Exposition L’Allemagne en photos, sans clichés

Soixante-deux photographies accrochées aux cimaises de la villa Audi racontent l’Allemagne ou le « Heimat » de huit photographes de l’agence Ostkreuz. À l’occasion du 15e anniversaire de l’agence Ostkreuz, ses 17 photographes ont décidé, en 2005, de se pencher sur la situation actuelle du pays dans lequel ils vivent. Résultat : « Images d’Allemagne », une vaste exposition de groupe qui a été présentée pour la première fois à Berlin à l’automne 2005 et dont huit « positions représentatives » ont été sélectionnées pour l’exposition itinérante du Goethe-Institut qui plante ses trépieds à la villa Audi. L’exposition est constituée de 62 photographies en couleurs et en noir et blanc, de Thomas Meyer, Jordis Antonia Schlösser, Anne Schönhartig, Sibylle Bergemann, Linn Schröder, Annette Hauschild, Ute Mahler et Wolfgang Bellwinkel. Ce dernier, présent au vernissage, anime, dans le cadre de son séjour à Beyrouth, un atelier de photographie à l’Académie libanaise des beaux-arts, à Sin el-Fil. Intitulé « Ma génération », ce workshop invite les participants à créer leur idée sur la culture des jeunes, en prenant en considération les situations politiques et sociales actuelles au Liban. Bellwinkel a également donné une conférence sur son approche conceptuelle de la photographie. Le photographe allemand signe notamment une image hautement colorée d’un couple se délassant dans un jardin. Annette Hauschild a également pris le parti de représenter une scène de détente représentant quatre filles se promenant sur une route dans un paysage de montagne. Anne Schönhartig signe le portrait d’un jeune garçon pensif devant sa tartine. Une vue d’intérieur surannée de la grande Sibylle Bergemann. Une tente plantée au milieu d’une plage désertique (Thomas Meyer) et des mamies qui font du karaté (Ute Mahler) complètent ce panorama haut en couleur. Un thème central qui revient sans cesse dans ces huit séries photographiques est la notion de Heimat, le pays natal, en tant que déterminant géographique, social et politique, mais aussi expression de sentiments et de nostalgies. Des visions surréalistes, comme celle de Linn Schröder qui représente des éléphants sous la neige. Ou le saisissant reportage de Jordis Antonia Schlösser sur la mine à ciel ouvert de Garzweiler. L’occasion de porter un regard sur l’Allemagne à travers une série d’images de leur choix. En dehors des clichés habituels. M.G.H. * Villa Audi, derrière centre Sofil, quartier Sursock. Jusqu’au 9 décembre. * * * Quid d’Ostkreuz ? Ostkreuz est le nom de la plus importante station de métro à Berlin. C’est aussi, depuis la chute du mur, le nom d’une agence de photographes établie sur le modèle Magnum par des professionnels est-allemands attachés au principe de la photo d’auteur. En 1990, dans une situation qui, pour beaucoup, a tourné au défi existentiel, Sibylle Bergemann, Harald Hauswald, Ute et Werner Mahler, Jens Rötzsch, Thomas Sandberg et Harf Zimmermann ont osé prendre ensemble un nouveau départ, tentant de concilier prétentions personnelles et professionnelles. Le chemin choisi était difficile, il leur permettait néanmoins, en dépit de circonstances défavorables, une certaine autonomie financière et surtout une indépendance thématique. Mais la fin de la RDA n’offrait pas seulement de nouvelles opportunités, de nouvelles possibilités de développement, elle était aussi synonyme d’incertitude et de réorientation. Avant 1989, les photographies des membres de l’agence Ostkreuz se distinguaient surtout par leur vision critique de la réalité est-allemande. Après la chute du mur de Berlin, les points de friction, autrefois hautement sensibles, ont perdu leur importance. Un haut niveau d’engagement devenait nécessaire pour reconnaître, dans ce nouveau contexte, ce qui était important ou non, pour s’affirmer dans cette société occidentale encore étrangère. Mais l’engagement fut payant : Ostkreuz est aujourd’hui une institution bien établie et reconnue.