mon enfance. Ou avec un rondouillard Michel Galabru qui, venu jouer La femme du boulanger au Casino du Liban, m’offrit un verre et me dit : « Parlons de mon ami Louis (de Funès) ». Il y a eu aussi cette rencontre avec une petite actrice ingénue et timide, venue présenter son Taxi au Liban. Quelle joie d’avoir connu et apprécié la Cotillard avant qu’elle ne devienne La Môme. Et que dire de ce rendez-vous très amusant avec Isabelle Huppert qui, lors d’un festival de Beyrouth, m’accorda une entrevue et me demanda de monter dans sa chambre d’hôtel. Elle devait être au sixième étage. Claustrophobe invétérée, j’empruntais alors l’escalier. La comédienne m’accueillit au haut des marches en lâchant ce mot : « Ah vous aussi, vous craignez les ascenseurs ? » La glace était rompue. Ce jour-là j’avais d’abord voyagé d’Est en Ouest avec Régis Warnier. Sans oublier cette entrevue ou plutôt cette conversation à bâtons rompus qui dura plus d’une heure où le beau Bernard Giraudeau me parla avec pudeur et humilité de son cancer ? La rencontre avec Élodie Bouchez, triste de quitter un Beyrouth qui l’avait fascinée ; avec un généreux Abdellatif Kechiche, qui m’accorda une petite entrevue autour d’un « expresso », express mais intense, ou encore avec Catherine Deneuve, parlant avec pudeur des raisons qui la poussèrent à venir au Liban, furent autant de découvertes surprenantes et agréables. Une note triste au tableau était pourtant ce rendez-vous raté avec Youssef Chahine. À mon arrivée à l’hôtel pour m’entretenir avec lui, on me dit qu’il avait été hospitalisé, mais qu’il avait demandé au standardiste de s’excuser en son nom. Élégant Joe ! Sans parler d’autres entrevues avec des personnes du milieu littéraire ou de la chanson qui laissent des marques indélébiles. Quoique fugaces et éphémères, ces rencontres-là s’inscrivent dans la mémoire. Beaucoup plus qu’une carte de visite qu’on retrouve souvent au fond d’un sac ou d’une poche, oubliant souvent à qui elle appartient.
de Colette KHALAF

Votre carte de visite ?, m’a-t-on demandé. Je réalisais que je n’en avais pas une. Pourquoi cette négligence d’ordre professionnel ? Est-ce parce que cette petite carte, qui est censée vous représenter, ne valait pas grand-chose à mes yeux ? Seules les rencontres sont essentielles. Elles s’impriment mieux qu’un petit bout de carton.
Comme cette...